Je suis différent des expériences et même de l'expérience du Soi
par Sri Siddharameshwar Maharaj
Source : Sri Siddharameshwar Maharaj « Embrasser l'immortalité (Amrut laya) » - Les Deux Océans – Paris
Le mouvement subtil qui est ressenti dans le Soi immuable est appelé « conscience » ou « je suis ». Ce mouvement dans le Soi caractérise l'illusion.
Siddharameshwar Maharaj
COMPTE-RENDU N° 115 DU 08-07-1930
L'illusion primordiale a-t-elle été manifestée par le Soi qui est sans forme ? Comment est-elle apparue ? A cela nous pouvons répondre que l'illusion n'a jamais existé. L'espace comme le Soi est immuable. Le Soi est ce qui reste quand tous les concepts et toutes les sensations ont disparu. L'air naît de l'espace et se résorbe en lui, mais il ne marque pas l'espace d'une quelconque déchirure ou d'une trace de son passage. De même, les cinq éléments bien que nés dans le Soi n'ont opéré aucun changement en lui.
Durant la fête musulmane de Moharrum, les gens se déguisent en tigre mais leur nature d'origine n'est pas changée, ils restent des hommes. Le Soi ne change pas non plus, même s'il est recouvert des cinq éléments. La question de comprendre comment l'illusion est apparue, et de savoir qui en est la cause n'est plus pertinente quand on comprend que les attributs ont pris forme dans le Soi sans attribut (nirguna) et qu'ils se résorbent en lui. Le Soi assume la forme de la Connaissance (ou Conscience), mais n'en est pas affecté.
Si dans la pratique votre mental refuse de vous écouter, il y a bien un remède : arrêtez de vous souvenir de tout ce que vous savez. Oubliez tout ce que vous savez et votre mental s'éteindra naturellement. Qu'est-ce que le mental de toute façon ? C'est la mémoire de tout ce que nous emmagasinons. Le monde entier étant le produit de notre mental, nous pouvons en déduire qu'il disparaît quand le mental cesse d'exister. Tant que le mental est là, la pure connaissance (ou pure conscience) ne peut pas se révéler. Celui qui existe sans le mental est le Soi. En vérité vous êtes être-conscience-félicité (sat-chit-ananda - Pure Conscience), vous êtes le Soi sous la forme de la Connaissance (ou Conscience).
Les Écritures, dont le propos est la vérité, décrivent les signes propres au renonçant pour vous aider à atteindre cet état. Comprendre et expérimenter l'irréalité du monde matériel conduit tout naturellement au renoncement. Bien que dans votre état actuel vous soyez une créature limitée, il n'en reste pas moins que fondamentalement vous êtes le Soi qui lui est illimité. Comment cela est-il possible ? Le roi est déguisé en mendiant, mais les deux ne font qu'un ! Vous êtes le suprême et lorsque vous le comprenez votre mission dans ce monde est accomplie.
Il est important de comprendre que le Soi est au-delà des limites de la Connaissance (ou Conscience) et de l'ignorance (ou inconscience, oubli). Pour l'atteindre, il faut faire preuve d'ingéniosité. Débarrassez-vous tout d'abord de l'ignorance et ensuite faites de même avec la connaissance que vous avez acquise.
Ne courez pas avec le mental, asseyez-vous tranquillement. La connaissance (conscience) et l'ignorance (inconscience) sont toutes deux des concepts. En renonçant à l'une comme à l'autre, vous vous débarrassez de tous les concepts et vous entrez dans l'état de non-pensée. Vous êtes alors détaché et ce qui reste une fois que tout est abandonné, y compris l'oubli du corps causal, est le Soi. Il est au-delà de l'oubli. L'état de détachement d'où ne s'élève aucun concept, aucune pensée, est appelé nivritti et c'est le Soi lui-même. Bien qu'il doive être expérimenté, il faut abandonner l'idée même de le percevoir ou de l'appréhender car vous ne pouvez qu'être le Soi. Il continue d'exister alors que l'on a tout oublié et que l'on est installé dans la quiétude. Transcendez l'oubli et voyez ce qui se passe. Le Soi est en tout et en tous. C'est le samadhi naturel et spontané et cela est votre véritable nature, je vous l'assure.
Comprenez que quand le maître parle du Tout-Puissant ou du suprême, il ne parle que du Soi, de votre véritable Soi. Il ne parle que de vous et de vous seul. N'oubliez jamais que vous êtes le suprême. Les Purana enseignent d'une autre manière. Ces textes affirment que vous êtes aux antipodes du suprême. Laissons donc les prêcheurs faire leur travail comme ils l'entendent, mais rappelons-nous que tout ce que l'on entend ici ne parle que de nous-même. Quand vous abandonnez votre ego, vous n'existez plus dans le sens où vous n'êtes plus identifié au corps, mais vous existez maintenant en tant que Soi.
Le corps n'étant pas ce que vous êtes réellement, ne craignez pas d'affirmer avec force et conviction: « je n'existe pas ! ». En ce sens, ce qui est dit ici rejoint l'enseignement délivré par les Écritures, il n'y a pas de contradictions. Vivékananda a dit que : « Le corps est l'écrin qui contient le trésor de la connaissance de soi ». C'est une expérience que de voir qu'il n'y a rien d'autre dans le corps que le Soi ! Tout ce qui existe n'est rien, tout est faux. Ce qui reste alors est l'état naturel du Soi. Exister dans cet état naturel est toujours du domaine de l'expérience, c'est pour cela qu'il faut toujours se souvenir que je suis différent des expériences et même de l'expérience du Soi. « J'ai tué Krishna » mais je ne l'ai pas tué. Je ne suis pas l'expérience, c'est de cette manière que vous devez pratiquer. Gnyan signifie anaya (an : non ; anya : autre), c'est la connaissance du Soi et de rien d'autre. Comprendre qu'il n'existe rien à part le Soi est ce que l'on peut appeler la véritable connaissance (vidgnyan).
Ni la connaissance (conscience), ni l'ignorance (inconscience), n'existent dans le Soi suprême. Votre véritable nature est spontanée, différente de l'expérience de l'existence et de la non-existence. Vous êtes différent de l'expérience de ce qui est, comme de ce qui n'est pas.