Beaucoup considèrent le 4e état, l'immersion de la conscience individuelle dans la conscience universelle, comme étant la libération finale. Ces noms ne décrivent que le Soi instable de la conscience alors que le Soi suprême est immuable et n'a ni nom ni forme par Sri Siddharameshwar Maharaj

Source : Sri Siddharameshwar Maharaj « Embrasser l'immortalité (Amrut laya) » - Les Deux Océans – Paris



COMPTE-RENDU N° 47

Le Soi est vide comme l'espace, comme lui Il est élevé, vaste et illimité. Il est pur, immuable et permanent. (Dasbodh, D 10, S 10,0 1)

Le Soi ultime est pur et immuable, comme l'espace il est sans mouvement. La connaissance est apparue sur la réalité. Le Soi, sous la forme de la connaissance, est le divin et il a de nombreux noms : Ishvara, Shiva, Brahman, etc. Mais ce qui a plusieurs noms ne peut pas être la réalité finale (Para-brahman). Para signifie « au-delà », Para-brahman est donc au-delà du Brahman. A l'exception du Soi ultime, tout a un nom et tout ce qui a un nom est transitoire. Ce qui peut être nommé est impermanent et faux par conséquent. La réalité est comme l'espace, c'est l'état naturel de l'homme, tandis que le monde des noms et des formes est irréel.

Ce qui n'existe pas à l'origine et qui est apparu sur la réalité est l'illusion primordiale, c'est la conscience ou le Dieu créateur (Ishvara). Mais ce qui est apparu doit disparaître, celui qui est né devra mourir. Cette illusion primordiale est aussi connue sous le nom d'Ardhanari Nateshvara, le Dieu danseur androgyne mi-homme mi-femme, parce que la conscience est masculine et son pouvoir est féminin. Mais ce n'est pas parce que la rivière du Gange a un nom féminin qu'elle est féminine. La conscience « je suis » et son pouvoir ne sont qu'une seule et même entité à deux faces. Lakshmi est le pouvoir de la conscience « je suis » (laksha, conscience ; mi, je). Ainsi, le corps est un temple qui est habité par les idoles de Lakshmi et de son époux Vishnou. Quand la conscience s'évanouit, la vie du monde disparaît avec elle car l'existence du monde n'est due qu'à la conscience.

Les trois attributs (rajas, tamas et sattva guna) sont présents dans la conscience. L'arbre ne peut pas être perçu quand on ouvre la graine, bien qu'il soit présent en elle sous une forme subtile. De même les trois attributs et les cinq éléments sont présents dans l'illusion primordiale mais ne peuvent pas être perçus. Tout n'existe que parce qu'il y a la conscience, d'ailleurs dans le sommeil profond nous n'expérimentons rien parce qu'elle n'est pas présente. Dès qu'elle bouge le rêve apparaît et un autre monde est créé avec un nouveau corps et de nouvelles activités.

La conscience crée donc un monde qui n'a pas d'existence réelle. Vous êtes persuadé que vous ne pouvez rien changer à rien, voilà la raison de votre incapacité à atteindre la réalité. Tout ce que la conscience conçoit prend forme mais vous avez aussi le pouvoir de détruire ce que vous avez conçu. Satyanash (satya, vérité ; nash, destruction) signifie la destruction totale de ce que l'on croyait vrai. Dès que la conscience est là, le monde semble exister mais tout disparaît quand elle n'est pas là ! La conscience est le Seigneur d'univers infinis, mais quand elle se dissout dans le Soi, c'est la fm du monde et seule la réalité finale se maintient alors.

Dans l'espace immuable une division se crée, d'une part votre Soi véritable et de l'autre la conscience. Cette conscience est appelée lumière du monde ou Ishvara. Il n'y a bien qu'une seule conscience, mais comme on l'a vu, deux principes y résident : la connaissance « je suis » et son pouvoir ou impulsion. Ce pouvoir est celui de l'action et de la volonté. Toute action entraine différents concepts et la possibilité de modifier les choses.

La nature de la conscience est connaissance (sattva guna), mais l'ignorance qui est l'oubli (tamas guna) accompagne toujours la connaissance. En fait, toute action dans le monde est soumise à l'alternance de la connaissance et de l'oubli. On dit que c'est grâce au corps subtil, la conscience interne et ses moyens d'action, que le monde fonctionne. Tout fonctionne sur le pouvoir de la conscience. Une lampe entourée de plusieurs panneaux de verre reflète plusieurs lampes, mais toutes ces images ne sont vues que grâce à cette lampe unique.

L'être réalisé n'a pas de concepts ni de pensées, c'est bien pour cela qu'il ne peut pas être possédé par le démon du doute ! Pour se libérer du doute il n'y a pas d'alternative à la connaissance de soi. Sans elle il est impossible de supprimer le fardeau des actes (karma). La libération ne peut pas être atteinte sans la connaissance et sans le maître la connaissance est impossible. Analysez tous ces principes avec discernement et vous pourrez expérimenter « je suis cela ».

Les principes de l'enseignement sont exposés au disciple pour qu'il s'imprègne de la théorie, même si par la suite celle-ci doit être abandonnée. Vous devez écouter et méditer ce qui est dit pour comprendre que vous êtes le Soi. Pour le réaliser, la réflexion profonde est nécessaire. Vous n'aurez alors besoin d'aucune autre méthode, ni de la pratique de la charité, ni de celle des rituels ... Cependant, si vous n'écoutez pas la parole du maître, vous ne pourrez pas échapper à la souffrance. Par l'écoute attentive la foi grandit et c'est grâce à elle que Kalyan a pu devenir un maître du tir à l'arc sans même la présence directe d'un instructeur ! Cette écoute subtile est sœur de la foi. La foi, ainsi affermie par l'écoute, conduit immanquablement à l'expérience et à la libération.

Pour expérimenter le principe unique, il faut procéder à l'examen attentif des différents corps, grossier, subtil, causal et supra-causal. Expérimentez par vous-même ce que je vous dis ! C'est l'histoire éternelle du Soi que je vous raconte, cette histoire sacrée qui relate la transformation de l'ignorant en Dieu. L'illusion a asservi le Soi et tous les dieux sont à son service, mais maintenant l'esclave doit s'en libérer pour être transfiguré dans la réalité finale. C'est pour cela que vous devez écouter le maître attentivement et expérimenter la vérité de son enseignement par vous-même. Vous êtes et avez toujours été le créateur de tout ce qui est. Rien ne peut être véritablement accompli par une approche purement intellectuelle car l'expérience est nécessaire.

Le Soi suprême est votre état naturel, il est au-delà du divin car il est la réalité finale, Il est la vérité éternelle présente dans les quatre états de veille, de rêve, de sommeil profond et de la conscience pure (turya). Si vous essayez de le connaître, il vous apparaîtra comme le néant car il ne peut pas être perçu. Il est là quand tous les concepts prennent fin mais il est quand même présent quand les concepts sont là ! Le mouvement subtil qui est ressenti dans le Soi immuable est appelé « conscience » ou « je suis ». Ce mouvement dans le Soi caractérise l'illusion. Le Soi est affublé de noms tantôt masculins, tantôt féminins et tantôt neutres, mais tous ces noms ne sont que des indications car il ne peut pas être perçu.

L'expérience « je suis » est existence, conscience et félicité (sat-chit-ananda). On lui donne aussi d'autres noms comme connaissance, Dieu ou Soi, etc. Mais ce qui existe éternellement, sans expression ou manifestation, est le Soi suprême (Para-brahman). Om, le son primordial, est aussi le « je suis », il est à la source des mantras. Ainsi le « je suis » est l'illusion primordiale. Les Védas nous ont donné des milliers d'indices pour que l'on ne se perde pas en chemin. La conscience est apparue tout d'abord, puis les pensées et les mots. La combinaison des lettres et des mots forme ce que l'on nomme le savoir du monde. L'être primordial est ainsi appelé parce que la création a commencé avec lui. Je suis celui pour qui tous ces noms ont été donnés. Examinez puis expérimentez par vous-même que vous êtes le Soi.

La connaissance exposée par les Écritures et l'enseignement du maître, mis en pratique et expérimentés, est ce que l'on appelle l'expérience triple, c'est-à-dire la compréhension totale. En l'absence de l'expérience, qu'elle est donc l'utilité des discours ? Connaissez votre véritable nature par vous-même !

Le vent souffle dans le ciel immuable, ni l'un ni l'autre ne sont visibles mais une différence subtile subsiste entre eux. Une telle différence existe aussi entre la réalité et la conscience. L'état naturel n'est pas un état du mental, mais un état sans état. Le mouvement de la conscience n'est qu'une illusion qui se pare des noms du désir et du pouvoir.

Si quelqu'un vous appelle soudainement alors que vous êtes endormi, vous vous réveillez instantanément. C'est de la même façon que la nature primordiale a surgi. On l'appelle aussi le corps supra-causal ou illusion primordiale. Les différents corps du microcosme sont en correspondance avec ceux du macrocosme. Le corps physique du microcosme correspond à l'espace du macrocosme. De même le corps subtil de l'homme est assimilé au pouvoir invisible qui imprègne l'univers. Krishna est la conscience pure qui a le visage de tous les êtres. Sous sa forme universelle il s'est révélé à Arjuna dans le Mahabharata. Ce qui se rapporte au corps est infinitésimal tandis que ce qui concerne le cosmos est vaste. Les quatre corps du Dieu créateur sont l'immensité, le pouvoir invisible, le non manifesté et la conscience.

Ceux qui restent au niveau de la dualité considèrent que la conscience est la réalité finale. On peut comparer cette attitude à celle d'un balayeur qui appellerait le chef des balayeurs « monsieur » ! Tout ce qui est séparé, donnant naissance à la dualité, doit être éliminé et c'est par ce processus d'élimination totale que l'on aboutit irrémédiablement à la connaissance intuitive ou directe de la réalité. Mais tout d'abord il faut connaître l'origine de la création, c'est-à-dire le créateur. Son cœur est tendre et dur à la fois. Un voleur, par exemple, parait sans pitié à celui qu'il dépouille, mais il va ensuite partager son butin avec sa famille. L'être libéré est celui dont la compréhension englobe tous ces aspects. L'aliénation est le produit de l'ignorance et la libération est celui de la connaissance. Mais du point de vue de la réalité, de l'au-delà de la connaissance, ces deux états apparaissent comme des jeux puérils. La connaissance éternelle transcende le temps.

Beaucoup considèrent le 4e état, l'immersion de la conscience individuelle dans la conscience universelle, comme étant la libération finale. Ces noms ne décrivent que le Soi instable de la conscience alors que le Soi suprême est immuable et n'a ni nom ni forme. Le divin créateur est le lumineux qui fait que tout peut se manifester. Il est la manifestation de la lumière, la conscience. C'est grâce à son pouvoir que tout est visible. Le pouvoir de la conscience, qui est l'énergie, est souvent représenté chevauchant un tigre car comme lui, il se meut avec force. Le dieu de la mort, lui, chevauche un buffle, rappelant ainsi que si l'on ne maîtrise pas sa nature animale on se condamne à vivre dans la peur de la mort. L'être réalisé, lui, n'a rien à craindre de la mort.