Accomplissement de la véritable nature de l'homme (Para-Brahman)
par Sri Siddharameshwar Maharaj

Source : Sri Siddharameshwar Maharaj « La clef de la réalisation de soi » - Les Deux Océans – Paris



Suite du texte : Celui qui voit la mort des quatre corps demeure

Nous avons jusqu'ici étudié les différentes étapes de la connaissance de soi puis la dévotion qui suit la connaissance. Nous avons atteint l'étape où le disciple devient un jnani, conscient de lui-même. La fin de toute connaissance du corps supra-causal aboutit à considérer le monde comme soi-même.

Bien que cela soit vrai, Samartha Ramdas a néanmoins nommé cette conscience du corps supra-causal le « Brahman inconstant » par rapport à Para-Brahman (au-delà de Brahman) qui est immuable. Para-Brahman est différent du Brahman manifesté et non manifesté des quatre corps, il est donc non-conscience. Les Écritures disent : « il n'est ni ceci ni cela » (neti-neti), cela veut dire qu'il n'est ni la conscience/connaissance, ni l'ignorance. L'immuable non changeant Para-Brahman ou param-Atman est la seule vérité, l'essence et la racine de tout ce qui est transitoire, il est sans substance. Ceci est la conclusion de Samartha Ramdas (chapitre II, du Dasbodh).

Pourquoi la conscience est-elle instable ? Parce qu'elle a beaucoup de noms, masculins, féminins ou neutres : Sat-chit-ananda (la nature divine dans son expression première : Être, Conscience, Félicité), Ahamkara (ego), Narayana (l'un des noms de Vishnou), Shiva (l'Être primordial) etc, sont du genre masculin. Shakti (énergie), Prakriti (nature originelle), Shruti (pulsation originelle « je suis ») etc, sont du genre féminin. Nija rupam (notre propre nature), Mahakarana (corps supra-causal), la pure conscience, Brahman etc, sont du genre neutre comme tous les noms donnés à la connaissance de l'Être. Celui qui ne rentre dans aucune de ces catégories est l'éternel, l'immuable, Para-Brahman.

La qualité de conscience du corps supra-causal est bien sûr supérieure à celle du corps physique. Cette conscience peut être atteinte par la méthode de l'élimination puis, par la démarche déductive, elle se mêle à nouveau au corps physique. Toutefois, on ne peut pas dire que ce double mouvement de conscience soit le signe que le disciple ait atteint l'ultime réalité, Para-Brahman. Para-Brahman est le point de non-retour.

La conscience est appelée « conscience », mais le Brahman n'a pas de nom en vérité. Dans la conscience « je suis » il y a association à la forme du monde, l'intelligence (Chitta) subit la modification, le mouvement, et la conscience aussi. La modification ou changement est un état et para-Brahman est au-delà de tout changement. Ainsi il y a autant de différence entre la connaissance (jnana), la conscience « je suis », et l'absolu (Para-Brahman), qu'entre l'obscurité et la lumière.

« Quand il y a contact entre l'immuable et le changeant, l'intellect est troublé », nous dit Samartha Ramdas, et c'est ici que se glisse le dernier malentendu. Avant que la connaissance « je suis » n'apparaisse, le pur oubli est à tort pris pour la connaissance. De la même façon, si cette connaissance (jnana) n'est pas suffisamment développée elle sera également mal interprétée et prise pour la connaissance suprême (vijnana) ou Para-Brahman qui est l'absence totale de modification, et le disciple stagnera à ce niveau.

Samartha Ramdas a comparé le sage (jnani) qui n'a pas atteint le but ultime, à un homme réveillé dans un rêve et qui pense qu'il est réellement éveillé, alors qu'il est en train de ronfler ! « Vous pensez qu'il s'agit de l'éveil mais vous êtes toujours dans l'illusion ! ». C'est l'avertissement que Samartha Ramdas a donné à ces sages qui s'illusionnent sur leur accomplissement.

Les corps physique et subtil sont comme un rêve pour le corps supra-causal, mais lui-même est un rêve dans la réalité suprême (vijnana). Dans l'ignorance il y a l'esclavage et dans la connaissance la libération, mais lorsque tous deux, ignorance et connaissance, disparaissent comment l'idée de l'esclavage et de la libération pourrait-elle exister ?

Les Écritures ne vont pas au-delà du corps supra-causal, et jusque là, il s'agit de théorie. Mais dans le champ de la connaissance, au delà du corps supra-causal, la conclusion s'impose d'elle-même et c'est ici que tout ce qui a été développé au préalable est maintenant effacé. Quand l'ordre phénoménal est annihilé, ce qui reste est votre véritable nature. Il est impossible de le décrire en mots puisque la connaissance verbale est elle-même ignorance, que la conscience devient non-conscience, et que les remèdes prescrits par les Écritures ne sont qu'obstacles. Vous seul pouvez voir, par vous-même, comment atteindre le sommet.

Le maître vous a conduit jusqu'au seuil et vous a poussé à l'intérieur, mais il ne peut pas vous montrer la beauté du spectacle intérieur. Vous devez saisir le trésor vous-même ! Rien ne peut plus être transmis par les mots désormais, et ce qu'ils n'ont pu atteindre vous a été confié. Nous pouvons vous inciter à devenir un chercheur mais vous seul pouvez devenir un être éveillé !

Ce livre se termine et les mots sont maintenant superflus, le chant du maître est limpide : « Hari om tat sat » (tu es celà).