Entre deux pensées :
c'est là, uniquement, que réside la réalité
par Sri Nisargadatta Maharaj

Source : Sois ! - Les Deux Océans - Paris



En vérité, votre état est la Félicité Absolue, pas cet état du monde du phénomène. Dans l'état du non-phénomène vous êtes félicité totale, mais vous n'en pouvez faire l'expérience. Dans cet état il n'y a ni misère ni malheur, seulement une pure félicité.
Quand la conscience est sans forme et ne se connaissant pas elle-même, elle est l'Absolu. Nous sommes uniquement cette conscience.
Shri Nisargadatta Maharaj
Au niveau ultime la Présence est dissoute. vous ne serez pas conscient quand la Présence devient Omniprésence.
Tout est Un. Il n'y a pas d'individualité.
Shri Ramakant Maharaj

Si vous comprenez que ce corps n'existe pas, vous êtes libéré du tourment de la mort. Vous êtes en tout et en tout lieu car vous êtes la source de toute chose. Comment pourriez-vous mourir ?
Comprenez que tout est Un, et tout se termine alors.
Ranjit Maharaj

Le Je suprême, non-manifesté, ne possède aucun savoir, il ne se connaît pas, il est totale êtreté. Cette êtreté est reflétée par la conscience, cette conscience a surgi du non-manifesté, sans cause, en créant le temps, l'espace et la matière, elle ne peut exister en l'absence du corps. Elle est la Conscience, il n'y en a qu'Une. Tout ce qui existe est je, tout ce qui existe est moi, mais le Je percevant cela s'est limité en s'identifiant à son support et a perdu cette compréhension. Pourtant, ce manifesté est identique au non-manifesté, à cette présence Absolue. Il n'y a pas de différence entre le Je non-manifesté et le monde. C'est pour cela que vous n'avez besoin d'aucun changement ni d'aucun appui, vous êtes cela. Il faut que votre esprit soit complètement au repos, alors il se dissoudra et il ne subsistera que la réalité.
S'immerger dans cette connaissance « je suis » est Bhagwan, splendeur. C'est une illumination éclairant comme la foudre. Vous êtes seulement lumière et de cette révélation le monde surgit. Ayant atteint ce stade, vous êtes le pur joyau du diadème, le diamant au sommet de la couronne. Mais ayant assimilé, pleinement éveillé, ce qu'est le monde, ce qu'est cette conscience, vous souhaitez vous en débarrasser. Vous découvrez que cette splendeur est le siège de toutes les erreurs, de tous les mensonges. Quand vous l'avez totalement compris, vous transcendez cet état. Ce n'est plus rien, c'est comme du mucus dans la gorge qui vous gêne, vous le crachez.

Shri Nisargadatta Maharaj


Visiteur : Quelquefois, pendant ma méditation, j'entends une voix, je ressens une émotion. Est-ce que cela provient du niveau réel ou de la conscience ?

M : De la conscience, bien sûr ! La réalité n'a rien à voir avec une voix ou quoi que ce soit. Tout ce qu'il vous est possible de percevoir ne peut être lié qu'à la conscience. Lorsque vous dites « je médite », il s'agit encore une fois de la conscience, c'est elle qui médite, parce que lorsque vous aurez rejoint votre véritable nature vous ne pourrez plus jamais méditer. N'étant rien, vous ne pouvez rien faire. La non-action est votre nature même. La conscience contient sa propre lumière, une telle auto-luminosité ne correspond à rien d'autre qu'à l'auto-luminosité. Le déroulement de la conscience a toujours lieu du passé vers le futur. La conscience ne peut pas adhérer au présent. C'est dans ce continuel passage du passé au futur qu'elle traverse l'instant que nous appelons présent. C'est cette Conscience-en-soi, n'ayant ni passé, ni futur, qui est la Réalité.

V : Est-ce que néanmoins la méditation, la répétition d'un mantra ou toute autre discipline ne constituent pas une aide ?

M : Si cela vous tente allez-y, faites-le, mais cela ne vous amènera pas à la vérité. Aucune méthode ne peut conduire à la vérité, elle ne peut que discipliner l'esprit pendant une certaine période. Du point de vue de l'Absolu, même la méditation constitue un engourdissement de la conscience. Vous émoussez son acuité, vous lui substituez quelque chose alors que la méditation devrait être pure observation, une observation qui ne se mêle en rien de ce qui est observé. Laissez les pensées aller et venir et entre deux pensées, forcément, vous vous tiendrez dans le lieu du maintenant. C'est là, uniquement, que réside la réalité.

Je vous conseille de ne pas vous empêtrer dans ces pratiques inutiles et plutôt de vous accrocher à la conscience elle-même, à ce qui éprouve « je », et de vous livrer à elle, de vous y abandonner. Je vous le conseille parce que c'est la seule chose à faire. Il faut que vous compreniez bien ce qu'est cette conscience, elle ne comporte pas ces catégories établies par les psychologues : ego, anima, subconscient, supra-conscient. Ils s'efforcent de construire un système afin de justifier leurs concepts. Orientez-vous vers ce qui précède les concepts. Lorsque vous réussirez malgré tout à comprendre et à vous établir dans cette pure observation, de nombreuses choses vont surgir en vous, c'est-à-dire dans votre conscience, et vous allez penser « je suis ceci, je suis cela ». Des miracles même peuvent se produire mais ne vous y associez surtout pas, parce que tout cela se maintient au niveau de la conscience et la conscience n'est pas la réalité. Ce que vous pouvez accepter n'est pas la réalité.

V : Alors comment pouvons-nous accepter tout ce que vous nous dites ?

M : Parce qu'il n'est possible d'accepter qu'au sein de la conscience. Votre état véritable est non-identification. Il n'est donc là plus question de s'identifier ou de ne pas s'identifier, d'accepter ou de ne pas accepter, vous transcendez tout cela.

V : Vous dites aussi que nous devons vous faire confiance et accepter ce que vous nous dites.

M : Oui. Dans l'ignorance je veux que vous me fassiez confiance, mais si vous avez compris ce que vous êtes, la question ne se pose plus, parce qu'elle ne peut plus exister en vous. Tant que la question « dois-je ou non lui faire confiance ? » se présente, c'est le signe que vous demeurez dans l'ignorance et il vous faut alors avoir pleine confiance.

V : Donc, vous ne vous adressez qu'à notre intellect borné et il doit vous faire confiance ?

M : Je parle à votre conscience impersonnelle et non à votre intellect et dans l'impersonnel comment peut-il être question de confiance ? Il n'est aucun besoin de confiance si vous êtes un avec moi, mais si vous vous demandez « pourquoi nous demande-t-il notre confiance ? » cela démontre que vous êtes séparé de moi et c'est alors que votre confiance est nécessaire à cent pour cent, indispensable.

V : Au niveau du raisonnement on peut tout comprendre mais avec quoi comprendre et assimiler ce qui est au-delà des mots ?

M : Pour exprimer les mots qu'est-ce qui est indispensable ? En l'absence de ce « je suis » pourrait-il y avoir le créateur Ishwara ? La condition nécessaire à l'existence de Dieu est que vous, d'abord, soyez là. Seulement, considérant notre corps et nos idées comme étant nous-mêmes, une chute s'est produite. Nous appuyant sur cette connaissance «  je suis » associé à une forme, nous avons recherché la sagesse au sein de l'intellect. Ce « je suis » est le matériau même de ce grand jeu du monde. Vous croire responsable de vos actions est la plus grave des erreurs.

V : C'est donc uniquement dans la conscience que les choses sont créées puis détruites ?

M : Oui.

La manifestation se dresse dans la conscience
puis se dissout ensuite dans la conscience.


Votre conscience individuelle se lève lorsque vous vous éveillez et se couche ensuite au creux de vous-même dès que vous vous endormez. Que vos questions soient uniquement motivées par « qui suis-je ? que suis-je ? » la connaissance « je suis » est là présentement et c'est en son sein que se déploie le jeu du monde. Sans cette connaissance, pas de monde ! Cette compréhension, ce sens du « je suis » est apparu de lui-même, il a explosé devenant ce monde dynamique, actif, habile, avec ses cinq éléments, ses trois gunas, etc. Bien que ce monde ait son siège dans votre conscience, vous n'êtes pas cette conscience. Vous êtes, vous l'Absolu, le seul témoin de cette conscience. Je perçois tout cela, mais je ne suis que ce qui rend cette perception possible.

V : Je m'efforce d'être vide et je n'y parviens pas. Ce « je » qui s'y efforce est probablement lui-même encombré !

M : Quel est celui qui souhaite être vide et se découvre encombré ?

V : Celui qui croit au corps, il est bourré de convictions.

M : Vous êtes bourré de convictions parce que vous considérez le monde comme réel, parce que vous considérez qu'avec votre corps vous agissez, voilà pourquoi vous êtes encombré. Quand vous arriverez à la conclusion que tout cela est illusoire, alors vous serez vide. Quand l'idée « je suis » est oblitérée, est annihilée, êtes-vous plein ou vide ?

V : Vide. Cela s'est produit une ou deux fois comme cela, sans raison. Ce n'était pas après avoir médité ou quoi que ce soit, cela s'est produit sans cause.

M : Qu'avez-vous éprouvé ?

V : C'était totalement nouveau, je ne savais plus rien.

M : Maintenant vous le savez, « vous êtes ». Est-ce dû à la méditation ou savez-vous spontanément « je suis » ?

V : Je le sais spontanément.

M : Il faut vous stabiliser dans la racine de cette certitude spontanée « je suis », sans aucun effort, sans conceptualiser, éprouvez « je m'abandonne à ce Je-suis et je fais l'expérience du monde ». Pour l'instant, cette notion « je suis » vous barre le chemin parce que, pour vous, elle possède une spécification. Vous vous êtes aliéné à l'image que vous possédez de vous-même et que vous revendiquez comme étant votre identité. A partir de « ceci est moi, ceci est à moi », vous êtes bloqué dans l'ignorance. Vous aimez une chose que vous dites vous appartenir, vous créez une relation et cette relation vous étrangle. Dans mon cas, il n'y a plus aucun attachement à ce « je suis ». Ceci n'est pas à moi, ni ceci, ni cela, je n'éprouve aucun intérêt envers quiconque, rien de bien ou de mal ne peut m'arriver. D'un tel état de chose quel enseignement puis-je tirer ? Ce qui observe le défilé des idées, l'explosion des sentiments dans la conscience, cela seul compte, tout le reste est transitoire et sans réalité. Sur quoi que ce soit que s'appuie votre mémoire, il s'agit d'une identification avec le corps.

Ce qui est vous n'a pas de mémoire,
ce qui est vous n'est que dans maintenant.

Votre identification rend tout ce que vous pouvez percevoir matériel comme le corps mais ce qui observe est complètement séparé, distinct du matériel. Identifié au corps, vous avez peur de la mort puisque vous savez que ce corps doit mourir, mais un Jnani, lui, ne connaît pas de peur, il sait qu'il n'a rien à voir avec ce corps périssable. On m'appelle un Jnani, cela veut dire que je suis connaissance pure, une connaissance intuitive qui n'a ni forme, ni couleur, ni structure. Un Jnani ne peut pas être inquiété par le processus matériel appelé mort. Personne ne se fait du souci sur le processus d'élimination rénale. Uriner, tout le monde sait ce que c'est, il est inutile d'y réfléchir. Identiquement, le Jnani connaît ce processus de la mort corporelle et ne s'en préoccupe nullement. Bien plus, il se sait situé au-delà de la conscience et donc au moment de la mort il suivra le phénomène éprouvant un sentiment de soulagement identique à celui d'une personne soulageant sa vessie. Le Jnani, non seulement ne s'inquiète pas de la mort mais l'attend, il lui tarde d'être débarrassé de cette conscience.

Comprenez cette conscience. Voilà ce qui se passe. L'essence de la nourriture en action aboutit à la maturation des éléments mâle et femelle nécessaires à la conception et assure la gestation d'un nouvel individu. Un bébé naît, l'essence de la nourriture commence un nouveau cycle. Le bébé grandit et à un certain stade la notion « je suis » apparaît spontanément en lui. Ce savoir « je suis » commence à s'exprimer en mots et à travers ces mots il considère que le corps qui les exprime correspond à lui-même. Dans son ignorance, ce « je suis » a la conviction que tout ce que le corps éprouve, tout ce que le corps fait, c'est lui qui l'éprouve, lui qui le fait. La conscience appréhende donc le corps comme elle-même et c'est ainsi que l'ignorant se croit autonome et agissant. Comprenez bien, je le répète, que tout ce processus commence avec Sattva, l'essence de la nourriture. Cette essence conserve un goût, un parfum qui est la saveur de « je suis » et c'est ce « je suis » qui s'identifie à l'essence de la nourriture et se considère alors comme une forme individuelle. Cette essence possède un équilibre propre, quand cet équilibre est rompu apparaît ce que l'on nomme maladie, si l'équilibre n'est pas rétabli se produit après un certain temps ce que l'on nomme mort mais, fondamentalement, tout ceci ne représente que les transformations subies par l'essence de la nourriture.

Les trois gunas : Sattva, Rajas, Tamas, qui sont les trois qualités fondamentales de la substance manifestée, sont déjà tous trois inclus dans Sattva qui est l'essence de la nourriture, cause de la formation du corps. Cette essence contient donc en elle Rajas et Tamas, action et inaction. Dès que l'on est éveillé on ne peut demeurer immobile, il faut entreprendre quelque chose ou ce sont les besoins du corps qui doivent être satisfaits ou surgissent des événements nous poussant à réagir, ensuite paresse ou émotions nous poussent à l'inaction. C'est pour cela qu'identifiés à ce corps engendré par l'essence de la nourriture, il ne nous est plus possible d'être constant, serein, immobile. Le corps est : la nourriture associée à l'énergie de la respiration prana et son expression en langage, mais ce complexe psychosomatique comprend un élément complètement indépendant de ce qui est suscité par l'association essence de nourriture/prana. Le « je suis », le savoir « j'existe », est le concept de base et ce que vous êtes réellement est le connaisseur de ce concept de base. Donc, vous n'êtes pas ce concept mais seulement ce qui le constate. La lumière et la brise purifient l'atmosphère, elles n'ont pourtant ni couleur, ni forme. Mais combien plus subtil est ce principe qui connaît le corps, la brise et la lumière. Donc, ne vous inquiétez que de ce qui n'a ni forme, ni couleur, ni apparence, tout le reste n'existe pas.

V : Je perçois ici même une chose qui n'a ni forme, ni couleur, l'espace de cette pièce et, en moi, je distingue un espace similaire et ce n'est pas l'œil qui le voit. Cela ne relève pas du corps-intellect.

M : Exact. Fixez-vous à ce niveau, trouvez-y votre véritable identité. Cet espace est libre comme la lumière, comme l'air. Il n'a aucune forme mais il est beaucoup plus subtil et réel que l'air et la lumière. Ne quittez pas ce niveau. Aucun effort n'est nécessaire pour parvenir à cette union avec la conscience qui se fait spontanément. Mais un effort est nécessaire pour atteindre le niveau où l'on comprend véritablement que cela se produit sans effort.

Quand un Jnani meurt voilà ce qu'il se passe. Après son dernier souffle, la vie abandonne le corps, se dégage également l'essence du corps qui est la mémoire individuelle, elle se délivre de son identification au corps et disparaît, mais celui qui sait cela n'a jamais été affecté par la naissance ni par la mort, il siège seul et observe simplement ce processus de transformation des éléments constitutifs de la personne. L'ignorant à ce moment-là est terrifié, puisqu'il a l'impression que c'est lui qui disparaît avec le corps, mais quand graduellement se développe la conviction que vous n'êtes pas ce corps et que la loi inévitable est que tout ce qui est né doit mourir, alors non seulement il n'y aura plus de peur au moment de la mort, mais aura lieu l'observation de l'événement qui s'accompagnera d'un grand soulagement.

Il faut donc, dès le début de la compréhension adopter cette conviction :

je ne suis ni ce corps,
ni cette conscience duelle


jusqu'à ce qu'elle devienne une certitude inébranlable.

Il y a le corps, plus une force de vie douée de parole et de mémoire, plus une conscience. Ceci constitue l'ensemble psychosomatique humain mais vous n'êtes aucun de ces trois. Vous n'avez rien à voir avec cela. Il ne s'agit que de diverses formes de nourriture et vous n'êtes même pas l'odeur ou la saveur de cette nourriture, vous êtes seulement ce qui connaît cet ensemble, ce qui sait sans avoir à le formuler.





TAD NISKALA (Ce que je ne suis pas) par Shankaracharya




Om, je ne suis pas le témoin, l’intelligence, l’ego ni le mental, ni les oreilles ni la langue, ni les sens de l’odorat et de la vue, ni l’éther ni l’air.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne suis ni le prana ni les cinq souffles essentiels, ni les sept éléments du corps, ni ses cinq gaines, ni les mains, ni les pieds, ni la langue, ni l’action d’aucun membre.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Pas de peur, d'avarice ou d'ignorance, pas de préférence, aucune fierté ni ego, ni dharma ou Libération, je ne suis ni le désir ni l’objet du désir.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne connais ni plaisir ni haine, ni vertu ni vice, ni mantra ni espace sacré, pas de Védas ni de sacrifice. Je ne suis ni le mangeur ni la nourriture ni l’acte de manger.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne connais ni la peur, ni la mort, ni différence de caste, ni père, ni mère, pas de naissance, ni ami, ni camarade, ni disciple, ni gourou.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je n’ai ni forme ni besoin, omniprésent j’existe partout, pourtant je suis au-delà des sens, je ne suis ni le salut ni quelque chose de connaissable.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !