Parabrahman :
il n'y a plus là ni être, ni béatitude
par Sri Nisargadatta Maharaj

Source : Sois ! - Les Deux Océans - Paris



En vérité, votre état est la Félicité Absolue, pas cet état du monde du phénomène. Dans l'état du non-phénomène vous êtes félicité totale, mais vous n'en pouvez faire l'expérience. Dans cet état il n'y a ni misère ni malheur, seulement une pure félicité.
Quand la conscience est sans forme et ne se connaissant pas elle-même, elle est l'Absolu. Nous sommes uniquement cette conscience.
Shri Nisargadatta Maharaj
Au niveau ultime la Présence est dissoute. vous ne serez pas conscient quand la Présence devient Omniprésence.
Tout est Un. Il n'y a pas d'individualité.
Shri Ramakant Maharaj

Si vous comprenez que ce corps n'existe pas, vous êtes libéré du tourment de la mort. Vous êtes en tout et en tout lieu car vous êtes la source de toute chose. Comment pourriez-vous mourir ?
Comprenez que tout est Un, et tout se termine alors.
Ranjit Maharaj

Le Je suprême, non-manifesté, ne possède aucun savoir, il ne se connaît pas, il est totale êtreté. Cette êtreté est reflétée par la conscience, cette conscience a surgi du non-manifesté, sans cause, en créant le temps, l'espace et la matière, elle ne peut exister en l'absence du corps. Elle est la Conscience, il n'y en a qu'Une. Tout ce qui existe est je, tout ce qui existe est moi, mais le Je percevant cela s'est limité en s'identifiant à son support et a perdu cette compréhension. Pourtant, ce manifesté est identique au non-manifesté, à cette présence Absolue. Il n'y a pas de différence entre le Je non-manifesté et le monde. C'est pour cela que vous n'avez besoin d'aucun changement ni d'aucun appui, vous êtes cela. Il faut que votre esprit soit complètement au repos, alors il se dissoudra et il ne subsistera que la réalité.
S'immerger dans cette connaissance « je suis » est Bhagwan, splendeur. C'est une illumination éclairant comme la foudre. Vous êtes seulement lumière et de cette révélation le monde surgit. Ayant atteint ce stade, vous êtes le pur joyau du diadème, le diamant au sommet de la couronne. Mais ayant assimilé, pleinement éveillé, ce qu'est le monde, ce qu'est cette conscience, vous souhaitez vous en débarrasser. Vous découvrez que cette splendeur est le siège de toutes les erreurs, de tous les mensonges. Quand vous l'avez totalement compris, vous transcendez cet état. Ce n'est plus rien, c'est comme du mucus dans la gorge qui vous gêne, vous le crachez.

Shri Nisargadatta Maharaj


Visiteur : Lorsque l'on est en état de samadhi, après un certain temps, on redescend petit à petit. On ne peut agir sur ce processus, on ne peut rien faire, comment cela se fait-il ?

Maharaj : Qu'est-ce qui redescend, l'identification au corps ou la vision de la réalité ?

V : Le témoin est là, il observe une chose merveilleuse, très haute, et il a l'impression que cela va se prolonger mais, en fait, après un certain temps il prend conscience qu'il n'a rien perçu, qu'il lui faut s'élever davantage et pensant cela il redescend.

M : Vous dites être témoin d'une chose merveilleuse. Qui est le témoin de quoi ? Lorsque vous n'avez plus le souvenir d'un corps, ni d'un intellect, quel type d'observation effectue le témoin ? Souvenir du corps veut dire association avec le corps : « je suis mâle ou femelle ». Donc, lorsqu'il n'y a plus cette association avec corps et idées que pouvez-vous observer ?

V : Rien.

M : Alors pourquoi posez-vous cette question ? Sans être obsédé par corps et idées, vous venez de le dire : vous n'étiez témoin de rien !

V : Lorsque je suis témoin de quelque chose, je ne suis en aucun état particulier.

M : Vous êtes en état de non-témoin ?

V : Non, au contraire, je suis en état de témoin. Actuellement, je suis témoin de cette conversation avec vous, si je n'observais pas je n'aurais pas conscience de cette conversation.

M : Lorsque vous dites : « je suis témoin », l'identification avec corps et idées est toujours là, la présence devient présence à soi. La présence à soi est le témoin. Quand il n'y a plus de soi dont vous puissiez être témoin, il n'y a plus de présence, il n'y a plus de témoin.

V : Un Jnani dissout l'ignorance des hommes par l'action de ses paroles. Alors, quel est son état ? Il est bien témoin de quelque chose puisqu'il parle à quelqu'un ?

M :
Aussi longtemps que vous vous identifiez au corps,
aux idées, vous êtes un témoin mais dès que cette
identification disparaît vous êtes le manifesté.

V : Comment est-il possible que le Jnani continue à nous parler, à nous donner des explications. Comment cela marche-t-il ?

M : Il vous faut faire pénitence, mériter cet état. En tant que femme, il vous a fallu atteindre un certain âge avant d'être à même d'avoir des enfants. Il est d'autres lieux où l'on trouve des sages, même des plus grands sages, exposant un enseignement, mais cette connaissance-ci n'est exposée nulle autre part. Nous voulons toujours consulter quelqu'un sur des questions matérielles, des questions spirituelles, toujours nous fonctionnons en nous appuyant sur quelqu'un d'autre. Dans ce processus d'éveil spirituel, il vous faut atteindre un état qui est au-delà de toute consultation, antérieur à toute consultation. Cet état où il ne peut plus exister de consultation est : « quoi que vous soyez, vous l'êtes ».

Cet état de béatitude s'est libéré des chaînes de l'état de béatitude. Qu'est-ce que cela veut dire ? Sans le savoir l'état de béatitude, la liberté, la joie, a été empaqueté, enchaîné, emprisonné et ce fut le début de la souffrance, sans qu'il en ait eu connaissance. Cela se produit tout seul. Cette trace de béatitude se laisse empêtrer dans un « état de béatitude » et ce « je suis » est soudain pris au piège et embarqué pour cent ans de souffrance. Vous n'avez pas encore quitté le jardin d'enfant et vous posez des questions concernant vos doutes sur le niveau universitaire ! Cet état de félicité, n'est-ce pas un esclavage ? Habituellement, nous utilisons un terme pour félicité, béatitude, c'est Sat-Chit-Ananda. Sat signifie l'êtreté plus la mémoire « je suis ».

Souvent de cet état Sat-Chit-Ananda
on dit qu'il est Parabrahman, c'est faux.
Sat-Chit-Ananda est également un état transitoire,
quand vous séjournez dans cette êtreté,
c'est une profonde félicité et
quand vous le transcendez c'est l'Absolu,
Parabrahman, il n'y a plus là ni être, ni béatitude.

Supposons qu'on vous demande si vous existiez il y a cinq cents ans, vous n'allez pas consulter quelqu'un afin de savoir si vous existiez ou non, vous répondez : « je ne sais pas ». Dans cet état « je ne sais pas », êtes-vous heureux, connaissez-vous la béatitude ?

Vous ne savez pas, c'est l'état Absolu !

Dans le sommeil profond, vous êtes détendu, êtes-vous plongé dans la béatitude ? C'est le piège de l'état Mulmaya conjointement avec l'être-je-suis.

Ce qui est le témoin de cette béatitude est l'Absolu.

Cette béatitude est un concept dans le royaume de l'illusion, dans Maya. Qu'est Maya ? Une chose qui s'est produite sans que cela se sache. Cette Maya-Illusion s'est dressée et nous ne nous en sommes pas aperçus.

V : Alors, Sat-Chit-Ananda demeure une activité ?

M : Quel âge avez-vous ?

V : Soixante-deux ans.

M : Vous êtes depuis soixante-deux ans prisonnier de ce Sat-Chit-Ananda. Antérieurement, le principe qui existait, quel qu'il soit, n'a jamais aimé cet océan de félicité. Ce piège du « je suis » s'est refermé sans que vous vous en aperceviez.

V : Donc, Sat-Chit-Ananda est ce mouvement ignoré ?

M : Oui, sans que nul ne s'en doute, ce mouvement, porteur de félicité, ce « je suis » s'est produit.

V : Est-ce que le mot attention a le même sens que présence ?

M : Sur quoi s'appuie votre attention depuis soixante deux ans ? Elle est supportée par quelque chose, d'où proviennent cette émotion, cette félicité ? Si vous me répondez de vos parents ce sera une réponse de convention. Dès que vous avez compris ce que vous êtes, tous les mystères sont dissipés. C'est aussi simple que cela et, en même temps, c'est extrêmement difficile. Beaucoup estiment s'être compris eux mêmes, ils ne connaissent que des concepts.

Ce qui n'est pas, soudainement advient. Ce qui est advenu est une illusion produite par l'ignorance et tout notre stock de connaissances est entreposé là. Nous réfléchissons, nous prenons appui sur cet état pensant pour nous exprimer et nous croyons expliquer le monde. Nous sommes des condamnés. Cette êtreté est comme la police judiciaire, ils attrapent quelqu'un, il est inculpé de meurtre, la justice est en marche avec juges, preuves, témoins et on le pend !

V : On vous a posé une question sur la présence, j'aimerais que vous parliez sur ce sujet.

M : La présence normalement relève de l'Absolu, tandis que la conscience concerne l'êtreté puisqu'elle est liée au « je suis ».

V : Lorsque je jeûne pendant une semaine, mon esprit devient tranquille, d'une grande clarté et un bien-être m'envahit. Comment cela s'explique-t-il ?

M : Quand vous questionnez sur le jeûne ou autre discipline de ce genre, il s'agit d'une forme d'activité, d'un « faire » et je ne veux pas parler de ces choses-là. Vous pouvez faire certaines choses et obtenir des résultats mais je ne fais aucun commentaire sur ce que je n'ai pas expérimenté. Il y a, dans ce pays, des saints qui n'ont pas prononcé une parole depuis douze ans. Les gens aiment cela, mais comme je n'ai personnellement jamais essayé, je n'ai rien à en dire. Je vous parle de la seule chose que je connaisse, être conscient sans corps. Ici, je ne parle pas de ces pratiques. Il ne manque pas d'endroits où on fait travailler toutes sortes de disciplines, si cela vous intéresse allez-y. Ramana Maharshi s'est imposé des pénitences rigoureuses. Pendant de nombreuses années, il n'a pas profité de son corps humain. Dans mon cas, c'est totalement différent. Nous sommes entièrement d'accord sur toutes les formulations positives mais il demeure une différence. Ramana Maharshi a utilisé seulement sa conscience, son corps a constamment et exclusivement été orienté vers le déploiement de la conscience. Normalement, on ne parle pas de la conscience en soi, comment elle apparaît, ce qu'est sa cause. Très peu sont orientés vers ces questions.

La conscience est là mais elle n'a pour moi plus aucun intérêt, je suis indifférent à toutes choses. Je suis simplement une sorte de témoin, une observation a lieu, c'est tout. Je considère les événements qui surviennent sans intérêt particulier, sans projets, sans intentions.

V : Est-ce que cette absence d'intérêt s'est produite graduellement ?

M : Cela s'est produit lentement, la conviction s'est retirée de mes activités. Après ma réalisation, je conservais de l'intérêt, je rassemblais des gens, ils m'intéressaient, j'avais envie de leur communiquer mes lumières mais cela n'existe plus. Dans le futur, quand des étrangers viendront me voir je ne sais pas du tout si je leur parlerai. Ceux qui le regretteront pourront lire les entretiens publiés en 1973, ou rencontrer ceux qui m'ont visité dans le passé.

V : Pourquoi cela n'a-t-il plus d'intérêt pour vous ?

M : À cause de ce retrait, tout le savoir est dissout.

V : Cela ne concerne que les étrangers ?

M : Tout le monde, les Indiens également. Ils ne sont d'ailleurs guère intéressés.

V : Mais vous aurez toujours une activité !

M : Les activités se produisent à la suite d'habitudes, d'inclinations. Quand ces inclinations ont disparu, les activités cessent. Dans mon cas, le souffle vital n'a pas abandonné mon corps, il est toujours là mais n'est plus attiré par quoi que ce soit, aussi toutes mes activités ont touché à leur fin. C'est presque comme si le souffle m'avait quitté mais il est toujours là et donc le corps fonctionne et la conscience se maintient. C'est pour cela que je ne peux savoir ce qu'il adviendra de ces entretiens dans le futur, l'inclination actuelle est que je pourrais d'un moment à l'autre cesser de parler.

V : Quelquefois on fait des progrès puis il y a un arrêt et une rechute.

M : Quand vous aurez une foi profonde, vous ferez des progrès. Ce n'est que lorsque votre compréhension de l'ultime sera totale que vous ne progresserez plus. Quand on sait ce qui est vrai et ce qui est faux, il n'y a plus de progrès.

V : Quelquefois, dans le sommeil profond, il y a un sentiment d'êtreté.

M : Il s'agit du « je suis » incomplètement manifesté, ce que vous ressentez est le besoin, l'envie de ce « je suis », mais c'est un état temporaire puisque ce « je suis » est une qualité du corps-nourriture. Quand on ne connaît pas exactement les choses, on ajoute un tas de mots parce qu'il faut cacher l'ignorance, moi je ne cherche pas à expliquer tout cela, je vais à l'essentiel qui se dit en deux mots. Je ne veux pas vous voir quitter le fondamental, mon point d'appui est toujours le fondamental. On peut donner à l'ignorant un grand nombre de concepts mais je m'y refuse. Je refuse de m'éloigner de la base, du siège de « je suis ». Les pensées se développent à partir de ce qui est, de cette êtreté. Vous ne faites pas de recherches, vous ne fouillez pas à ce niveau, c'est ce que je vous reproche. Quand l'essence de la nourriture est présente, la conscience est également présente, cette qualité de présence au « je suis ». Le flux des pensées sera une résultante de cette présence initiale et vous permettra d'amasser dans le royaume de la connaissance tout le savoir que vous voudrez, un savoir matériel. Mais, en réalité, vous, l'Absolu, n'avez rien à voir avec cela, l'accent est sur l'Absolu uniquement.

Seul le seigneur Krishna a donné une définition véridique de ce qu'est notre véritable nature. Ce n'est pas la personnalité, nous sommes le principe même de la réalité. Je ne suis d'accord qu'avec Krishna, tous les autres sages et les autres personnalités qui se réfèrent à des maîtres n'offrent que des opinions, des concepts. Les livres soi-disant spirituels également s'appuient sur des classements objectifs. Il y a Brahma, ensuite Para-Brahma, etc. Seul Krishna affirme « je suis le Parabrahman ».

V : Comment avons-nous su toutes ces choses sur Krishna ? Par un de ses disciples ?

M : Quand Krishna était de service, accomplissant ce qu'il avait à faire, j'étais moi étendu dans le repos éternel et lorsque je fais ce qui est à faire, c'est lui qui est plongé dans le repos. Quelle est la cause de cet immense drame, de ce chaos créé par l'illusion ? Il y a eu une seule étincelle et l'incendie ne peut pas être éteint malgré tant de vaillants combattants. Comment cela se fait-il ? Qu'est-ce qui a produit tout cela ? C'est cette trace, cette étincelle de présence « je suis », cette pointe d'épingle d'être. Toutes les différentes formes du monde manifesté sont faites des cinq éléments primordiaux. De toutes ces formes la plus recherchée est la forme humaine, mais toutes, du ver à l'homme, proviennent de Dieu. La plus difficile à se procurer est la forme humaine. La raison pour laquelle je ne veux plus de cette êtreté est que Dieu en moi a atteint son but. Maintenant, je connais l'ultime, donc, Dieu peut être libéré de ce corps à présent. Ce corps s'est présenté, inaperçu, et il est ici. Dans ce monde, je n'ai aucun désir pour quoi que ce soit. Que ce qui existe de façon automatique se maintienne encore un peu voilà mon attitude, car plus rien ne présente d'intérêt pour moi. Je ne souhaite pas que vous accomplissiez quoi que ce soit de particulier. Faites ce que vous avez choisi, ce que vous avez envie de faire et faites-le complètement. Je ne vous relie à aucun concept particulier.

V : Est-ce qu'un Jnani est impatient de se libérer de son corps ?

M : Quitter son corps est une grande joie pour un Jnani. Pour un véritable Jnani qui est l'Absolu et ne prétend pas seulement l'être. Tout ce que vous pouvez retenir ou tout ce que vous pouvez oublier ne peut pas être véritablement vous. Donc, un Jnani est celui qui connaît l'ultime parce qu'il a abandonné tous les concepts. Tout ce qui peut être abandonné, il l'a abandonné et ce qui demeure est ce qui est. Le sommeil, la veille et la connaissance « je suis » sont ce qui est né. Cet état de connaissance n'a ni couleur, ni forme mais après s'être révélé, pour goûter ces états de veille et de sommeil, il a pris cette fausse identité : le corps. La pure connaissance n'a ni aspect, ni forme, ni nom. Un Jnani ne s'inquiète nullement des autres mais l'ignorant se fait beaucoup de soucis. L'un pense que sa femme et ses enfants dépendent de lui, s'il vient à mourir que va-t-il leur arriver ? Mais êtes-vous responsable de l'apparition de votre propre corps ? Non ! et vous ne l'êtes pas non plus de l'apparition du leur. En fait, après votre mort, des gens puissants vont peut-être s'occuper d'eux, ils vont peut-être prospérer davantage que si vous étiez demeuré auprès d'eux. Pourquoi vous faire du souci ? Pour un Jnani ces inquiétudes sont hors de question parce qu'il n'a aucun attachement particulier pour quoi que ce soit. Vous ne pouvez vous satisfaire en seulement connaissant Dieu, vous pouvez révérer et connaître Dieu mais vos inquiétudes demeurent, il vous faut uniquement vous connaître vous-même, alors c'est la fin. J'aime que vous veniez ici, mais si vous ne veniez pas ce serait encore mieux, parce que en venant ici vous allez perdre tous vos désirs et le dernier désir, vous-même, lui aussi va disparaître. Vous allez donc tout perdre et ne venez-vous pas ici pour acquérir ? En parlant tellement à tous ceux qui viennent ici j'ai épuisé tous mes mots, aussi ai-je tendance à demeurer tranquille. Je n'ai plus envie de toujours parler.

V : Vous dites qu'en venant ici nos derniers désirs disparaîtront. Je n'ai plus qu'un désir, demeurer dans l'êtreté, répéter mon mantra dans un endroit tranquille et rien d'autre. Mais je voudrais savoir s'il s'agit d'un réel désir ou une façon inconsciente d'échapper à moi-même. pouvez-vous véritablement m'amener à la réalité sans pratiquer une ascèse, sans rien faire ou dois-je par moi-même trouver quelque chose.

M : Si vous me connaissez vraiment, alors tout ce que vous direz se réalisera, mais me connaître est connaître la réalité. Si vous me connaissez en vérité, tout ce que vous souhaitez arrivera.

V : Oui, j'en ai la conviction. Ce n'est pas parce que mon corps s'éloignera pendant quelque temps que cela coupera ma relation avec vous. Je suis sûr que je vous retrouverai profondément sans plus éprouver d'attachement pour mon corps, mais je serai toujours plein d'humilité envers votre forme et votre présence.

M : Allez où vous voudrez maintenant, vous n'avez plus besoin de demeurer ici. Allez, mais n'oubliez pas mes paroles et ces paroles seront à la fin pour vous la vérité. Elles vous guideront, je contrôlerai toutes vos activités. Comme vous vous êtes complètement abandonné à moi, ma responsabilité désormais est de vous guider. Vous, ne faites plus rien, le Sat-Guru agira pour vous. Quand vous ne connaissez personne, les questions d'amitié ou d'inimitié n'existent pas. Or, il y a des gens qui manquent de confiance, qui s'opposent à moi sans oser l'exprimer. Dans ce cas, je leur dis « comportons-nous comme si nous ne nous étions jamais rencontré au cas où vos vues ne concorderaient pas avec les miennes. Nous ne nous connaissons pas ! » En ce qui me concerne je peux dire à tous : « j'ai perdu ma couleur, mes désirs, étant devenu pur Absolu. Vous, vous ne pouvez pas en dire autant ! »

Cela se présente ainsi. Le premier stade est le plus bas, celui de l'esclavage, mais les hommes et femmes de ce stade ignorent cet esclavage. Le suivant est le désir de libération, lorsque vous êtes habité par ce désir vous rencontrez un Guru et ensuite, quand vous abandonnez la conviction « je suis le corps », vous devenez un Sadakha, aspirant à la spiritualité, puis vous devenez vous-même Dieu et, plus tard, vous transcendez cela et devenez l'Absolu.

Dans mon état spontané,
je vois le Brahman et
quand mes yeux sont fermés
je vois l'Absolu.

Un Jnani n'a pas besoin de preuves ou de confirmations concernant Son état véritable. Si quelqu'un peut lui apporter une preuve, il n'est pas, lui, dans l'état véritable. Il n'est pas besoin de preuve pour le Jnani parce que son état est inné, naturel. Les mots sont inutiles, les siens ou ceux des autres. Supposons qu'un très vieil ermite vienne ici pour m'aider, un sage ayant disons mille ans. Je lui demanderai « depuis combien de temps êtes-vous ici, quel est votre âge ? » S'il me répond, cela signifie qu'il peut être mesuré dans le temps, et rien de ce qui est dans le temps ne peut être éternel. Aussi je remercierai cet ermite, je lui conseillerai de s'occuper de lui-même et d'être heureux, n'ayant aucun besoin de lui.

Étant hors du temps, je suis éternel, je n'ai pas de limites.

Je lui demanderai « qu'avez-vous réalisé, qu'avez-vous gagné ? Vous avez conservé votre conscience pendant un temps considérable, est-ce que cela a aidé le monde ? Pouvez-vous contrôler les guerres, les famines ? » Tant de gens adorent les dieux et les déesses ici en Inde. Et, pourtant, que font les dieux pour ces dévots ? Rien. Je les mets en accusation. « Qu'avez-vous fait pour ces pauvres gens en échange de tant de foi ? » Les dieux n'ont aucune action sur les guerres, les invasions, les calamités naturelles, leurs temples ont été bien des fois détruits et pourtant on leur fait confiance, on croit toujours qu'ils pourront exaucer toutes les prières. Très peu de gens en ce monde peuvent raisonner normalement. Il existe une terrible tendance à accepter tout ce qui est dit, tout ce qui est lu, accepter sans remettre en question. Seul celui qui est prêt à remettre en question, à penser par lui-même, trouvera la vérité ! Pour connaître les courants de la rivière, celui qui veut la vérité se doit d'entrer dans l'eau.

V : Je suis une personne née dans l'ignorance. Dans ma jeunesse tout ce qui concernait la vie m'a été caché. Ensuite j'ai marché par moi-même et j'ai entendu parler de la vie, de sa beauté, de sa lumière. Certains qui y voyaient à moitié m'ont donné des techniques mais je ne suis pas arrivé à voir. Finalement, j'ai rencontré quelqu'un qui m'a dit que je peux voir la lumière tout de suite parce que je vis dans la lumière. J'ai foi en cette affirmation mais elle développe en même temps en moi une terrible frustration car ce que j'arrive à percevoir n'est qu'obscurité. Quand je suis en présence de celui qui voit, comme je suis aveugle, je me débats, je me révolte. Est-ce que la lumière va s'emparer de moi ou vais-je devoir continuer à marcher dans les ténèbres jusqu'au bout ?

M : Il me semble qu'il y a une chose dont vous ne doutez pas : l'existence de cette lumière. La lumière est là, vous êtes peut-être aveugle mais l'existence de la lumière vous ne pouvez pas la nier.

Cette êtreté, cette présence à « je suis »
est elle-même Bhagwan,
lumière qui est Dieu ou Maya.

Il y a bien des gens qui n'ont pas la vue, nous les appelons aveugles mais cet être, cette conscience est là et grâce à elle, sans yeux, ils se sont réalisés.

V : Tous mes efforts vers cette lumière sont offensants puisque je demeure aveugle. Ou j'écarte involontairement cette lumière parce que je n'arrive pas à vous comprendre ou je m'enferme moi-même dans mon obscurité. Quand je médite, tout ce que je vois est obscur et tout ce que j'entends dire est « vous êtes la lumière ». Mais je ne parviens pas à l'atteindre, c'est une terrible frustration !

M : Celui qui écoute est-il un mot ou quelque chose d'autre que le mot ? Celui qui écoute ne peut pas être un mot ?

V : Quand mon esprit est tranquille, tout ce que j'expérimente est une obscurité, une obscurité bleuâtre et un léger mouvement, rien de plus. Même en cet état de repos, je ne découvre qu'obscurité.

M : Accrochez-vous à ce qui sait que l'esprit est silencieux. L'esprit devenant tranquille, demeurez avec l'observateur de cette tranquillité. Quoi que vous voyiez, obscurité bleuâtre ou non, portez votre attention sur celui qui voit cela. Vous avez le tort de vouloir suivre les pensées. Au lieu de les suivre et de devenir leur victime, il vous faut en être simplement le témoin. Ces pensées, quelle que soit votre expérience, proviennent de ce principe. Portez votre attention sur le principe, pas sur les pensées.

V : Quand je demeure tranquille et porte mon attention sur ce principe, je n'y découvre qu'obscurité.

M : Tout ça ce sont des mots. Vous ne pouvez pas « porter » votre attention, il s'agit d'observer l'attention elle-même. C'est à cause de cette erreur que vous dirigez continuellement votre attention vers d'autres choses. Le principe qui est à l'origine de la pensée est en lui-même attention.

V : Je ne sais pas quel mot employer ... Je ne sais pas ce qui est en moi, tout ce que je peux dire c'est que dans la plus haute, la plus subtile expérience que j'aie jamais eue, je me suis senti complètement perdu, ce que je formule comme être dans l'obscurité. Cette sensation d'être perdu est toujours là.

M : Qui dit qu'il y a obscurité ?

V : Maintenant c'est l'intellect qui le dit.

M : Qui le nomme intellect, qui connaît l'intellect ?

V : Moi.

M : Sachez être celui qui sait. Établissez-vous dans l'expérience d'être celui qui perçoit et non pas ce qui est perçu.

V : En profondeur, je suis sûr de n'être que celui qui perçoit. Je dois prendre tout en moi, y compris le pire. J'ai tendance à tout prendre mais sans le laisser tel qu'il est. Je vous écoute et cela me donne la conviction que j'ai tort de vouloir toujours plus et mieux. Vous me dites d'être un simple témoin et de laisser les choses telles qu'elles sont, c'est ce que je ne fais pas.

M : Vous n'êtes pas vos émotions, vous êtes uniquement ce qui perçoit. Ne vous inquiétez de rien d'autre, insrallez-vous dans ce qui précède toute chose : votre présence, là. Vous n'êtes ni vos impressions, ni vos émotions, tout cela vient après. Donc, quoi que vous voyiez, perceviez, quelles que soient les émotions qui vous traversent, vous n'êtes pas cela, vous êtes antérieur à tout cela, vous êtes pur observateur. Alors, stabilisez-vous à ce niveau.





TAD NISKALA (Ce que je ne suis pas) par Shankaracharya




Om, je ne suis pas le témoin, l’intelligence, l’ego ni le mental, ni les oreilles ni la langue, ni les sens de l’odorat et de la vue, ni l’éther ni l’air.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne suis ni le prana ni les cinq souffles essentiels, ni les sept éléments du corps, ni ses cinq gaines, ni les mains, ni les pieds, ni la langue, ni l’action d’aucun membre.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Pas de peur, d'avarice ou d'ignorance, pas de préférence, aucune fierté ni ego, ni dharma ou Libération, je ne suis ni le désir ni l’objet du désir.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne connais ni plaisir ni haine, ni vertu ni vice, ni mantra ni espace sacré, pas de Védas ni de sacrifice. Je ne suis ni le mangeur ni la nourriture ni l’acte de manger.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne connais ni la peur, ni la mort, ni différence de caste, ni père, ni mère, pas de naissance, ni ami, ni camarade, ni disciple, ni gourou.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je n’ai ni forme ni besoin, omniprésent j’existe partout, pourtant je suis au-delà des sens, je ne suis ni le salut ni quelque chose de connaissable.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !