Le monde n'a pas été construit,
ni créé par quiconque,
il a surgi de lui-même de la conscience
et il n'a pas de cause
par Sri Nisargadatta Maharaj

Source : Sri Nisargadatta Maharaj « SOIS ! » - Les Deux Océans – Paris



Maharaj : Certains d'entre vous ont parlé de la science. La spiritualité n'est pas scientifique. La science découvre ou produit quelque chose, ensuite elle vous dit comment fabriquer ce qu'elle a découvert, comment l'utiliser, le conserver et même s'en débarrasser. Le produit est parfaitement connu et a été créé scientifiquement. La spiritualité, elle, s'intéresse à nous-même. Nous sommes apparus et le monde est apparu, soudainement. Pourquoi ? Nous ne le savons pas, mais néanmoins nous nous efforçons de le découvrir. Que sommes-nous, qu'est le monde et quelles sont nos relations mutuelles ? Nous l'ignorons mais nous adoptons les convictions émises par l'un ou l'autre. Ou nous nous bornons à croire ce que nous ont dit nos parents : « tu es ceci et cela ». Et nous finissons par être liés à tout un champ de relations uniquement constitué de on-dit.

C'est spontanément qu'est apparue cette conscience d'être là, la constatation de ce fait : « je suis ». Aujourd'hui « nous sommes », « nous sommes » comme « est » le soleil levant. Cet être lui-même est une sorte d'expérience. Avant la naissance il n'y avait pas d'expérience, c'est avec l'apparition de « je suis », de cette conscience, de cette êtreté que les expériences commencent. Ensuite vous découvrez que cet être, cette conscience exprimée par « je suis » est la cause de toutes joies et de toutes souffrances. Il engendre aussi tous vos besoins, à ce niveau d'être tout cela est inévitable. Cette constatation « je suis », ce savoir intérieur impliquant tant de mouvements, de besoins, d'exigences, qu'est-ce que c'est ? Quelle est cette identité ? Il vous faut le trouver. Si vous souhaitez avoir des éclaircissements, posez des questions mais uniquement sur ce sujet.

Visiteur : N'étant ni le corps, ni les idées, il s'agit de découvrir ce que je suis réellement. Est-ce une expérience interne ?

Le traducteur : « Je suis », en soi, est expérience et connaissance.

V : Quand vous atteignez une telle expérience du « je suis », cela vous amène-t-il à un état de continuelle êtreté ?

M : Lorsque vous observez intensément, lorsque vous comprenez l'éveil de cette êtreté et son évanouissement ensuite, se dissolvant dans sa source, alors oui.

V : Observer ?

M : Utilisez un autre mot si vous voulez. Ce qui étudie, aperçoit, l'éveil de l'être est éternel, parce que vous êtes là quand l'être apparaît, vous êtes là quand il disparaît, et vous étiez là avant qu'il apparaisse. Soyez, restez au point de ce « je suis ».

V : Quand j'observe le « je suis », apparaît soudain un état nouveau, comme un rêve. J'essaie de m'en réveiller mais cet état de rêve est le plus fort.

M : Ce que vous expérimentez dans ce rêve éveillé est le produit de l'identification de votre conscience, de votre êtreté, à ce qui arrive.

V : Oui, je comprends.

M : Votre conscience doit observer le monde éveillé et aussi le monde que vous appelez état de rêve.

V : Mais ce monde de rêve est là, il surgit de lui-même, il apparaît.

M : A qui ? A la conscience !

V : Mais quand je rêve je ne suis pas éveillé.

M : Il vous faut découvrir de quel « je » vous parlez. Quel est le « je » affirmant être la conscience.

V : Cela se lève en moi.

M : Même ce moi disparaîtra. Même cet état conscient d'observer l'évidence « je suis » ne pourra plus dire « je vois », parce que là où cela voit il n'y a plus de « je ». Cela ne dispose d'aucun apparatus permettant de dire « je ».

V : Vous ne pouvez que voir le rêve ?

M : Le rêve ne peut être vu que par votre conscience, votre être. Dans votre monde, seule la signification et l'efficacité de cette conscience sont considérées et appréciées. C'est cette petite conscience qui a créé tout l'univers, mais il faut la transcender.

V : Je comprends. Toutes choses naissent dans la conscience, tout apparaît en ma présence au sein du « je suis ».

Le traducteur : Je vous arrête pour apporter ici une petite précision, parce que mon anglais et votre anglais pourraient ne pas correspondre. Quand traduisant Maharaj je parle de conscience (consciousness) il s'agit de ce sens d'exister, cette constatation « je suis ». Mais quand je parle de présence (awareness) il n'y a plus de « je ». Il s'agit de l'état éternel. En général c'est ainsi que nous l'exprimons.

V : Conscience est relatif et présence est employé pour l'Absolu ?

M : Efforçons-nous de définir ces termes. La pure présence est ce qui éternellement prédomine et particulièrement quand la conscience se confond avec sa source. Quand la conscience n'est plus là, seule prévaut la présence.

V : La présence est continue ?

M : La conscience va et vient, la présence est toujours là.

V : La conscience apparaît-elle au sein de la présence ?

M : Oui, elle est le commencement et la cause de la dualité. Pour les nécessités de la communication nous employons des mots, mais aucun de ces états ne peut être coulé dans le moule des mots et vous être transmis, c'est une impossibilité.

De quoi disposons-nous, uniquement de la conscience. Je suis cette conscience qui crée sa propre lumière, son propre espace mental lumineux. Vous n'êtes rien d'autre que cela, Chit Bhaskar, cette êtreté primordiale, lumineuse, première révélation « je suis ». Vous ne la ressentez ni par le corps, ni par l'esprit, soudainement elle s'impose.

Le soleil n'est pas là, mais dès qu'un rayon se manifeste l'univers entier est éclairé. Identiquement ce Chit, cette apparition du « je suis » est là et tout est illuminé.

V : C'est comme une explosion.

M : Appelez-le comme vous voudrez mais soyez convaincu. Une seule petite étincelle peut instantanément provoquer une immense explosion, mais sa cause sera la minuscule étincelle. La cause de votre monde est identiquement ce « je » minuscule, c'est à cause de lui que l'univers existe. Cette révélation « je suis » n'a ni forme, ni dimension, elle n'a pas de désirs, elle est seulement être.

La première manifestation est donc Chit Bhaksar, lumière dont la substance est en elle-même révélation de l'être. Un autre nom peut lui être donné, Chidakash, silence immense, sans forme ni structure, c'est-à-dire espace, espace qui est la conséquence de votre êtreté Chidakash.

Quand votre être Chidakash est illuminé par Chit Bhaskar, c'est sous la forme de cet univers manifesté qui est appelé Mahadakash. Leur relation est celle de parent et enfant.

C'est par la luminosité de votre être et la formation d'espace de votre être que le monde visible est formé. Celui qui s'établit dans cette êtreté, dans ce Mahadakash où s'unissent espace, lumière, connaissance, et tout ce qui existe, celui-là est un avec lui-même. Tout se fond en lui et il découvre sa réelle identité. C'est à cela que doit aboutir votre compréhension de vous-même.

Celui qui a la révélation de sa véritable identité ne va pas s'associer au spiritualisme professionnel qui ne cherche qu'à faire de l'argent. Il ne marchandera pas ce qu'il sait car il connaît la valeur de tout. Une telle personne ne sera plus en fait une personne. Celui qui sait que l'univers entier est créé par son être propre ne peut pas jouer avec les vérités spirituelles, il sait que tout est lui.

V : Créé, l'univers entier ?

M : Oui, l'univers est sa création. Il faut que mes mots anglais et vos mots anglais correspondent exactement, soyez vigilant sinon vous ne me comprendrez pas correctement. Le monde n'a pas été construit, ni créé par quiconque, il a surgi de lui-même de la conscience et il n'a pas de cause.