Cela est Parabrahman ;
il n'y a pas de mouvement
par Sri Nisargadatta Maharaj
Source : Sri Nisargadatta Maharaj « Graines de Conscience » - Les Deux Océans – Paris
2 avril 1980
M : J'ai parlé sens dessus sens dessous, dans tous les sens. Après avoir écouté mes entretiens, un de mes auditeurs fut complètement déçu et frustré et il s'en alla. Le lendemain matin, il revint pour me mettre au défi. Je lui ai dit : « Oh, ce que vous dites est très profond ! Si seulement vous m'aviez rencontré un peu plus tôt j'aurais fait de vous mon Guru ! » La personne fut ravie.
Q : Maharaj dit que sans nourriture l'être n'est pas. Je pensais que l'être et la conscience sont en permanence. Qu'ils sont l'Absolu, que donc ils ne sont pas identiques à la nourriture et aux choses matérielles.
M : Tout est conscience, mais on ne peut être conscient de la conscience que si l'on a un corps. La connaissance d'être ne vient qu'avec la forme, et cette forme ne peut pas subsister sans nourriture.
Q : La conscience dépend-elle de la forme ?
M : La conscience est présente partout, mais la connaissance de la conscience est tributaire de la forme.
Q : La pure conscience, sans forme, est par conséquent une impossibilité ?
M : La conscience est là, mais non la connaissance de la conscience. Qui aurait la connaissance ?
Q : Mais hier Maharaj a dit d'adhérer à la connaissance « je suis » ; cela revient à adhérer à la forme matérielle.
M : Il n'est pas question de s'accrocher à elle, elle est là, vous ne pouvez pas vous en éloigner.
Q : Que devrais-je méditer par conséquent ?
M : Restez calmement dans la conscience. Celui qui comprend la qualité de l'être transcende l'être, et ni la naissance ni la mort ne l'atteindront plus.
Q : Que reste-t-il en l'absence de la conscience ?
M : L'état d'Absolu, d'où les cinq éléments prennent forme ; quand le mouvement est gelé, mais que la potentialité existe. Cela est Parabrahman ; il n'y a pas de mouvement.
Q : Mais l'Absolu n'a pas conscience de Soi ?
M : L'Absolu ne se connaît pas Lui-même. Sans l'aide de l'essence de nourriture, la conscience corporelle ne peut se connaître. Personne n'a connaissance de soi en l'absence du corps d'essence de nourriture.
Q : Maharaj est dans l'état d'Absolu, il n 'a donc pas conscience de soi.
M : Je connais éternellement cet état.
Q : Mais vous avez dit qu'Il ne se connaissait pas lui-même ?
M : Quand cet état est seul à régner, Il ne se connaît pas, mais quand le corps et l'être sont là Il se connaît grâce à eux.
Q : Et quand le corps disparaît ?
M : Il y a non-connaissance.
Q : Donc, quand Maharaj sera mort il n'aura plus connaissance de l'état d'Absolu ?
M : Tout le jeu se passe au royaume des cinq éléments. Que signifie la mort ? Que le corps et l'être se fondront dans les cinq éléments. Pour son expression, l'Absolu a à sa disposition l'être et le corps élémental quintuple ; l'être, pour ce qui le concerne, doit sa formation à la matière brute des cinq éléments. L'Absolu est sans rapport avec l'être, en dehors du fait qu'il lui sert pour son expression.
Vous recourez à la spiritualité en sorte de comprendre que les questions mondaines n'ont pas de réalité. Le jour où vous comprendrez l'objet de la spiritualité, vous comprendrez de même l'irréalité de la spiritualité et au cours du processus écarterez le monde en totalité. Je vous dis dans un langage clair et simple : Voici la nourriture qui vous est servie ; dans cette nourriture le « je suis » se trouve à l'état latent. Il ne se réveille que dans le corps. Malheureusement, vous vous identifiez au produit de la nourriture, et les ennuis commencent.
Q : Admettons que Maharaj soit en train de se promener. Il bute à la fois contre un rocher et un petit mendiant estropié. Le rocher et l'enfant sont-ils identiques à ses yeux ?
M : Qu'est-ce qui pourrait me faire faire une distinction ? Qui appelez-vous un rocher, et qui un enfant ? Je ne suis pas un individu. Où voulez-vous en venir ?
Q : Maharaj resterait donc indifférent ?
M : Ce que vous devez comprendre est qu'il n'existe pas de personnalité individuelle. Toute forme, tout être, naît de l'essence des cinq éléments. Oubliez Maharaj ; il n'est pas différent. Le corps, ou être, va donner une réponse qui soit naturelle à l'être. Moi, l'Absolu, je me sens en dehors de cette réponse. Quand l'enfant n'est âgé que de quelques jours il n'est que quintessence d'essence de nourriture. Au bout de quelques mois le sens de la connaissance se développe en lui et il recueille des impressions. Le produit chimique fixe ces impressions, tout comme des images se fixent sur une pellicule. Puis les cinq sens de l'action remplissent eux aussi leur fonction et recueillent des impressions. Plus tard, les réactions se font en conséquence.
Q : Est-ce une loi ? Les choses se passent-elles obligatoirement de cette manière-là ?
M : L'ensemble du jeu est mécanique, il fait partie du produit chimique. Naissance veut dire formation du produit chimique. La quintessence de l'essence de nourriture est le produit chimique nécessaire à l'apparition de la conscience, du sentiment « je suis ». Avez-vous compris maintenant ?
Q : Oui. Mais à mon avis Maharaj plaisante. Il dit ne pas voir de différence entre le caillou et l'enfant-mendiant, et pourtant il passe des heures et des heures à instruire des gens stupides. Et jour après jour après jour il fait des bhajans, sans jamais prendre de vacances. Cependant, il dit : « Cela survient. » Il ne peut que plaisanter.
M : Tout cela n'est que plaisanterie.
L'interprète : La qualité « je suis » en Maharaj souffre de voir l'ignorance chez d'autres. La qualité de son être aime aider les autres. Elle n'aime pas voir la souffrance née de l'ignorance.
Q : Pourquoi ?
M : Parce que l'être agit conformément à sa nature, que telle est sa nature.
Q : C'est plutôt bizarre. La plupart des gens, ou leurs produits chimiques, ne regardent que leurs propres intérêts, alors que les produits chimiques de Maharaj sont si particuliers qu'ils cherchent à aider les autres.
M : Quelle est la cause de ce à quoi vous devez la connaissance d'être ?
Q : La conscience corporelle, les produits chimiques, et ainsi de suite.
M : Vous ne concentrez pas votre attention sur le principe de l'être. C'est avec lui que vous devez rester. C'est dans l'être que tout arrive. Or vous, l'Absolu, n'êtes pas l'être. Peu à peu vous le comprendrez.
Q : Je sais que je ne suis pas l'un de mes doigts, mais je ne vais pas pour autant l'arracher d'un coup de dent.
M : N'entreprenez pas d'agir COMPRENEZ. Vous essayez encore d'agir en tant qu'individu. Pour comprendre ce que je vous dis vous devez impérativement recourir à la méditation. Ne vous laissez pas emporter par des concepts ; demeurez dans la quiétude, sans plus.