Par-delà l'espace et le temps, il y a l'ici et le maintenant de la réalité. Il reste la vacuité, il reste l’Éveil, il reste la pure lumière de l'être conscient
par Sri Nisargadatta Maharaj
Source : Sri Nisargadatta Maharaj « Je Suis » - Les Deux Océans – Paris
En vérité, votre état est la Félicité Absolue, pas cet état du monde du phénomène. Dans l'état du non-phénomène vous êtes félicité totale, mais vous n'en pouvez faire l'expérience. Dans cet état il n'y a ni misère ni malheur, seulement une pure félicité.
Hors du Soi il n'y a rien. Tout est un, et tout est contenu dans « je suis ». Dans les états de veille et de rêve, c'est la personne. Dans le sommeil profond et turiya (4° état), c'est le Soi. Au-delà de l'intense concentration de turiya s'étend la grande paix silencieuse du Suprême. Mais en fait tout n'est qu'un en l'essence et relatif en apparence.
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M : Celui qui connaît le mental aussi bien comme non réalisé que réalisé, celui qui sait que l'ignorance et la connaissance sont des états du mental, celui-là est le réel. Quand on vous donne des diamants mélangés à du gravier, vous pouvez soit passer à côté des diamants, soit les trouver, mais ce qui importe ce n'est pas les pierres, ce n'est pas ce que l'on voit, mais la vision. Où serait la grisaille des pierres ou la beauté du diamant sans le pouvoir de la vision ? Le connu n'est qu'une forme, la connaissance n'est qu'un nom et le connaissant n'est qu'un état du mental. Le réel est au-delà.
Q : La connaissance objective, une idée des choses, et la connaissance de soi ne sont certainement pas une seule et même chose. Dans le premier cas il faut un cerveau qui n'est pas nécessaire dans le second.
M : Pour les besoins de la discussion, vous pouvez aligner des mots et leur donner un sens, mais il n'en reste pas moins que c'est un fait que toute connaissance est une forme de l'ignorance. La carte la plus précise n'est jamais que du papier. Toute connaissance est dans la mémoire ; ce n'est qu'une re-connaissance, alors que la réalité transcende la dualité connaissant-connu.
Q : Par quoi la réalité est-elle donc connue ?
M : Que votre langage est trompeur ! Inconsciemment, vous supposez qu'on peut approcher la réalité par la connaissance. Et, pour ce faire, vous introduisez un connaisseur de la réalité qui dépasserait la réalité ! Comprenez bien que pour être, la réalité n'a pas besoin d'être connue. L'ignorance et la connaissance sont dans le mental, pas dans le réel.
Q : S'il n'existe rien de tel que la connaissance du réel, comment peut-on l'atteindre ?
M : Vous n'avez pas besoin d'atteindre ce qui est déjà en vous. Votre recherche même vous la fait manquer. Rejetez l'opinion que vous ne l'avez pas trouvée et, simplement, laissez-la venir au centre de votre perception directe, ici et maintenant, en supprimant tout ce qui participe du mental.
Q : Quand tout ce qui peut aller s'en est allé, que reste-t-il ?
M : Il reste la vacuité, il reste l’Éveil, il reste la pure lumière de l'être conscient. C'est comme de demander ce qu'il reste d'une pièce quand on en a ôté tous les meubles. Il reste une pièce parfaitement utilisable. Et si l'on jette les murs bas, il reste l'espace. Par-delà l'espace et le temps, il y a l'ici et le maintenant de la réalité.
Q : Le témoin reste-t-il ?
M : Tant que la conscience est présente, son témoin est là. Tous les deux naissent et disparaissent en même temps.
Q : Pourquoi donner tant d'importance au témoin si lui aussi est transitoire ?
M : Uniquement pour rompre le charme du connu, l'illusion que seul ce que l'on peut percevoir est réel.
Q : La perception vient en premier, le témoin en second.
M : C'est là le cœur du problème. Tant que vous croyez que seul le monde extérieur est réel, vous demeurez son esclave. Pour vous en libérer, il faut que votre attention soit attirée sur le « je suis », sur le témoin. Naturellement, le connaissant et le connu ne font qu'un et non deux, mais pour briser l'envoûtement du connu, il faut amener le connaissant sur le devant de la scène. Ni l'un ni l'autre ne viennent en premier, tous les deux sont des reflets dans le souvenir de l'expérience ineffable, toujours nouvelle et toujours présente, intraduisible, plus vive que le mental.