Le chemin vers le Soi non-duel,
l'Un sans second
par Sri Siddharameshwar Maharaj
Source : Sri Siddharameshwar Maharaj « Embrasser l'immortalité (Amrut laya) » - Les Deux Océans – Paris
COMPTE-RENDU N° 41
Une fois la détermination rivée à la réalité ultime, l'aptitude à y parvenir grandit. Cette détermination ne doit plus être ébranlée.
(Dasbodh, D 10, S 7, 014)
Il est certain que tout est le Soi, que le nom et la forme sont faux et que la multitude des êtres et des objets que l'on voit sont tous transitoires. Nés de la terre, ils y retourneront en définitive. La cohésion des cinq éléments ne se maintient qu'à cause de la conscience, la force de vie. Tout est créé à partir de ces cinq éléments et c'est en eux que finalement tout se résorbera. L'air est conscience et l'eau aussi. Le feu et la terre ont également émergé de la force de vie, c'est elle qui fait tourner la terre à la vitesse de 27 Km à la minute. L'un des grands principes des Védas est : « Tout cela est Brahman » (sarvam khalvidam Brahman).
Rien ni personne ne peut vivre en dehors des cinq éléments, il n'y a rien en dehors. Les cinq éléments et la conscience forment un agrégat de six ingrédients qui sont nécessaires pour que le corps existe et fonctionne. Qui est donc ce « je » qui, comme un septième élément, vient se greffer sur l'ensemble ? Son nom est ignorance, concept ou illusion. Illusion (maya) signifie « ce qui n'est pas » et ce qui n'est pas est faux ! Quand on a compris cela, la dualité disparaît.
Le Soi est non-duel, il est « Un sans second ». Ainsi, le Soi suprême est le tout et sans lui, rien ne peut exister. Tout est lui et s'il y avait un principe autre que lui, alors Dieu serait imparfait ! Celui qui est imparfait n'est pas le véritable Seigneur, car le Seigneur du monde est Un. Ressentir que vous êtes, c'est l'ignorance, car « vous » n'est personne. Si vous n'existez pas, les autres n'existent pas non plus. Ces différentes formes humaines sont des temples faits de chair et de sang et celui qui y réside est Dieu. L'éveillé est celui qui a compris qu'il n'y a rien à part l'Un.
Percevoir un objet comme quelque chose d'autre que ce qui est réellement, conduit à la création d'un faux concept de l'objet. Se prendre pour un individu limité alors que nous sommes le Soi, la réalité, est ce que nous appelons un concept erroné. Pourquoi la connaissance se dérobe-t-elle à nous ? C'est parce que l'on est convaincu de son impossibilité. Si le maître vous dit : « vous êtes cela », un doute s'élève aussitôt dans votre esprit : je ne suis qu'un homme, comment puis-je être le Soi suprême ? Et comment est-ce possible que tout soit le Soi suprême ?
L'illusion est fausse, mais celui qui dit : « je suis la vérité » est faux également. Le seul qui dit la vérité est celui qui comprend qu'il n'y a que l'Un sans second. Le véritable être accompli n'est pas soumis au doute, il est sans concepts. Il connaît le Soi car il sait que tout est Un et qu'à part l'unique il n'y a rien. Une telle conviction libère de tout péché. Quand il devient le Seigneur il est l'omnipotent, il a la connaissance du Soi et perçoit tout et tous, sa femme, sa maison et le monde entier comme étant le Soi, car rien n'existe en dehors de lui. Seul celui-là a vraiment compris les Écritures et il reçoit la grâce du maître.
Plus vos doutes et vos concepts sont forts, plus vous vous éloignez de la réalité. Si vous ne vous débarrassez pas de vos doutes tous vos efforts seront vains. La connaissance du Soi est la connaissance de vous-même, de votre propre nature libérée du doute. Le but de la pratique et de l'étude, c'est justement de se débarrasser du doute et d'atteindre la connaissance. L'enseignement du maître fructifie en vous quand vous êtes convaincu de sa vérité. Quand cette conviction devient indéfectible, vous accomplissez la grandeur de la connaissance, vous devenez Dieu.
COMPTE-RENDU N° 101 DU 21-06-1929
Le Sat-chit-ananda est la matrice de l'univers. C'est à partir de Sat-chit-ananda, qui est le Soi empreint d'ego subtil, que l'univers s'est développé. Cet univers est notre concept et la fin d'un concept est similaire à la fin d'une ère. Qui était au commencement de cette ère ? Qui est à l'origine de ce concept ? Trouvez-le ! C'est l'homme qui est à l'origine du concept et c'est lui qui est également à l'origine des textes sacrés dont le but est de mettre fin à ce concept. La connaissance acquise par l'homme à travers la conscience interne dont il est pourvu est altérée par l'ignorance. Cette connaissance doit être purifiée des scories de l'ignorance pour que vous puissiez mettre un terme au développement des concepts. Mais l'ignorant, contrairement au sage, ne veut pas comprendre sa propre conscience. L'illusion primordiale est à la base de la conscience interne de l'individu et empêche la connaissance pure de se révéler.
On dit que les Écritures sont « lettres mortes » car elles sont limitées. Une fois qu'elles vous ont donné ce qu'elles pouvaient vous donner, vous pouvez vous en contenter mais vous devriez plutôt observer votre vie, votre routine et y réfléchir profondément. Vous comprendrez alors que la vie est un enfer ! L'enfer n'est pas un lieu qui a été créé par quelqu'un et qui est fait pour vous punir ! Toutes ces croyances sont des mythes. C'est vous-même qui avez créé cet enfer et c'est encore vous qui décidez d'y résider et d'y subir les tourments que vous vous infligez. Vous êtes seul pour faire face à cette situation, personne ne vous donnera la main. C'est vous seul et personne d'autre qui digérez la nourriture que vous avez ingurgitée. Y avez-vous jamais réfléchi ?
L'astrologie hindoue prétend que chaque être humain doit affronter une période obscure de sept années et demie à cause de l'influence néfaste de Saturne. Cette croyance n'a d'effet que pour celui qui s'identifie au corps. Si vous accordez quelque crédit à cette croyance cela prouve que vous êtes attaché à l'illusion du monde matériel. C'est ainsi que vous faites des œuvres charitables dans l'espoir que cela vous sera profitable. Vous faites des rituels et des libations qui ne produisent que fumées et glouglous ! Vous ne comprenez pas que vous êtes le seul à pouvoir vous aider vous-même.
Vous êtes comme l'écume qui danse sur la crête de la vague, à ceci près que vous êtes une créature animée. Cette écume charme le regard de tous, alors que cet amas de bulles crémeuses n'est rien. Il est certain que votre corps, comme la bulle, éclatera un jour.
Le sens du « je » ou l'ego est l'ignorance en action, il vous fait croire en tout ce qui n'est qu'apparence. Cette connaissance de ce qui est apparent est la connaissance objective, et non pas la véritable connaissance. Retrouvez la source du « je » et comprenez que ce que vous prenez pour vrai est faux ! « Je ne sais rien », c'est la connaissance qui sait. Mais comment l'ignorant peut-il même soupçonner cela ? Vous pouvez le comprendre par la connaissance qui s'élève de l'intérieur.
La créature mortelle qui accède à cette connaissance se voit transfigurée en immortel Shiva. La pratique, qui est une tâche aussi ardue et ennuyeuse que de creuser un trou dans une montagne, aboutit toutefois à la libération de l'homme, de son identification au corps grossier. L'illusion est mise à nue et tuée.
Les Écritures ne suffisent pas pour vous dégager de l'ignorance, seul le maître peut vous aider à vous libérer du corps grossier. Il élabore un plan en deux phases pour vous permettre d'atteindre le but. Tout d'abord, il vous introduit au Soi sous la forme de sat-chit-ananda (être-conscience-félicité, le corps supra-causal). Il vous gratifie d'un mantra et vous prescrit une pratique qui, si elle est bien suivie, rend votre mental suffisamment subtil pour vous permettre d'atteindre cette connaissance qui annihile l'ignorance. Mais cette connaissance qui est celle du Sat-chit-ananda n'est pas exempte d'ego. Cette phase est semblable à la lune montante qui, comme la révélation de la connaissance, brille de tout son éclat.
Dans la phase finale de son enseignement le maître demande au disciple d'abandonner la méditation et de comprendre qu'il est lui-même le Soi ultime. Ici, une foi totale dans le maître est nécessaire car la connaissance étant empreinte d'ego on doit accepter de l'abandonner. Cette étape prescrite par le maître consiste à arrêter toute pratique et à dissoudre la connaissance dans le Soi suprême. Cette phase d'immersion de la connaissance dans la réalité finale est comparable à la moitié obscure du cycle lunaire. La connaissance n'étant plus là, c'est l'obscurité totale mais le Soi Tout-Puissant se trouve là, tout près. L'obscurité finit par se dissiper et le Soi, maintenant totalement libre, resplendit dans toute sa gloire. Vous êtes alors dans l'état sans état du Soi suprême.
Avez-vous remarqué que les visites impromptues sont bien accueillies par les enfants mais pas par les adultes ? De même, la naïveté de l'ignorant lui fait accepter sans la moindre réflexion n'importe qui comme maître. C'est pourtant le discernement qui vous permet d'atteindre la connaissance et si vous n'en faites pas bon usage vous serez perdu en chemin. Une personne avisée choisira son maître avec soin et se dirigera seulement vers celui qui est pleinement réalisé. N'acceptez comme guide que l'être réalisé, car ceux qui prêchent sans avoir eux-mêmes atteint le but ne vous mèneront qu'à une impasse.
Vous ne serez guéri qu'après avoir subi l'opération nécessaire. Mais si la peur vous empêche de l'accepter, vous ne risquez pas de guérir. Débarrassez-vous de la peur, on ne peut monter sur le trône de la réalisation sans prendre le moindre risque. Levez-vous, mettez-vous en route et quittez votre attachement au connu !
L'être mortel continue de s'accrocher à la vie illusoire du monde jusqu'à ce que la mort l'en en arrache et le replonge dans une nouvelle naissance. Quand vous rencontrez un maître qui vous expose la véritable connaissance et vous donne une pratique à suivre, vous devez y souscrire sans réserve ou vous ne comprendrez jamais !
Maintenant que le sujet vous a été exposé, il ne tient qu'à vous d'en extraire l'essence pour atteindre et bien assimiler la connaissance. Vous devez aller de l'avant dans la réflexion car il ne s'agit pas de suivre les instructions au pied de la lettre mais d'utiliser votre intellect avec finesse. Jusqu'à présent, vous avez médité sur le mantra des heures durant et maintenant on vous demande de ne plus le faire. Il arrive un temps où vous devez même abandonner la méditation. Celui qui ne comprend pas pourquoi aura du mal à accepter ce changement. Certains peuvent même douter de leur maître. Ne vous engagez jamais dans cette voie. Ne le sous-estimez pas, ne doutez pas de sa parole car cela ne vous conduira nulle part.
Comme l'écolier aime faire l'école buissonnière, le disciple est parfois tenté de faire de même avec la pratique de la méditation. Vous devrez sans nul doute abandonner un jour cette pratique mais seulement lorsque vous serez arrivé à maturité. Votre foi dans le maître doit être infaillible, ne doutez jamais de lui ! Il vous amène à voir que le monde matériel, son créateur et l'illusion originelle sont des chimères. Acceptez la connaissance dans sa totalité, ne vous contentez pas simplement de méditer. Une pratique soutenue dans la vie de tous les jours doit étayer la méditation. C'est seulement ainsi que vous pourrez comprendre. Beaucoup de gens cessent de méditer avant d'atteindre la connaissance, simplement parce qu'ils trouvent cette pratique fastidieuse. On vous dira d'arrêter de méditer quand vous aurez fait des efforts acharnés et qu'il apparaîtra clairement que vous avez atteint la connaissance. Une simple compréhension intellectuelle de la connaissance ne suffit pas à pouvoir se passer de la méditation.