La conscience est cette illusion primordiale qui s'élève du Soi suprême
par Sri Siddharameshwar Maharaj
Source : Sri Siddharameshwar Maharaj « Embrasser l'immortalité (Amrut laya) » - Les Deux Océans – Paris
Le mouvement subtil qui est ressenti dans le Soi immuable est appelé « conscience » ou « je suis ». Ce mouvement dans le Soi caractérise l'illusion.
Siddharameshwar Maharaj
COMPTE-RENDU N° 31
« On dit que le macrocosme reflète le microcosme, mais cela dépasse l'imagination. Si cela n'est pas expérimenté, les multiples spéculations avancées sur ce sujet n'engendrent que confusion ».
(Dasbodh, D 9, S 5,0 1)
Le disciple est face à une énigme : Ce qu'il y a dans le macrocosme se retrouve-t-il dans le microcosme ?
L'un comme l'autre sont le produit de l'objectivation de nos concepts et de nos pensées. Tout comme l'espace est sans forme, le Soi est aussi sans forme, et notre conscience est semblable à l'air qui emplit l'espace.
Notre nature est saturée par la conscience ou l'illusion originelle de la même manière que l'espace est saturé d'air.
Mais notre nature originelle reste inchangée comme l'espace d'ailleurs n'est nullement modifié par l'alternance des jours et des nuits qui le recouvrent.
La conscience est cette illusion primordiale qui s'élève du Soi suprême, c'est le corps supra-causal. C'est la connaissance pure de l'état témoin.
Les trois modes de l'illusion (sattva, rajas et tamas) apparaissent en même temps que la connaissance.
Dès que la connaissance apparaît, son corollaire qui est l'oubli apparaît aussi et ce duo forme l'illusion.
Cela signifie que ce que l'on connaît comme ce que l'on ignore est illusion et que l'un comme l'autre doivent être transcendés.
Le Soi suprême est quant à lui parfaitement immuable, il reste silencieux.
Le visible est tout ce dont on peut parler mais il ne faut pas s'y arrêter, car on atteint l'état naturel en se dégageant du « je sais » et du « je ne sais pas ». Il est donc préférable d'observer le silence puisque la conscience ne peut pas atteindre la réalité finale. Dès que le « je » intervient, ce n'est plus l'état naturel, car en lui il n'y a aucune pensée de temps, d'objet, de petit ou de grand.
Quand l'état naturel décroît, la conscience réflexive s'élève, et ce mouvement est appelé vikshepa, ce qui signifie le surgissement ou l'excitation. L'état naturel est retrouvé par la dissolution de ce mouvement de la conscience (vikshepa).
Ce processus est décrit dans les Écritures en tant que Purusha/prakriti. Prakriti est le pouvoir (shakti) ou l'objectivation de la conscience et Purusha est la conscience elle-même.
L'illusion primordiale contient l'impulsion « je suis », les cinq éléments et les trois attributs. L'espace d'où émerge le mouvement constitue, avec les cinq éléments et les trois attributs à l'état subtil, l'illusion primordiale. Quand tous ces attributs sont en proportions égales, c'est un état d'harmonie ou d'équilibre parfait, mais l'illusion primordiale ne se manifeste que lorsque l'équilibre est rompu par l'impulsion qui excite les gunas (gunakshobhini).
Que la conscience s'extériorise, qu'elle regarde à l'extérieur d'elle-même et elle s'oublie elle-même. C'est ce qu'on appelle l'ignorance.
Mais par contre, si on fait le mouvement inverse et qu'on regarde vers la connaissance de soi, on devient Dieu (Ishvara). Quand on se tourne vers l'extérieur, le Soi est restreint aux limites de l'individu, de la conscience du « je ».
Au sein de l'illusion primordiale, on est Dieu (Shiva), mais dès qu'on regarde vers l'extérieur, on devient le corps grossier (jiva).
Dès qu'on a le sentiment de l'existence d'une chose on devient le mental, et quand on prend une résolution on devient l'intellect. Le champ de la conscience est le divin, mais dès qu'on en sort on devient une créature limitée qui erre dans les trois mondes. Plus on regarde vers l'extérieur plus on s'éloigne de soi-même. La soi-disant sagesse du monde n'est que folie !
L'ignorance, c'est d'oublier sa propre nature. Quand on ouvre un récipient qui contient du gaz, il s'en échappe et se diffuse automatiquement. De même, les attributs à l'état latent s'extériorisent quand ils sont stimulés ou mis en mouvement.
Votre expérience sera donc à la mesure de votre conviction d'être le corps, ou le Soi. Si vous considérez que tout ce qui existe dans le monde conceptuel est la vérité vous êtes prisonnier des concepts, et si vous persistez dans cette direction le monde prolifèrera à l'infini. Si au contraire vous n'adhérez pas aux concepts, le monde vous apparaîtra dans toute son irréalité.
Le monde et tout ce qui y participe, est faux !
L'observateur est le Soi, mais ce qui est observé, c'est-à-dire le monde visible, est illusion. La connaissance consiste à purger son mental de tous ces concepts erronés. Le résultat sera à l'image de vos pensées.
Ainsi le Soi est semblable à l'espace et l'illusion primordiale, qui est la connaissance, est comme l'air qui le caractérise. Comme l'air peut être senti tout en restant invisible, le pouvoir de l'illusion est expérimenté lorsque les attributs sont stimulés.
Il est dans la nature du monde duel d'oublier le Soi et de focaliser sur les objets extérieurs. La nature de l'illusion est telle qu'elle essaye toujours de connaître ce qui arrive et oublie ce qui précède ! L'oubli et la connaissance marchent main dans la main.
C'est ainsi que dès que le Soi est oublié, l'espace surgit. L'émergence de l'espace signifie que vous vous êtes oublié vous-même.
Rien ne peut être perçu dans le Soi car il n'y a pas de temps et il n'y a pas de lieu.
Ceci implique qu'il n'y a pas d'objet en lui. Mais dès que la perception surgit, les concepts de temps et d'espace, ainsi que d'objets, sont créés.
A l'origine de la création, trois choses sont apparues : l'espace, le temps et la matière. C'est ainsi que le monde s'est manifesté. Quand cela est-il apparu ? Quand vous l'avez perçu. Mais dans la réalité, il ne s'est rien passé, car il n'y a rien !
L'espace est désir et du désir est né le son primordial (Om). Les Védas ont été fondés sur le son primordial. Védas veut dire « connaissance », mais c'est une connaissance qui a son origine dans la manifestation. C'est seulement à la fin des Védas que la connaissance directe nous est donnée. L'aboutissement des Védas est appelé Védanta. La connaissance (Védas) c'est la misère ! Lorsqu'on est pris dans ses filets on devient misérable. Dans le sommeil profond il n'y a pas de conscience du « je » et donc pas de misère. Il n'y a pas de différenciation ou de séparation dans le sommeil, il n'y en a pas non plus dans le Soi. Vous êtes bien plus malheureux quand vous êtes conscient du monde que quand vous ne l'êtes pas !
Le Védanta est une philosophie qui met fin à la souffrance. Le son primordial (Om) s'élève de la conscience interne et c'est pour cela que l'on dit que les Védas ont été créés par Vishnou. Les quatre étapes de la manifestation de la parole (para, paschanti, madhyama, vaikhari) sont les quatre mains de Vishnou et la connaissance peut être acquise ou transmise à ces quatre niveaux. Dès que l'enfant naît, il articule les sons de base que sont les voyelles « aa » ou « aai » qui signifie « mère » en marathi. Vishnou maintient le monde et la mère maintient son enfant dans le monde. Tous deux maintiennent l'illusion. Le premier son est donc celui de l'illusion.
Les cinq éléments et les trois attributs (gunas) se manifestent lorsque le Soi est oublié. Ils existent à l'état latent dans l'impulsion du « je suis ».
S'il n'y a pas d'impulsion, il n'y a pas de connaissance ni d'ignorance non plus, car il n'y a pas de mouvement. Pour faciliter la compréhension, les Écritures ont dit que les cinq éléments et les trois attributs sont apparus l'un après l'autre. En fait, le pouvoir de connaissance, les attributs et les cinq éléments, apparaissent en même temps que l'impulsion du « je suis ». Dans la tradition hindoue lorsqu'une femme se marie, on lui souhaite d'avoir huit fils parce que l'illusion ayant produit huit fils (les cinq éléments et les trois guna), elle s'est manifestée et a prospéré.
Les éléments sont nés l'un de l'autre. Mais qu'est-ce qui vient en premier dans le monde, la graine ou l'arbre ? L'arbre est potentiellement présent dans la graine, tout comme le sperme de l'homme est l'empreinte de celui-ci. On peut distinguer les éléments car pour nous, la terre a une odeur et l'eau a un goût. C'est en s'attachant aux cinq sens qu'ils ont été séparés. Si toutes les saveurs étaient mélangées dans un plat, le goût ressemblerait à de la boue ! On dit que les sept mers correspondent aux sept saveurs issues de la terre. Les cinq éléments sont les composants de tous les êtres et de tout ce qui existe. Il n'y a qu'une seule terre, mais des graines différentes sont semées pour donner une variété de céréales au goût bien distinct.
Les cinq éléments et les trois attributs ont proliféré. Chaque être est le produit d'une myriade de permutations et de combinaisons des cinq éléments et des trois attributs dans des proportions qui diffèrent d'un individu à l'autre.
Dans l'illusion originelle, le pouvoir de connaissance ou conscience est présent.
La conscience signifie mouvement, elle peut donc être clairement perçue dans le « je suis », mais il n'est pas aussi évident de la voir ailleurs, bien qu'elle soit présente en tout à l'état subtil.
La forme physique de l'impulsion de conscience est l'air, nous pouvons donc dire que la conscience est présente dans l'air. Bien qu'il ne soit pas aisé de la percevoir, la conscience est partout. Celui qui est pourvu d'un discernement subtil peut l'expérimenter.
L'illusion primordiale est subtile, alors que celle qui stimule les attributs est manifeste et grossière. L'air qui est contenu dans une pièce est invisible, malgré tout il existe. De même, le feu est potentiellement présent dans le bois, mais on ne le perçoit pas. La conscience est aussi dans le sommeil, mais elle n'y est pas manifeste.
Dattâtreya
L'origine de la lignée « Navnath Sampradaya » fondée par Dattâtreya remonte à plus de mille ans. Maintenant cette lignée est devenue et s'appelle : « Inchegiri Navnath Sampradaya » fondée par Sri Bhausahed Maharaj.
Avadhûta gîtâ de Dattâtreya
Comment parler de matériel et d'immatériel ? Comment parler de passion et de détachement ? Immaculée, immuable, semblable au ciel, telle est ici-bas la forme innée de la réalité.
Comment ici-bas la trouver, et où ? Comment ici-bas trouver une forme sans forme ? Là où se trouve, hors de portée, le ciel, comment en faire ici-bas l'objet d'une perception ?
L'Âme universelle a la forme du ciel, l'Âme universelle est immaculée. Ainsi comment imaginer une division en servitude, liberté, changement ?
Tout est identique à l'unique réalité. Quelle fatuité de parler d'union et de séparation ! Ainsi tout est identique à la réalité suprême. Comment parler alors d'essentiel et de superflu ?
Tout est identique à l'unique réalité, aussi limpide que le ciel. Ainsi comment ici-bas soutenir qu'attachement-détachement soit vrai, qu'indifférence-passion soit vrai ?
C'est lorsqu'on n'est ni séparé ni uni que l'on est détaché. C'est lorsqu'on n'a ni perceptions ni absence de perceptions que l'on perçoit.