Sivasutravimarsini de Ksemaraja
Traduction de Lilian Silburn ((Éditeur : Institut de civilisation indienne - Diffusion E. de Boccard 11, rue de Médicis Paris 6°).
Le yogi qui a surmonté l'état de Sujet connaissant identifié au corps subtil et qui n'est plus intérieurement affecté par le plaisir et la douleur :
34 - Parce qu'il en est complètement libéré, on le dit isolé
Entièrement libéré du plaisir et de la douleur, n'étant plus affecté intérieurement même par leurs tendances résiduelles, c'est un être isolé, c'est-à-dire ayant pour seule et unique essence la subjectivité d'une pure conscience absolue.
Le Kalikakrama déclare : « Que le yogi acquière le fruit du yoga en dissipant la grande obscurité de la dualité que forge intensément la pensée dualisante adonnée à discerner plaisir et douleur. »
L'auteur dit ceci :
35 - Par contre celui que restreint l'obscurcissement est fait d'actes karmiques
En raison de l'obscurcissement ou de l'ignorance, comprimé en une masse unique d'obscurcissement, il devient le support du plaisir et de la douleur ; étant perpétuellement contaminé par ce qui est bon et mauvais, il s'identifie à ses actes responsables. C'est ce qui est dit ici même par le Kalikakrama.
Si un tel soi ainsi constitué d'actes recouvre sa liberté innée quand la grâce toute-puissante et invincible dessille ses yeux, alors pour lui :
36 -Une fois la différenciation éliminée, il effectue une autre créativité
Lorsque émerge sa propre nature comme une masse indivise de Conscience et qu'en conséquence se trouve éliminée, repoussée, la différenciation appartenant aux sujets appelés sakala, pralayakala qui prennent respectivement le Soi pour leur corps ou pour leur souffle, etc., le yogi acquiert peu à peu la majesté des sujets nommés mantra, mantresvara et mantra mahesvara. Alors son activité relève d'une autre créativité, et il devient l'architecte d'un univers qu'il modèle à son gré.
Dans le Svacchandatantra on trouve de même (VI, 54) : « Utilisant une récitation (japa) douée d'une triple qualité, il sera semblable à l'être autonome. » Et plus loin ce tantra dit de l'être autonome qui a éliminé la différenciation : « Les dieux Brahma, Visnu, Indra, les êtres accomplis (siddha), les daitya, les uragesina, (tous), il les frappe de terreur et les en délivre aussi. Il détruit la superbe du temps et met bas jusqu'aux montagnes elles-mêmes. » (VI, 55). (Les daitya sont des divinités védiques, les fils de Diti. Comme les siddha, yogi accomplis doués de pouvoirs surnaturels, les uragesina, Seigneurs des naga, au nombre de huit, sont des yogi éminents dont Sesanaga fait partie.)
Cela ne lui est pas impossible car :
37 - Chacun éprouve par sa propre expérience l'énergie créatrice
Tout homme possède par expérience personnelle durant les rêves et les fantaisies imaginaires de son énergie créatrice, cette faculté de créer à volonté des choses variées, n'appartenant qu'à lui. Le Soi jouit aussi d'un même pouvoir. C'est en ce sens que I'Ïsvarapratyabhijnakarika déclare : « Puisque tout être vivant peut ainsi manifester et graver ce qu'il désire, on en déduit avec certitude qu'il possède connaissance et activité. » (l, 6.11).
En conséquence, si le yogi le veut avec détermination, en prenant conscience de son pouvoir créateur il peut créer à son gré des choses communes à tous (Non plus en rêve comme précédemment et spécifiques à chacun.).
Le Tattvagarbha le dit également : « Quand ils ont expulsé très loin le découragement à l'égard de leur puissance créatrice ces êtres extraordinaires resplendissent de la vertu de leur propre efficience pleinement révélée et leur vouloir devient alors l'arbre apte à satisfaire tous les désirs (Allusion au kalpataru, l'arbre fabuleux du paradis d'Indra.). »
Puisque l'expression « énergie créatrice » (karanasakti) signifie que la libre énergie ayant pour nature le Quatrième état forme la moelle du Sujet identique à l'Éveil même, alors pour stimuler l'essence du Quatrième qu'avait chassée l'énergie d'illusion, il faut :
38 - Animer les trois états par le Quatrième
Les trois états d'émanation, de maintien et de réabsorption sont respectivement orientation vers les choses, attachement à elles, et leur intériorisation. Adi, le principal, ou Quatrième état, en imprégnant de ravissement les trois états, devient une masse de félicité. Et bien que cette dernière soit recouverte par l'énergie d'illusion, grâce au ravissement elle brille comme l'éclair pendant les moments propices de l'expérience objective.
Si durant ces moments le ravissement n'apparaît que pour un instant, il faut grâce à lui animer ces trois états progressivement en stabilisant la prise de conscience de ce ravissement éprouvé à l'intérieur de soi. Autrement dit, il faut stimuler leur vie à l'aide de la Vie même du Soi.
Voici ce que déclare un passage du Vijnanabhairava qui commence ainsi : « La félicité éprouvée comme sienne au plus profond de soi n'est pas soumise à la pensée dualisante ... Elle est l'expression de la plénitude, la Bhairavi, l'énergie du Soi de Bhairava. » (14-15). « En vérité on doit discerner cette Merveille immaculée qui emplit le cosmos. » (16). Et ensuite : « La jouissance de la Réalité du brahman qu'on éprouve au moment où prend fin l'absorption dans l'énergie fortement agitée par l'union avec une parèdre (sakti), c'est elle précisément qu'on nomme jouissance intime. » (69). « Ô Maîtresse des dieux! l'afflux de la félicité se produit même en l'absence d'une énergie (une parèdre) si l'on se remémore intensément la jouissance née de la femme grâce à des baisers, des caresses, des étreintes. » (70). « Ou encore, à la vue d'un parent dont on a été longtemps séparé on accède à une félicité très grande. Ayant médité sur la félicité qui vient de surgir, on s'y absorbe, puis la pensée s'identifie à elle. » (71). « Grâce à l'épanouissement de la félicité que comporte l'euphorie causée par la nourriture et la boisson, qu'on adhère de tout son être à cet état de surabondance et l'on s'identifiera alors à la grande félicité. » (72). « Si un yogi se fond dans le bonheur incomparable éprouvé à jouir des chants et autres plaisirs sensibles, parce qu'il n'est plus que ce bonheur, une fois sa pensée stabilisée, il s'identifiera complètement à lui. » (73).
Ainsi ce tantra expose-t-il les voies libératrices.
Le Spanda enseigne la même chose dans le passage commençant par : « Dans l'état d'un homme irrité, ou encore transporté de joie, ou bien perplexe, ne sachant plus que faire, ou qui, affolé, court çà et là, c'est en cet état que la vibrante Réalité est bien établie. » (22). Et qui se termine par: « L'éveillé n'a plus aucun voile. » (25).
Sans rien laisser à désirer je l'ai bien démontré dans mon Spandanirnaya.
L'auteur a dit au III, 20 : « Le Quatrième état doit être répandu sur les trois autres comme de l'huile », c'est-à-dire que ce Quatrième anime la veille et les autres états. Ici il enseigne de même que le Quatrième anime le début, le milieu et la fin de tous les états que connotent implicitement les termes émanation, maintien et résorption. En ceci les deux aphorismes diffèrent.
Que le yogi ne se contente pas d'animer les trois états par le Quatrième, ce qu'il réalise en s'appliquant fermement à l'intériorité, mais que de plus :
39 - Dans le corps, dans les organes et dans les objets externes, comme il le fait au niveau de la conscience intériorisée
il anime les trois états, complète le sutra.
Qu'il les anime par le ravissement du Quatrième état non seulement au niveau de la conscience intériorisée, mais aussi quand elle s'extériorise dans le corps, les organes et les objets externes. Qu'il les anime graduellement à l'aide du Quatrième, les vivifiant à chaque étape par la puissance acquise grâce à son application à prendre intérieurement conscience de soi.
Le Vijnanabhairava le déclare également : « Qu'il considère soit l'univers entier soit son propre corps, simultanément dans sa totalité, comme rempli de sa propre félicité. Alors, grâce à son ambroisie intime, il s'identifiera à la suprême félicité. » (65).
Ainsi lorsque la libre énergie pleine de félicité se révèle au cours de tous les états, le yogi suscite les créations qu'il désire.
Mais s'il n'a plus conscience du Quatrième état intérieur en tant que le Soi, alors, parce qu'il limite sa conscience au corps, etc., et que l'impureté de finitude lui fait croire erronément à son imperfection :
40 - En raison de son penchant, se dirigeant vers l'extérieur, il est traîné
Associé aux cuirasses, à l'organe interne, aux organes externes, aux éléments subtils et grossiers que dirige la roue des énergies, il est traîné de matrice en matrice, c'est un être asservi (pasu), assujetti aux actes karmiques.
Le Sacchanda dit à son sujet : « Mais le penchant est ici l'impureté. » (IV, 105)
Par la faute de ses penchants consistant en impureté de finitude dite ignorance ou conception de non-plénitude, il se tourne vers le champ objectif, il se dirige vers l'extérieur et à aucun moment il n'est attentif à son essence intime.
Il est dit dans le Kalikakrama : « Voilé par l'ignorance, et à cause de sa manière d'être à double pôle, aussitôt il ne réalise plus que tous les niveaux du réel à partir de sivatattva sont identiques au Soi ; alors, sous l'influence de l'ignorance les modalités bonnes et mauvaises apparaissent distinctes. Une douleur extrême naît des modalités mauvaises. S'étant forgé des conceptions imaginaires, les hommes souffrent dans les enfers, consumés par leurs propres fautes comme les roseaux par leur propre feu. A cause de leurs dispositions toujours pleines d'illusion, ils récoltent le fruit de l'ignorance et obtiennent un corps fait d'illusion, et réceptacle de tourments. »
Mais si, les yeux dessillés par la grâce du Seigneur, il reprend conscience de sa véritable nature, ses penchants ayant alors pris fin, il ne tend plus vers l'extérieur mais se complaît perpétuellement au seul charme du Soi, ainsi que l'auteur le dit :
41 - Sa Connaissance fermement établie dans ce Quatrième grâce à la disparition de ce penchant, l'individualité disparaît complètement
La connaissance indubitable (pramiti) ou conscience de ce yogi est une prise de conscience fermement établie dans le Quatrième état, cette modalité du Sujet dont on a parlé.
Tout penchant se trouvant éliminé, prend fin également la conscience relative au corps subtil que possède l'individu entraîné par ses penchants. Ce qui signifie qu'il fulgure alors comme le Sujet même, la Conscience absolue.
La Kalikakrama déclare : « Bien éveillé, on ne perçoit plus du tout les objets vus en rêve. De même, grâce à sa contemplation du Soi le yogi ne voit plus du tout le samsara. » Et encore : « Le yogi bannit les fluctuations de sa pensée relatives à l'être et au non-être ; il se réfugie dans le domaine intérieur et, plein de la certitude de la non-dualité, il dissipe entièrement le réseau des conceptions imaginaires, qu'elles soient supérieures ou inférieures. Jouissant toujours de son propre Soi et se consacrant à dévorer le temps, ce yogi qui s'adonne à l'isolement (kaivalya) atteindra le nirvana. »
Adonné à l'état d'isolement signifie qu'il ne peut être entraîné par les organes sensoriels et les éléments subtils.
On objecte alors : son corps ne devrait-il pas tomber mort une fois l'individualité disparue ? En fait on ne constate rien de tel, car même un être parfaitement-éveillé conserve son corps. Comment peut-on dire en toute évidence qu'il est bien établi en cet état ? En réponse à l'objection l'auteur précise :
42 - Les éléments n'étant pour lui qu'une cuirasse, alors, complètement libre, il est éminemment semblable au maître (du troupeau, le souverain), le Suprême
Alors, grâce à la disparition des penchants quand s'évanouit l'erreur qui prend la conscience du corps subtil pour celle du suprême Sujet, il est bhutakancukin, enveloppé comme d'une cuirasse par les éléments qui engendrent le corps grossier mais qui n'affectent nullement son intériorité, les éléments étant comme un manteau distinct dont on se sépare à volonté.
Étant tel, complètement délivré, il jouit du nirvana, et c'est pourquoi il est éminemment semblable au maître (pati) ; tout absorbé en son essence, Conscience indivise du Seigneur, il n'est que plénitude.
Comme l'énonce le sutra III, 26 : « Les fonctions du corps forment son observance religieuse », bien qu'il réside dans un corps, qui fait office de fourreau, il n'est pas même effleuré par les tendances inconscientes qui lui feraient prendre le corps pour le Sujet conscient.
Il est dit dans la Kularatnamala : « Lorsqu'un maître excellents lui explique parfaitement le secret et qu'aucun doute ne subsiste, à ce moment précis il est délivré et demeure détaché en son corps dont il se sert comme d'un simple instrument. Mais combien plus élevé encore ce yogi à la parfaite compréhension qui, s'il s'établit dans le brahman suprême ne fût-ce qu'un instant, avec la fine pointe de l'esprit aiguisée, non seulement se libère mais libère les autres êtres. »
Et le Mrtyujit également : « S'il appréhende la Réalité ne fût-ce qu'en un clin d'œil, il est libéré au moment même. Pour lui en vérité point de renaissance. » (VIII, 8).
Et le Kulasara aussi : « Ah ! combien éminente est cette Réalité simplement reconnue, ô Belle! Car à peine reçue à l'intérieur de l'oreille, à l'instant même on est délivré ! »
Pourquoi cette cuirasse d'éléments ne prend-elle pas fin à ce moment précis ? A cela l'auteur répond :
43 - L'union au souffle de vie est naturelle
L'union au souffle vital est naturelle, spontanée, provenant de la nature des choses et due à la liberté divine. En vérité la Bienheureuse Conscience qui désire manifester la variété infinie de l'univers, se contractant, assume à l'origine les rôles de sujets percevants sous forme d'énergie animatrice (prananasakti) qui révèle la manifestation de l'Univers sous un aspect limité, puis elle révèle le monde en tant qu'objets perçus. Ainsi l'union au souffle étant originairement manifestée par la liberté divine est naturelle.
Dans la Vajasaneya on trouve : « C'est elle, l'énergie, suprême, subtile, omnipénétrante, très pure, bénéfique, la mère de la roue des énergies, la félicité suprême identique à l'immortelle ambroisie. La grande Déesse effroyable, Canda (Ou Durga la cruelle qui dévore le monde des phénomènes.) qui effectue émanation et résorption entraîne de force le temps porteur des trois, triple et résidant en trois (C'est-à-dire l'objet, la connaissance et le sujet connaissant.). »
Ces stances font allusion à l'activité destructrice de la Bienheureuse Conscience qui porte successivement les trois voies du souffle (ida, pingala et susumna) ; elle est triple : lune, soleil et feu (l'objet, la connaissance et le sujet connaissant) et manifeste le temps externe sous le triple aspect de passé, présent et avenir.
Le Svacchanda déclare de même : « Le prana chez le vivant fait de souffle a pour fonction inspiration et expiration. Se trouvant dans la poitrine de ceux qui respirent, c'est lui qui toujours les remplit de vie. » (VII, 25). Et encore au sujet du souffle : « Mais la lettre H est, dit-on, le souffle fonctionnant spontanément et ayant la forme d'un soc de charrues. » IV, 255.
Parce qu'il est fait de Vie sous forme du Seigneur illustre et autonome, et parce qu'il vide et remplit, on lui attribue émanation et résorption. Il est donc juste de soutenir que l'union au souffle est naturelle.
Dans son Tattvarthacintamani, Bhattakallata fait du souffle la cause efficiente universelle : « La Conscience d'abord se transforme en Vie. »
Tant que dure l'union naturelle au souffle, le yogi qui a accédé au Quatrième état et qui demeure constamment conscient de l'énergie intime est en vérité un être extraordinaire ; l'auteur déclare donc :
44 - Ayant maîtrisé la conscience résidant au centre intime de l'énergie nasale, qu'importe le parcours du souffle dans les canaux de gauche, de droite et du milieu
Les principaux canaux de la roue des énergies sont ceux de droite, de gauche et. du milieu, la susumna. Le souffle nasal est l'énergie du souffle qui circule courbée (la lovée ou kundalini), nasika étant dérivé de nasale « qui avance de façon sinueuse » (kutila) ; antar, intérieur, c'est la conscience intime, et madhya est le centre de cette conscience, la réalité primordiale, la plus intérieure de toutes les réalités.
Le Kalikakrama déclare : « ... Ce Dieu qui transcende les dieux et dont l'essence forme la Conscience éminente a pour suprême énergie une prise de conscience de soi (vimarsa) omnisciente et pleine de Connaissance. »
Que reste-t-il à dire ici lorsque par l'excellence de sa vision intérieure et, par son emprise sur la conscience de soi, ce suprême samadhi resplendissant, soustrait à toute dispersion, subsiste au cours des divers états.
Le Vijnanabhairava dit de même : « La perception du sujet et de l'objet est la même chez tous les êtres nantis d'un corps. Mais ce qui caractérise les yogi, c'est leur attention ininterrompue à l'union du sujet et de l'objet. » (106).
L'auteur achève le livre en montrant de quels fruits d'union jouit un tel yogi :
45 - De nouveau il y a réouverture des yeux
De nouveau les yeux s'ouvrent encore et encore à l'univers dès que les tendances à la différenciation ont entièrement disparu, le yogi profondément absorbé dans la suprême union jouit de pratimilana, l'univers surgissant de la Conscience absolue. Qu'il ouvre ou ferme les yeux, il ne perçoit qu'une seule et même conscience, qu'il se tourne vers la conscience, les yeux fermés à l'univers (nimilana) ou qu'à nouveau, encore et encore, il ouvre les yeux (unmilana), et l'univers lui apparaîtra comme identique à sa propre Conscience.
C'est ce que déclare le Svacchanda : « Que tout adonné à l'énergie apaisée par-delà la pensée, ô Déesse, il y fixe le Soi ; et ainsi fixé, le Soi s'identifie à elle. » (IV, 332). Et encore : « Un feu très clair et bien enflammé ne pénètre plus à nouveau dans un morceau de bois qu'il vient de consumer, De même en est-il du Soi affranchi des cheminements de la servitude : libéré des énergies fragmentatrices propres aux actes impurs ainsi qu'aux limites, il est exempt de toute langueur ; il n'est plus asservi même s'il continue à résider en ce monde. Il y demeure parfaitement pur. » (X, 371-372).
Par l'expression « à nouveau » ou « encore » (bhuyas) l'auteur n'entend pas dire que le yogi acquiert de façon nouvelle la divinité, mais que celle-ci est sa nature même. C'est en raison de l'influence néfaste de sa propre pensée dualisante issue de l'énergie d'illusion qu'il ne peut reconnaître sa nature véritable bien qu'elle resplendisse spontanément. Elle se révèle grâce à l'enseignement graduel des voies de la délivrance que ce traité a décrites.
Prospérité à tous !
STANCES FINALES DE KSEMARAJA
1. Cette glose des Sivasutra embellie par son harmonie avec les Livres sacrés et par son accord avec les Spandakarika est écrite afin de révéler le sens mystique du Sivaïsme.
2. Que les êtres vertueux- aspirant à briser les liens du devenir savourent pleinement cette glose aux aphorismes de Siva, intitulée « prise de conscience de leur contenu ». Elle abonde en une précieuse ambroisie qui s'écoule toujours fraîche de l'enseignement de la mystique sivaïte.
3. Elle excite l'intérêt de ceux qui n'en ont guère ; elle fait évoluer largement l'intuition vers les niveaux élevés. Elle est pareille au flot de divin nectar, aussi suffit-il de la savourer pour que soient écartées les craintes de la naissance, de la vieillesse et de la mort.
4. L'homme ordinaire qu'enveloppent et recouvrent complètement le corps, le souffle, le plaisir et les autres impressions, ces domaines du sujet limité, ne perçoit pas sa propre conscience, la très magnanime souveraineté. Mais celui qui par un tel enseignement perçoit de tous côtés l'univers comme une bulle d'écume au milieu de l'océan ambrosiaque de la Conscience est déclaré l'unique Siva lui-même.
5. Traversez rapidement l'océan de la transmigration ; avancez sans dévier d'un pas et demeurez inébranlable dans le royaume suprême qui éternellement déborde de joie et de clarté.
Prenez pleine conscience de ces Sivasutra énoncés par Siva et resplendissants de mystique ; ils brillent puissamment, étayés de moyens appropriés : c'est à bonds rapides qu'ils font intérieurement progresser.
Telle est la description de la voie individuelle, troisième chapitre de la Sivasutravimarsini, œuvre du vénérable Ksemaraja qui se consacre au service de son maître vénéré Mahamahesvara Abhinavagupta.
Cette Sivasutravimarsini est terminée. Ksemaraja l'a écrite en vue du bonheur et de la prospérité de ceux qui se consacrent à « prendre conscience de soi » et pour qu'ils s'éveillent à leur identité à Siva.
Prospérité à tous !