Le Soi est antérieur au monde
par Sri Siddharameshwar Maharaj
Source : Sri Siddharameshwar Maharaj « Embrasser l'immortalité (Amrut laya) » - Les Deux Océans – Paris
Le mouvement subtil qui est ressenti dans le Soi immuable est appelé « conscience » ou « je suis ». Ce mouvement dans le Soi caractérise l'illusion.
Siddharameshwar Maharaj
COMPTE-RENDU N° 61 DU 10-12-1928
Le mental est un agrégat de mémoires et de souvenirs, sa nature est de penser. Quand on brûle une à une les bûches d'un fagot de bois le tas finit par disparaître entièrement, de même si on efface un à un tous les souvenirs qui constituent le mental il sera bientôt libéré et finira par disparaître ! Il est limité aux quatre corps qui participent aussi à sa croissance démesurée, à l'amoncellement d'un stock de souvenirs et de mémoires. Pour transcender le mental il faut le dégager de ces quatre obstacles et le fragmenter jusqu'à ce qu'il se désintègre entièrement. Une fois le mental conquis il ne reste plus rien à accomplir si ce n'est de chanter sa dévotion. Mais pour cela il est nécessaire de comprendre sa nature.
Dans certaines traditions, on demande à l'aspirant d'arrêter de consommer des oignons, cela signifie en fait qu'il doit abandonner le mental car dit-on, le mental ressemble à un oignon ! Quand les couches successives de l'oignon sont enlevées une à une, que reste-t-il ? Rien ! De même quand vous abandonnez l'un après l'autre tous les souvenirs qui constituent le mental, celui-ci disparaît. Le mécanisme du désir repose sur le souvenir des objets connus, alimenté par l'espoir obsédant d'en jouir encore et toujours. N'essayez donc pas de vous souvenir de quoi que ce soit, restez là où vous êtes et vous constaterez alors que les pensées ne s'élèvent plus. Observez et analysez ce monde qui est en vous avec attention et acuité et vous verrez qu'il n'est que poussière !
Et vous, qui êtes-vous ? Vous êtes Shiva dissimulé sous l'enveloppe d'une créature mortelle jiva. Votre conscience, sous la forme de la connaissance pure, est le Seigneur Vishnou. Quand la connaissance est acquise, le Seigneur Vishnou se fond dans la forme de Shiva, et c'est ainsi que la créature mortelle jiva se transfigure en Shiva.
Bhasmasura était un démon auquel Shiva avait accordé le pouvoir de détruire le monde. Après avoir anéanti le monde entier Bhasmasura se retourna contre Shiva. Ce dernier prit refuge aux côtés de Vishnou. Ainsi Bhasmasura après avoir réduit en cendres ce monde illusoire se retrouva face au Seigneur Vishnou, c'est-à-dire la connaissance. Après qu'il eût atteint la connaissance, l'histoire nous raconte que Bhasmasura fut anéanti à son tour.
Une fois que l'on a acquis la connaissance, il faut y renoncer car l'ego subtil est toujours présent en elle. Elle est finalement anéantie lorsqu'elle est dirigée vers la réalité.
Tout ce qui existe dans le monde n'est que poussière et c'est à cette poussière que tant de noms sont donnés. Si vous ne pouvez pas rester en paix sans le souvenir des objets, il vous faudra les analyser un à un pour comprendre leur devenir. Vous cesserez d'y penser quand vous comprendrez qu'ils finissent en poussière et que tout est poussière.
Nous avons imaginé et accepté les objets comme étant réels sans jamais y avoir vraiment réfléchi. Le mental ne sera jamais vaincu sans la réflexion et le discernement. Le maître expose la connaissance au disciple avec patience et en détail pour qu'il puisse comprendre. La compréhension est instillée dans son intellect et, si son attention est suffisamment soutenue, il verra à la lumière de cette compréhension.
Les yeux ne peuvent comprendre, ils voient simplement. C'est grâce à l'intellect que les yeux ont la faculté de voir, on peut dire ainsi que l'œil est la forme grossière de l'intellect. Le monde réside donc dans l'intellect et c'est pour cela que vous pouvez le voir. Si vous ne réfléchissez pas profondément, le mental vous empêchera de récolter les fruits de votre pratique. Cette création est pour vous une énigme qu'il vous faut résoudre. Trouvez la solution !
Le Soi est le support de cette création, il est la source de l'existence et il était là bien avant le monde. Le Soi est antérieur au monde.
L'ignorant ne fonctionne que sur deux niveaux : le grossier et le subtil. Le corps causal est au-delà de ces deux niveaux et il est suivi du corps supra-causal.
Que reste-t-il lorsque le mental, l'ego et la conscience individuelle sont abandonnés ?
Rien ne reste et ce rien est le substrat appelé Shesha.
C'est sur lui que notre monde repose.
Alors que vous prenez le chemin du renoncement, vous défaisant de toute chose l'une après l'autre, vous arrivez au point où il n'y a plus rien à abandonner. Ce qu'il reste alors est ce qui ne peut être abandonné. C'est le Soi ultime (parabrahman).

Dans les Purana, il est dit que la terre entière repose sur la tête du serpent Shesha. Ainsi le Seigneur Vishnou repose sur un serpent lové dont les anneaux lui servent de lit et le capuchon de sa tête le protège d'un dais surplombé d'un baldaquin. Le sens de cette image est que la conscience (Vishnou) repose sur le serpent qui est le substrat, le Soi suprême (Parabrahman).
Le Soi est la base de ce monde, il n'est pas concevable car il est au-delà et antérieur à tout concept.
Il existe tout simplement et il n'est besoin d'aucun collyre, d'aucune pratique pour le percevoir ! Il n'y a pas de pratique spéciale pour l'atteindre, ni de moment propice pour le trouver. Vous ne pouvez l'appréhender parce qu'il n'est pas du domaine du savoir. Un jour, un disciple demanda au sage Yagnyavalkya : « Maharaj, où est le Soi ? ». Le sage répondit : « Celui qui vient de se lever pour poser cette question et qui s'est ensuite rassis sur son siège est le Soi ».

Dattâtreya
L'origine de la lignée « Navnath Sampradaya » fondée par Dattâtreya remonte à plus de mille ans. Maintenant cette lignée est devenue et s'appelle : « Inchegiri Navnath Sampradaya » fondée par Sri Bhausahed Maharaj.
Avadhûta gîtâ de Dattâtreya
Comment parler de matériel et d'immatériel ? Comment parler de passion et de détachement ? Immaculée, immuable, semblable au ciel, telle est ici-bas la forme innée de la réalité.
Comment ici-bas la trouver, et où ? Comment ici-bas trouver une forme sans forme ? Là où se trouve, hors de portée, le ciel, comment en faire ici-bas l'objet d'une perception ?
L'Âme universelle a la forme du ciel, l'Âme universelle est immaculée. Ainsi comment imaginer une division en servitude, liberté, changement ?
Tout est identique à l'unique réalité. Quelle fatuité de parler d'union et de séparation ! Ainsi tout est identique à la réalité suprême. Comment parler alors d'essentiel et de superflu ?
Tout est identique à l'unique réalité, aussi limpide que le ciel. Ainsi comment ici-bas soutenir qu'attachement-détachement soit vrai, qu'indifférence-passion soit vrai ?
C'est lorsqu'on n'est ni séparé ni uni que l'on est détaché. C'est lorsqu'on n'a ni perceptions ni absence de perceptions que l'on perçoit.