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BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja














Voie de l'individu.

Dans la voie individuelle le Soi n'est que conscience limitée.



SIVASUTRA ET VIMARSINI DE KSEMARAJA
Lilian Silburn - Diffusion de Boccard - PARIS
LES SIVASUTRA Chapitre III voie de l'individu.


Les Sivasutra ici

1 - LE SOI EST LA CONSCIENCE EMPIRIQUE.
Dans la voie individuelle l'âtman n'est que conscience limitée dont :

2 - LA CONNAISSANCE FORME LE LIEN.
Pourquoi est-ce un lien ?

3 - L'ILLUSION CONSISTE A NE PAS DISCERNER LES CATÉGORIES QUE SONT LES ACTIVITÉS FRAGMENTATRICES, ETC.
Pour mettre fin à toute limite :

4 - Opérer DANS LE CORPS LA RÉSORPTION DES ACTIVITÉS FRAGMENTATRICES. Quatre sont les moyens à utiliser en ce but :

5 - RÉSORBER LES CANAUX, CONQUÉRIR LES ÉLÉMENTS GROSSIERS, S'ISOLER DES ÉLÉMENTS ET SE SÉPARER DES ÉLÉMENTS.
D'où quatre grands siddhi acquis ici avec efforts par un yogin encore victime de l'illusion :

6 - LE POUVOIR SURNATUREL EST DÛ AU VOILE DE L'OBSCURCISSEMENT.
Que ce voile disparaisse, le yogin jouira de l'infinité et, jouissant de l'infinité, il entrera en suddhavidyâ :

7 - GRÂCE À LA VICTOIRE SUR L'OBSCURCISSEMENT, Victoire S'ÉTENDANT À L'INFINI, IL CONQUIERT LA SCIENCE INNÉE.
Étant entré dans la voie de Siva grâce à la pure Science, l'univers n'est pour lui que son propre rayonnement :

8 - VIGILANT, IL A POUR RAYON LE SECOND (l'univers).
Toujours bien éveillé il y joue la pantomime universelle : Description de la libre activité de jeu lorsque la nature réelle, intense et subtile vibration, est atteinte :

9 - LE SOI EST LE DANSEUR.

10 - LE SOI INTÉRIEUR EST LA SCÈNE ; il y assume des rôles multiples.

11 - Ses ORGANES SENSORIELS SONT LES SPECTATEURS.

12 - GRÂCE AU POUVOIR DE L'INTUITION, IL ATTEINT AVEC SUCCÈS LA NATURE RÉELLE.
Son jeu n'est que sa conscience illuminée :

13 - LA LIBERTÉ EST ATTEINTE AVEC SUCCÈS.
Celle-ci consiste à ne pas distinguer l'intérieur de l'extérieur, non seulement en soi-même mais en tout et n'importe où :

14 - TEL IL EST LÀ dans son corps, TEL IL EST AUTRE PART.
Mais s'il déchoit par manque de vigilance, alors dans la voie inférieure, appel à un recueillement perpétuel fixé sur le germe universel, la Conscience :

15 - L'ATTENTION SUR LE GERME doit être fixée.
Moyen de rendre l'attention permanente et de demeurer absorbé dans le lac de la Conscience, source d'où flue l'univers :

16 - ÉTABLI EN Cette ATTITUDE, IL PLONGE AISÉMENT DANS LE LAC.
Alors, grâce à son indépendance, il obtient des pouvoirs surnaturels qui ne sont qu'une gerbe d'étincelles de conscience :

17 - IL RÉALISE UNE CRÉATION FAITE D'UNE PARCELLE DE SOI.

18 - TANT QUE LA pure SCIENCE NE DISPARAÎT PAS, LA NAISSANCE CESSE.
Quand suddhavidyâ émerge de façon permanente, il n'y a plus ni naissance ni mort. Mais qu'elle s'immerge lors de l'aspiration à des pouvoirs limités, et l'illusion l'emporte :

19 - DANS LES GROUPES DE PHONÈMES GUTTURAUX, ETC., LA GRANDE DÉESSE ET LES autres ÉNERGIES, ces MÈRES DES ÊTRES ASSERVIS deviennent les divinités directrices qui égarent les êtres manquant de vigilance et captifs du discours ; c'est pourquoi, en toute vigilance :

20 - LE QUATRIÈME DOIT ÊTRE RÉPANDU SUR LES TROIS AUTRES COMME DE L'HUILE.
Comment accomplir ceci ? Le yogin pénètre d'abord en turya par une prise de conscience de Soi illuminée :

21 - UNE FOIS IMMERGÉ dans le Quatrième, QU'IL PÉNÈTRE dans les trois états À L'AIDE DE SA PROPRE CONSCIENCE INTÉRIORISÉE. Puis il retourne dans la voie de Siva ; et voici comment il effectue la kramamudrâ :

22 - QUAND LE SOUFFLE FONCTIONNE DE FAÇON ÉGALE, IL PERÇOIT L'ÉGALITÉ en toutes choses à l'issue du samâdhi. Mais s'il renonce à la pratique égalisatrice de la kramamudrâ et se contente du Quatrième état, ne s'absorbant pas en turyâtïta :

23 - UN ÉCOULEMENT INFÉRIEUR a lieu au cours de L'ÉTAPE INTERMÉDIAIRE.
Il retombe dans la voie inférieure au niveau le plus bas du Quatrième état ; mais s'il demeure vigilant :

24 - À NOUVEAU QUAND IL SE RECUEILLE INTENSÉMENT SUR SES EXPÉRIENCES DU JE EN LES UNISSANT AUX ÉTATS OBJECTIFS, RESURGIT CE QUI ÉTAIT PERDU.
Étant conscient dans toutes ses activités, sa pure Conscience réapparaît, d'où son retour dans la voie de Siva ;

25 - IL DEVIENT PAREIL À SIVA.
Mais ce n'est qu'après la mort qu'il lui sera identique. Sa routine quotidienne :

26 - LES FONCTIONS DU CORPS FORMENT SON OBSERVANCE RELIGIEUSE.

27 - SA CONVERSATION EST RÉCITATION, mantra véritable,

28 - LA CONNAISSANCE DU SOI EST LE DON.
Son activité quotidienne : conférer la connaissance du Soi à ses disciples.
Comme un bon berger il les protège :

29 - IL REMPLIT LE RÔLE DE BERGER CAR IL EST SOURCE DE CONNAISSANCE.
Hauts et bas de sa gloire : de nouveau, dans la voie de l'énergie, description de son propre épanouissement :

30 - L'UNIVERS EST L'EXPANSION DE SA PROPRE ÉNERGIE.
Il voit le monde comme une masse d'énergie :

31 - MAINTIEN ET RÉSORPTION de l'univers sont aussi l'expansion de son énergie.

32 - BIEN QUE CES états FONCTIONNENT, LUI NE S'ÉCARTE PAS DE SA NATURE DE SUJET CONNAISSANT.
Car ce yogin :

33 - CONSIDÈRE COMME EXTÉRIEURS à lui PLAISIR ET DOULEUR.

34 - PARCE QU'IL EN EST COMPLÈTEMENT LIBÉRÉ, On le dit ISOLÉ.
Si plaisir et douleur ne se fondent pas dans l'égalité, le yogin retombe dans le karma, l'engrenage de l'acte et de sa fructification :

35 - PAR CONTRE CELUI QUE RESTREINT L'OBSCURCISSEMENT EST FAIT D'ACTES KARMIQUES.
Il en est le jouet et non celui qui s'en joue.

36 - UNE FOIS LA DIFFÉRENCIATION ÉLIMINÉE, IL EFFECTUE UNE AUTRE CRÉATIVITÉ, d'ordre divin, à condition de rester conscient de sa propre essence. Il comprend la cause de cette faculté qu'il possède de créer à volonté :

37 - CHACUN ÉPROUVE PAR SA PROPRE EXPÉRIENCE L'ÉNERGIE CRÉATRICE au cours du rêve ; il comprend alors de quelle puissance créatrice jouit le Soi. Que faut-il faire dans la voie individuelle pour posséder une telle énergie ? Reprenant l'animation à partir du début, il doit à l'aide du Quatrième :

38 - ANIMER LES TROIS ÉTATS.
Puis dans la voie de l'énergie, il utilise ce même moyen mais au niveau de la haute parole, la voyante (pasyantî), et anime les trois états :

39 - DANS LE CORPS, DANS LES ORGANES ET DANS LES OBJETS EXTERNES COMME IL LE FAIT AU NIVEAU DE LA CONSCIENCE intériorisée, accomplissant ainsi une création divine du monde dit objectif. S'il n'est pas vigilant et si une ombre de désir subsiste en lui ou que des tendances résiduelles l'inclinent vers quelque objet :

40 - EN RAISON DE SON PENCHANT, SE DIRIGEANT VERS L'EXTÉRIEUR, IL EST « TRAÎNÉ ».
Mais dès que sa conscience est fermement établie dans le Quatrième état, alors ce penchant disparaît et il jouit de liberté :

41 - SA CONNAISSANCE FERMEMENT ÉTABLIE DANS LE quatrième, GRÂCE À LA DISPARITION DE CE penchant L'INDIVIDUALITÉ DISPARAÎT COMPLÈTEMENT.
Retour à la voie divine. Ce qu'est la nature absolue (kaivalya) quand le je limité a disparu : bien que le yogin réside dans un corps celui-ci n'est pour lui qu'une cuirasse, car il n'y investit pas son moi :

42 - LES ÉLÉMENTS n'étant pour lui qu'UNE CUIRASSE, ALORS COMPLÈTEMENT LIBRE, IL EST ÉMINEMMENT SEMBLABLE AU SOUVERAIN, LE SUPRÊME.
Il est recouvert des éléments corporels mais non du désir. Semblable à Siva, non point identique à lui car :

43 - L'UNION AU SOUFFLE DE VIE EST NATURELLE.
Elle ne peut être évitée. Mais même uni au corps, si le yogin demeure vigilant, bien établi au Centre :

44 - AYANT MAÎTRISÉ la Conscience RÉSIDANT AU CENTRE INTIME DU SOUFFLE NASAL, QUE LUI IMPORTE LE parcours DU SOUFFLE DANS LES CANAUX DE GAUCHE, DE DROITE OU DU MILIEU ?
Fruit de ce yoga : l'illumination ininterrompue qui n'est nullement nouvelle ; depuis toujours il la possède :

45 - DE NOUVEAU IL Y A RÉOUVERTURE DES YEUX.
Réapparition de la nature divine, l'univers entier surgit de la Conscience absolue chez le libéré vivant actif en ce monde.



10
Le Soi intérieur est la scène

La scène ' colorée ' d'états variés où il se complaît à manifester à son gré le jeu de la pantomime cosmique est le lieu où il revêt les rôles divers. Le soi intérieur, l'âme individuelle (jîva) — intérieure par rapport au corps ordinaire — est le corps subtil qui se montre limité et en qui prédomine soit le vide soit le souffle de vie.
C'est là (sur la scène de l'âme individuelle) que le (divin danseur) pose les pieds et exhibe l'universelle pantomime selon les actes vibrants de son intime exécution.

Le Svacchanda énonce :
« Ayant pénétré dans le corps subtil, il circule dans toutes sortes de matrices. Qu'on le reconnaisse comme le soi intérieur (antarâtman). » (XI, 86).

De celui qui danse ainsi sur la scène du Soi intérieur :



11
Les organes des sens sont les spectateurs

Les organes sensoriels du yogin perçoivent de manière immédiate, intériorisée, son essence débordante de la joie qu'il éprouve à montrer au public la pantomime de la transmigration.
A mesure que cette exécution se développe parfaitement, les organes procurent (au yogin) la plénitude du ravissement (artistique) dans lequel toute distinction s'évanouit.

Un texte révélé (la Kathopanisad) a proclamé : « Jouissant du nectar d'immortalité, un certain sage a contemplé le Soi intérieur, les yeux tournés vers le dedans. » (II, 4.1).

Et ce yogin



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Grâce au pouvoir de l'intuition il atteint avec succès la Nature réelle

L'intuition ou sapience (dhisanâ) est bien exercée à prendre conscience de la véritable essence. Par son pouvoir on réalise la nature (sattva), à savoir la vibration intérieure et subtile, la fulguration (du Soi).
Ainsi dans un drame, grâce à la finesse de son intuition, l'acteur acquiert un jeu subtil exprimant ses sentiments naturels (sa juste émotion).

Alors pour ce yogin qui a réalisé sa vibrante nature :



13
La liberté est atteinte avec succès

' Atteinte ' signifie réalisée en sa perfection ; la liberté qui consiste en activité et en connaissance innées exerce son empire sur tout l'univers.
C'est ce que dit le vénérable Srïnâtha :
« Qu'on adhère à sa libre énergie, elle est Sri, Kâlï, la suprême kalâ. »

Dans le Svacchanda, de même :
« Tous les niveaux de la réalité, les grands éléments, les paroles sacrées et les lettres sont toujours soumis à celui qui contemple perpétuellement Siva. » (VII, 245).

Pour lui cette liberté s'exprime par :



14
Tel il est là (dans son corps) tel il est autre part

Comme la liberté se révèle dans le corps du yogin, ainsi apparaît-elle également autre part, à savoir partout où le yogin reste constamment recueilli.
Le Svacchanda déclare :
« Qu'il circule toujours autonome, autonome et vraiment autonome. » (VII, 260).

Le Spanda aussi :
« Une telle Réalité doit être scrutée avec zèle et respect, elle dont la liberté est spontanée et universellement répandue. » (7).

(Parvenu à ce point) il ne doit pas devenir indifférent, bien au contraire :



15
L'attention sur le germe

' doit être fixée ' complète le sens. Le germe, cause universelle. est l'énergie suprême, la vibrante fulguration.
L'illustre Mrtyujit précise : « C'est la matrice de tous les dieux et aussi des énergies multiples, matrice qui consiste en feu et lune (sujet-objet, etc.) et dont tout procède. » (VII, 40).

L'attention est une vigilance sans cesse nouvelle de la conscience qu'il faut diriger sur le germe qu'est l'énergie suprême.

Alors (ce yogin)



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Établi en (cette) attitude, il plonge aisément dans le lac

Grâce à son union à la Conscience il demeure perpétuellement en cette (attitude), et c'est là ' âsana ', la posture qui constitue la suprême puissance de l'énergie.

Celui qui s'y fixe après avoir relégué les pratiques pénibles, concentrations, méditations supérieures et inférieures, et prend conscience de soi en s'intériorisant sans arrêt, plonge aisément, sans effort, dans le Lac, océan de la suprême ambroisie, source d'où flue l'univers, Lac transparent et tout jaillissant. En y plongeant et en s'identifiant à lui, le yogin engloutit les tendances et les limitations du corps ainsi que les autres contingences.

L'illustre Mrtyujit dit de même :
« Que sa méditation ne se dirige ni vers le haut ni vers le bas, ni au milieu, ni non plus devant, derrière ou des deux côtés, ni vers l'intérieur du corps. Qu'il ne se concentre pas non plus vers l'extérieur. Qu'il ne fixe pas les yeux sans cligner sur le ciel ni ne dirige sa vision vers le bas. Qu'il ne ferme pas les yeux ; qu'il ne fixe pas sa vue sans ciller sur rien. Qu'il ne se concentre point sur un support ni sur une chose quelconque avec ou sans support, sur les organes sensoriels, les éléments, les sons, les contacts, les saveurs et les autres sensations. »
« Ayant ainsi renoncé (à tout support), bien installé dans le samâdhi, qu'il s'identifie à lui, l'absolu. On célèbre cet état comme état éminent de Siva, ce royaume du Soi suprême exempt de reflet. Pour qui l'atteint, plus de retour ici-bas. »

Ainsi par la voie graduelle de l'individu qui consiste à résorber - canaux, etc., le yogin réussit à triompher peu à peu de son obscurcissement puis, grâce à l'excellence du pouvoir de l'énergie – sous forme de pure Science, au moment même où elle émerge, il s'empare du royaume de Siva, lac d'ambroisie suprême.

Un tel yogin :



17
Réalise une création faite d'une parcelle de soi

La parcelle relative à sa conscience est une cristallisation du suc le la Conscience. C'est sous cette forme qu'il réalise à son gré une création ou manifestation de sujets et d'objets (variés). Il la fait apparaître comme une fantasmagorie ainsi qu'il est dit dans le Svacchanda :
« ô Bien-aimée, c'est cela même (la Conscience) qui, sous l'influence de contingences grossières devient grossier, cela qui, unique, se répartit en subtil et en grossier par différenciation. » .IV, 295).

La Pratyabhijnâkârikâ aussi :
« (Siva) se rend lui-même objet de connaissance ; et l'objet n a pas d'existence distincte. » (I, 5.15).

Dans une même intention on trouve encore dans les Agama : « ô Bien-aimée, celui qui apprend des Livres sacrés ou de la bouche du maître la nature de l'eau et de la glace, n'a plus de devoir à accomplir ; sa naissance sera la dernière. »

Le Spanda enseigne la même chose :
« Celui qui jouit de la conscience (que tout est Siva) et considère l'univers entier comme son jeu, demeurant toujours vigilant, c'est un délivré vivant, aucun doute à cela. » (30).

Plus aucun asservissement à la naissance, etc. (n'est à craindre) pour qui possède un corps fait de modalités subtiles et grossières, façonnées par sa propre énergie :



18
Tant que la (pure) Science ne disparaît pas, la (re)naissance cesse

Lorsque la Science innée dont on a parlé ne disparaît plus : que, perpétuellement jaillissante, elle fulgure et vibre, on ne renaît pas car la naissance pleine de douleur qui concerne l'ensemble des corps, des organes et des autres facteurs est due à l'acte responsable associé à l'ignorance.

Il est dit dans la Srîkanthï :
« II abandonne d'abord intégralement le déploiement mondain caractérisé par ce qu'il faut repousser ou ce qu'il faut accepter, et qui renferme les êtres animés et (le règne) inanimé, feuilles, pierres, herbes, etc. — déploiement qui s'étend de Siva à la terre — fort de l'existant et du non-existant. Méditant ensuite sur tout ceci comme identique à Siva, il n'accédera plus à nouveau aux renaissances. »

Et dans le Svacchanda (IV 239-241) :
« Son suprême nirvana, paix suprême et pure, que lui transmet la lignée mystique des maîtres, dès qu'il l'a reconnu, il est complètement libéré et, après avoir quitté ce monde, il ne renaît plus. »

Le Mrtyujit également :
« L'éternel, inébranlable, le permanent, exempt des trois réalités, quand on le voit grâce au divin chemin de l'union, on ne naît plus a nouveau. » (VIII, 26-28).

Mais que l'essence de sa pure Science s'immerge, alors pour lui :



19
Dans les groupes de phonèmes gutturaux et autres, la grande Déesse et les (autres) énergies, (ces) Mères des êtres asservis

' deviennent les divinités directrices ', complète le sûtra.

Le Mâlinïvijaya déclare :
« Ô Déesse ! Quand le maître du monde désire émettre, l'énergie qui lui est inhérente assume la nature de volonté. Écoute comment, bien qu'unique, elle accède à la multiplicité. Quand elle fait connaître quelque chose de façon certaine en disant : ' qu'elle soit ainsi et non autrement ', on la désigne en ce monde comme énergie cognitive. Quant à nouveau elle tend à l'objectivité en disant ' que cette chose soit ainsi ', l'énergie qui alors rend la chose (conforme à la volonté) est nommée activité. Bien qu'elle ne revête ainsi que deux formes, cette Déesse souveraine, à l'image du joyau miraculeux qui assouvit tous les désirs, se différencie indéfiniment à nouveau selon les objets assumés (désirés). Parvenue à l'état de Mère (mâtrkâ), elle se divise en deux, en neuf, en cinquante aspects et c'est la guirlande des 50 phonèmes (mâlinï). Si elle est double c'est qu'elle se différencie en germe et en matrice, les voyelles représentant le germe et les consonnes la matrice. Si elle revêt un nonuple aspect c'est qu'elle se divise en neuf groupes de consonnes. Le germe est ici Siva et la matrice l'énergie. A la différenciation en huit groupes de lettres correspond l'octaine commençant par la grande souveraine et les autres déesses. Grâce à sa différenciation en cinquante lettres variées, elle irradie de ses cinquante rayons. Si elle est ainsi caractérisée, c'est qu'elle désigne les rudra de même nombre. » (III, 5 à 15).

La suprême Souveraine, Parole suprême au libre cours, réside dans les états variés de conscience — avec ou sans pensée dualisante — de tous les sujets connaissants, sous forme de germe et de matrice, de lettres groupées ou séparées.
A l'aide d'une prise de conscience intime et globale, elle pénètre de sens les mots subtils et grossiers après avoir revêtu les formes d'énergie de volonté, de connaissance et d'activité, et pris l'aspect de la Mère des lettres s'étageant de la première, A, à la dernière, KS, ainsi que des vocables suivants : Siva, énergie, grande déesse.
Grâce aux divinités qui président aux lettres séparées ou groupées, elle déploie les multiples sentiments de stupeur, de joie, de crainte, d'inclination et d'aversion. Voilant sa véritable essence de pure masse de Conscience libre et sans limite, elle détermine un état corporel, dépendant et limité.

Ceci correspond au passage précédemment cité du Timirodghâta :
« Les maîtresses redoutables qui résident au milieu de la conscience du brahmarandhra sont les souveraines des centres ; suspendues à la corde du brahman elles trompent l'homme encore et encore. » (cité au I, 4.).

De façon générale l'auteur avait dit au I, 4. : « La Mère — ensemble des phonèmes — est (l'énergie) qui gouverne la connaissance. » Présentement son intention est de montrer qu'il ne suffit pas d'atteindre la Réalité, si vous manquez d'attention, Mâhesvarî ainsi que les autres divinités directrices des êtres asservis vous égarent à l'aide d'une connaissance pénétrée de paroles. Telle est la différence entre les deux aphorismes.

Ainsi le yogin doit demeurer vigilant en toutes circonstances afin de ne pas perdre sa nature de pure Science que les moyens précédemment décrits lui ont permis d'acquérir. C'est ce que (l'auteur) déclare :



20
Le Quatrième doit être répandu sur les trois (états) comme de l'huile

Le Quatrième état ou Lumière de pure Science, domaine dans lequel on goûte la félicité qui lui est spécifique, doit être répandu graduellement sur les trois états de veille, de rêve et de sommeil profond comme de l'huile qui, s'étendant peu à peu de proche en proche, imprègne entièrement son substrat.
Ainsi la vibrante fulguration sous forme de saveur du Quatrième état qui apparaît glorieuse aux extrémités initiales et finales des trois états doit également imprégner l'état intermédiaire grâce à une ferme application en sorte que ces états s'identifient au Quatrième.

Le sûtra 1,7 — « Dans les états différenciés de veille, de rêve et de profond sommeil se produit l'extension du Quatrième » — insiste sur la seule existence du Quatrième état dont la saveur se répand sur la veille et les autres états pour qui s'adonne assidûment à unir élan et roue des énergies.

Le sûtra I, 11 — « Souverain des héros (les énergies sensorielles), celui qui jouit des trois (états) » — a montré qu'une maturation hâtive propre à la voie de Siva résorbe les états psychiques (veille, etc.). Mais le présent aphorisme, relevant de la voie de l'individu, déclare que c'est à l'aide d'une ferme application que la saveur du Quatrième doit être répandue sur les trois états à l'image de (l'épée) dans son fourreau. C'est ce qui distingue cet aphorisme des précédents.

(L'auteur enseigne) comment s'effectue (cette imprégnation) :



21
Une fois immergé (dans le Quatrième), qu'il pénètre (dans les trois états) à l'aide de sa propre conscience intériorisée



Ce sûtra correspond au passage de l'illustre Mrtyujit qui commence ainsi :
« Il repousse les modalités grossières des souffles expirés, etc., puis celles du souffle subtil interne, et il obtient la suprême vibration par-delà le subtil. » (VIII, 13) (cité au III. 6). Et il s'achève par : « Qu'il y pénètre à l'aide de son cœur. »

Ayant complètement abandonné les moyens grossiers, contrôle du souffle, méditation, concentration, etc., qu'il pénètre et s'absorbe profondément (dans le Quatrième état répandu sur les trois autres) en se servant de sa propre conscience (illuminée) ; c'est là une expérience indifférenciée et de pur ravissement, relevant de la prise de conscience intériorisée du Soi. Comment le fait-il ? En s'immergeant dans la saveur du ravissement de la Conscience, et là même il met fin à la conscience limitée qu'il a de son propre corps, de son souffle et de ses autres modalités.

Le Svacchanda déclare :
« Qu'il abandonne le fonctionnement mental et s'adonne ensuite à l'Éveil. Alors l'être asservi, libéré de l'océan du devenir, accède à la divinité. » (IV, 437).

L'illustre Vijnânabhairava dit de même :
« Faculté mentale, conscience intériorisée, énergie (du souffle) et soi limité aussi ; quand ce quatuor a complètement disparu, ô Bien-Aimée ! alors la forme merveilleuse de ce Bhairava (seule demeure). » (138).

Le Jnânagarbhastotra explique ainsi :
« Quand, ô Mère, les hommes ont renoncé complètement à toutes leurs activités mentales, et se sont libérés de leur dépendance à l'égard de l'activité des organes, (à eux) le lumineux éclat ; pour ces héros, fermement établis par Ta grâce, aussitôt cet état suprême se déverse en une ambroisie de béatitude sans égale qui jamais ne défaille. »

Telles sont les paroles des grands maîtres.

Pour celui qui pénètre de la sorte dans le suprême royaume, lorsque à nouveau le flux (de la conscience) se répand selon sa propre nature, alors :



22
Quand le souffle fonctionne de façon égale, il perçoit l'égalité

En vertu de l'application intérieure où tout lien se délie, le souffle purifié par le parfum d'une énergie qui fulgure au plus haut degré, flue en un mouvement très lent et très doux vers l'extérieur : alors le jnânin jouit de la vision ou expérience totale de l'essence uniforme, toujours égale à elle-même, masse indivise de félicité et de conscience qu'il éprouve au cours de tous les états.

Et l'Ànandabhairava proclame :
« Que, dédaignant les pratiques mondaines, il s'attache à la non-dualité qui confère la délivrance. Cette non-dualité est la même à l'égard de tous les dieux, de toutes les castes et des divers stades de vie. Qui perçoit l'égalité (samatâ) de toute chose est délivré de toutes les entraves. »

C'est pourquoi la Pratyabhijnà(tïkà) déclare :
« Malgré le flux de leur souffle et de leur intelligence, ceux-là seuls que ne limitent pas les attributions de lieu, de temps et autres contingences externes perçoivent l'univers comme leur Soi. »

Mais s'il ne s'absorbe pas profondément en ce qui transcende le Quatrième état (Turyatita), obtenu par l'excellence d'une ferme application au Quatrième état intériorisé, et s'il se contente du seul ravissement du Quatrième éprouvé aux extrémités initiales et finales (des trois états), alors, pour lui :



23
Un écoulement inférieur a lieu au cours de l'étape intermédiaire

Chez celui qui jouit de la saveur du Quatrième au début et à la fin (seulement) des divers états, une activité ou production inférieure propre à la veille, dispersée, blâmable, surgit au cours de l'étape intermédiaire, comme l'exprime un précédent aphorisme : « Dès que la science mystique se résorbe, la perception propre au «rêve » surgit de cette (résorption). » (II, 10).
Pourtant ce yogin ne demeure pas constamment dans l'erreur.

Selon un passage déjà cité du Mâlinïvijaya : « Et alors même qu'une impression (du Quatrième) demeurerait, des obstacles aiguillonneraient celui qui n'est pas attentif vers d'évanescentes jouissances. Que ne s'y attache donc pas celui qui aspire à l'ultime. » (II, 10).

Même si cet écoulement se produisait, (le yogin) imprégnerait à nouveau l'étape intermédiaire de la saveur du Quatrième en s'appliquant (à la savourer) sans répit.