Cette unique conscience
a surgi du non-manifesté,
sans cause,
en créant le temps, l'espace et la matière,
elle ne peut exister en l'absence du corps
par Sri Nisargadatta Maharaj
Source : Sri Nisargadatta Maharaj « SOIS ! » - Les Deux Océans – Paris
M : Vous êtes en état de non-témoin ?
V : Non, au contraire, je suis en état de témoin. Actuellement, je suis témoin de cette conversation avec vous, si je n'observais pas je n'aurais pas conscience de cette conversation.
M : Lorsque vous dites : « je suis témoin », l'identification avec corps et idées est toujours là, la présence devient présence à soi. La présence à soi est le témoin. Quand il n'y a plus de soi dont vous puissiez être témoin, il n'y a plus de présence, il n'y a plus de témoin.
V : Un Jnani dissout l'ignorance des hommes par l'action de ses paroles. Alors, quel est son état ? Il est bien témoin de quelque chose puisqu'il parle à quelqu'un ?
M : Aussi longtemps que vous vous identifiez au corps, aux idées, vous êtes un témoin mais dès que cette identification disparaît vous êtes le manifesté.
V : Comment est-il possible que le Jnani continue à nous parler, à nous donner des explications. Comment cela marche-t-il ?
M : Il vous faut faire pénitence, mériter cet état. En tant que femme, il vous a fallu atteindre un certain âge avant d'être à même d'avoir des enfants. Il est d'autres lieux où l'on trouve des sages, même des plus grands sages, exposant un enseignement, mais cette connaissance-ci n'est exposée nulle autre part. Nous voulons toujours consulter quelqu'un sur des questions matérielles, des questions spirituelles, toujours nous fonctionnons en nous appuyant sur quelqu'un d'autre. Dans ce processus d'éveil spirituel, il vous faut atteindre un état qui est au-delà de toute consultation, antérieur à toute consultation. Cet état où il ne peut plus exister de consultation est : « quoi que vous soyez, vous l'êtes ».
Cet état de béatitude s'est libéré des chaînes de l'état de béatitude. Qu'est-ce que cela veut dire ? Sans le savoir l'état de béatitude, la liberté, la joie, a été empaqueté, enchaîné, emprisonné et ce fut le début de la souffrance, sans qu'il en ait eu connaissance. Cela se produit tout seul. Cette trace de béatitude se laisse empêtrer dans un « état de béatitude » et ce « je suis » est soudain pris au piège et embarqué pour cent ans de souffrance.
Vous n'avez pas encore quitté le jardin d'enfant et vous posez des questions concernant vos doutes sur le niveau universitaire ! Cet état de félicité, n'est-ce pas un esclavage ? Habituellement, nous utilisons un terme pour félicité, béatitude, c'est sat-chit-ananda. Sat signifie l'êtreté plus la mémoire « je suis ». Souvent de cet état sat-chit-ananda on dit qu'il est Para-brahman, c'est faux. Sat-chit-ananda est également un état transitoire, quand vous séjournez dans cette êtreté, c'est une profonde félicité et quand vous le transcendez c'est l'Absolu, Para-brahman, il n'y a plus là ni être, ni béatitude.
Supposons qu'on vous demande si vous existiez il y a cinq cents ans, vous n'allez pas consulter quelqu'un afin de savoir si vous existiez ou non, vous répondez : « je ne sais pas ». Dans cet état « je ne sais pas », êtes-vous heureux, connaissez-vous la béatitude ? Vous ne savez pas, c'est l'état Absolu ! Dans le sommeil profond, vous êtes détendu, êtes-vous plongé dans la béatitude ? C'est le piège de l'état Mulmaya conjointement avec l'être-je suis. Ce qui est le témoin de cette béatitude est l'Absolu. Cette béatitude est un concept dans le royaume de l'illusion, dans Maya. Qu'est Maya ? Une chose qui s'est produite sans que cela se sache. Cette Maya-Illusion s'est dressée et nous ne nous en sommes pas aperçus.
V : Alors, sat-chit-ananda demeure une activité ?
M : Quel âge avez-vous ?
V : Soixante-deux ans.
M : Vous êtes depuis soixante-deux ans prisonnier de ce sat-chit-ananda. Antérieurement, le principe qui existait, quel qu'il soit, n'a jamais aimé cet océan de félicité. Ce piège du « je suis » s'est refermé sans que vous vous en aperceviez.
Cette connaissance « je suis », la conscience, le sens d'être vous-même, appelez-le comme vous voudrez, est le principe primordial, ce qui existe avant quoi que ce soit, antérieur à quoi que ce soit. Tattva, Tattva est votre réalité, à l'état latent vous êtes cela. Tout ce qui est combustible possède en lui le feu à l'état latent, l'étincelle ne fait que le réveiller. De même, ce qui accorde au monde phénoménal sa condition, son statut, est ce principe primordial qui dit qu'il n'existe rien d'autre que lui.
Le Je suprême, non-manifesté, ne possède aucun savoir, il ne se connaît pas, il est totale êtreté. Cette êtreté est reflétée par la conscience, cette conscience a surgi du non-manifesté, sans cause, en créant le temps, l'espace et la matière, elle ne peut exister en l'absence du corps. Elle est la Conscience, il n'y en a qu'une. Tout ce qui existe est je, tout ce qui existe est moi, mais le Je percevant cela s'est limité en s'identifiant à son support et a perdu cette compréhension. Pourtant, ce manifesté est identique au non-manifesté, à cette présence Absolue. Il n'y a pas de différence entre le Je non-manifesté et le monde. C'est pour cela que vous n'avez besoin d'aucun changement ni d'aucun appui : vous êtes cela. Il faut que votre esprit soit complètement au repos, alors il se dissoudra et il ne subsistera que la réalité.
J'éprouve le besoin de parler ce matin mais le corps ne le permet pas.
Cette conscience est latente dans tout ce qui vit, elle est une mais elle n'est pas souhaitable car elle est semblable à une maladie, une éclipse de notre état originel. Ce même état originel est latent dans le nouveau-né, avant l'apparition de la conscience. Dans la forme corporelle, ce qui pousse n'est rien d'autre que la conscience. Tout ce qui est consommé doit être évacué, quel que soit le niveau des connaissances acquises. Cela doit être abandonné, évacué. Même ceux qui se considèrent comme Jnanis continuent à se souvenir de leur petite enfance. Cet enfant vide d'idées détient le haut rang et la puissance de ce principe premier. Ce qui est à l'état latent dans les formes, même les plus primitives, est capable de n'importe quoi. Ce qui possède ce potentiel illimité est malheureusement limité par sa forme. Cet enfant grandit, vit, s'épanouit et meurt mais ce qui était latent en lui dès le stade de la conception, est-ce que cela meurt ? Avez-vous déjà rencontré un cadavre de conscience ? Certains ont acquis une érudition, des compétences rares et difficiles et ils en sont fiers, mais ils n'ont pas la moindre idée de ce que fut le commencement, ils ne connaissent pas la nature de ce qui était latent en eux. Ce nouveau-né faible et démuni ne porte aucun signe des hauts faits qu'il sera à même d'accomplir plus tard. De même, il n'y a pas trace de l'énorme potentiel de ce qui est en lui à l'état latent.
Existe-t-il une seule notion qui ne soit pas déjà incluse dans cette connaissance « je suis » ? Pour vous-même, êtes-vous quelque chose ou rien ? A quelle conclusion arrivez-vous ? M'ayant entendu parler depuis si longtemps que pouvez-vous appréhender en
disant « ça c'est moi » ? Beaucoup de gens viennent ici et font des discours sur le Védanta. Je les écoute et à la fin je leur demande quelle est leur réponse à cette question. Il n'y a rien que vous puissiez appréhender comme étant vous-même, aucune forme. Aucun concept ne pourra jamais vous mener nulle part mais leur source ce par quoi l'objectivation, la conceptualisation a lieu, voilà le principe primordial et c'est ce que vous êtes.