Ce qui hors du temps et de l'espace défie toute saisie par Sri Nisargadatta Maharaj
Source : Sri Nisargadatta Maharaj « Je Suis » - Les Deux Océans – Paris
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M : La réalité se situe au-delà. On ne peut pas connaître le jnani parce qu'il n'y a personne à connaître. Quand il y a une personne, vous pouvez en dire quelque chose, mais quand il n'y a pas identification de soi au particulier, que peut-on en dire ? Au jnani, vous pouvez dire n'importe quoi ; sa question sera toujours : « De qui parlez-vous ? » Il n'y a pas de personne en tant que telle. Tout comme vous ne pouvez rien dire de l'univers parce qu'il inclut toute chose, vous ne pouvez rien dire du jnani car il est tout et cependant rien en particulier. Il vous faut un clou pour y pendre votre portrait ; s'il n'y a pas de clou, à quoi sera accroché votre portrait ? Pour localiser une chose, vous avez besoin de l'espace, pour situer un événement, vous avez besoin du temps ; mais ce qui hors du temps et de l'espace défie toute saisie. Cela rend chaque chose perceptible, cependant cela reste au-delà de toute perception. Le mental ne peut pas connaître ce qui le dépasse mais il est connu par ce qui est au-delà de lui. Le jnani ne connaît ni naissance ni mort ; pour lui, l'existence et la non-existence sont identiques.
Q : Quand votre corps meurt, vous restez.
M : Rien ne meurt. Le corps n'est qu'imaginé. Il n'existe pas.
Q : Avant qu'un autre siècle ne passe, vous serez mort à tous ceux qui vous entourent. On couvrira votre corps de fleurs puis il sera brûlé et ses cendres dispersées. Ce sera votre expérience. Quelle sera la nôtre ?
M : Le temps sera venu à sa fin. C'est ce qu'on appelle la Grande Mort (mahamrityu), la mort du temps.
Q : Cela veut-il dire que l'univers et son contenu seront venus à leur fin ?
M : L'univers est votre expérience personnelle. Comment pourrait-il en être affecté ? Vous pouvez donner, pendant deux heures, une conférence ; quand elle est terminée, où s'en est-elle allée ? Elle s'est fondue dans le silence dans lequel le début, le milieu et la fin de la conférence se sont mêlés. Le temps est parvenu à un arrêt, il était mais il n'est plus. Le silence après une vie de bavardage et le silence après une vie de silence sont les mêmes. L'immortalité est la libération de la sensation « je suis ». Cependant ce n'est pas l'extinction. Au contraire, c'est un état infiniment plus réel, plus conscient, plus heureux que vous ne pouvez le concevoir. Seulement il n'y a plus de conscience de soi.
Q : Pourquoi la Grande Mort du mental coïncide-t-elle avec la « petite mort » du corps ?
M : Elle ne coïncide pas. Vous pouvez mourir d'une centaine de morts sans rupture dans le tumulte du mental. Ou vous pouvez conserver votre corps et ne mourir que dans le mental. La mort du mental est la naissance de la sagesse.
Q : La personne disparaît et le témoin demeure.
M : Qui reste pour dire : « Je suis le témoin » ? Quand il n'y a pas de « je suis », où est le témoin ? Dans l'état intemporel, il n'y a pas de soi dans lequel se réfugier. L'homme qui porte un paquet est anxieux à l'idée de le perdre, il est conscience-de-paquet. Celui qui chérit le « je suis » est conscience de soi. Le jnani ne s'attache à rien et on ne peut pas dire qu'il est conscient. Et, cependant, il n'est pas inconscient. Il est le cœur même de l'Éveil. Nous l'appelons digambara, l'habillé de l'espace, Celui qui est nu, Celui qui est au-delà de toute apparence. Il n'y a pas de nom ou de forme sous lesquels on puisse dire qu'il existe, et cependant, il est le seul qui est véritablement.
Q : Je ne peux pas le comprendre.
M : Qui le peut ? Le mental a ses limitations. C'est assez déjà que de vous amener à la frontière de la connaissance et vous mettre en face de l'immensité de l'inconnu. La plongée vous appartient.
Q : Et le témoin, est-il réel ou irréel ?
M : Il est les deux. Il est le dernier vestige de l'illusion, le premier aperçu du réel. Dire: « Je ne suis que le témoin » est à la fois vrai et faux : faux à cause du « je suis », juste à cause du témoin. Il est préférable de dire: « Il y a le regard-témoin ». L'instant où vous dites « je suis », l'univers entier naît, en même temps que son Créateur.