La Réalité fondamentale transcende la Conscience, transcende les trois états du devenir, de l'être et du non-être par Sri Nisargadatta Maharaj
Source : Sri Nisargadatta Maharaj « Je Suis » - Les Deux Océans – Paris
Q : Vous parlez de la personne (vyakti), du témoin (vyakta) et du Suprême (avyakta). Lequel vient en premier ?
M : Dans le Suprême apparaît le témoin. Le témoin crée la personne et la pense comme séparée de lui. Quand le témoin voit la personne apparaître dans la conscience qui elle-même apparaît dans le témoin, la réalisation de cette unité fondamentale est l'œuvre du Suprême. Il est la puissance derrière le témoin, la source d'où tout coule. On ne peut pas le contacter à moins qu'il n'y ait unité et amour, et une aide mutuelle entre la personne et le témoin, à moins qu'il n'y ait harmonie entre l'action, l'être et la connaissance. Le Suprême est à la fois la source et le fruit de cette harmonie. Pendant que je vous parle, je suis dans un état d'Éveil détaché mais affectueux (turiya). Quand cette Conscience se retourne sur elle-même, on peut l'appeler l'État Suprême (turiyatita). Mais la Réalité fondamentale transcende la Conscience, transcende les trois états du devenir, de l'être et du non-être.
Q : Ce que je ne comprends pas, c'est ce que vous entendez par aller au-delà de la conscience. Je comprends les mots, mais je ne parviens pas à me représenter l'expérience. Après tout, n'avez-vous pas dit vous-même que toute expérience est dans la conscience ?
M : Vous avez raison, il ne peut pas y avoir d'expérience en dehors de la conscience. Il existe, cependant, l'expérience d'être, simplement. Il y a, au-delà de la conscience, un état qui n'est pas inconscient. Certains le nomme Supra-Conscience, Pure Conscience ou Conscience Suprême. Il est Pur Éveil libéré du complexe sujet-objet.
Q : L'autre jour, nous parlions de la personne, du témoin et de l'absolu (vyakti, vyakta, avyakta). Pour autant que je m'en souvienne, vous disiez que seul l'absolu est réel, que le témoin est l'absolu même, en un point donné de l'espace et du temps, la personne étant l'organisme, grossier et subtil, qu'illumine la présence du témoin. J'ai l'impression de ne pas bien saisir ce problème ; ne pourrions-nous pas en discuter à nouveau ? Vous employez, aussi, les termes mahadakash, chidakash et paramakash. Quelles sont leurs relations avec la personne, le témoin et l'absolu ?
M : Mahadakash, c'est la nature, l'océan de l'existence, l'espace physique avec lequel nous sommes en contact par l'intermédiaire de nos sens. Chidakash (Chit), c'est la sphère de la conscience, l'espace mental du temps, de la perception et de la cognition. Paramakash, c'est la réalité hors du temps et de l'espace, sans mental, non différenciée, la potentialité infinie, la source et l'origine, la substance et l'essence, à la fois matière et conscience, les transcendant toutes les deux. On ne peut pas la percevoir, mais on peut en faire l'expérience comme vision éternelle du témoin, la perception du spectateur, l'origine et la fin de toute manifestation, la racine du temps et de l'espace, la cause première de toutes les séries causes-effets.
Q : Quelle différence y a-t-il entre vyakta et avyakta ?
M : Aucune. Comme entre la lumière et la lumière du jour. L'univers est baigné d'une lumière que nous ne percevons pas ; mais cette même lumière vous la voyez comme lumière du jour. Et ce que révèle cette lumière, c'est vyakti. La personne est toujours l'objet, le témoin toujours le sujet et la relation de leur dépendance mutuelle est le reflet de leur identité absolue. Vous imaginez que ce sont des états distincts et séparés. Ce n'est pas le cas. Ils sont la même conscience, au repos ou en mouvement, chaque état étant conscient de l'autre. Dans Chit, l'homme connaît Dieu, et Dieu connaît l'homme. Dans Chit, l'homme donne forme au monde, et le monde donne forme à l'homme. Chit est le lien, le pont entre les extrêmes, c'est le facteur d'équilibre et d'unification dans toute expérience. La totalité du perçu est ce que vous appelez la matière. La totalité de ceux qui perçoivent est ce qu'on appelle le mental universel. L'identité des deux, qui se manifeste comme perceptibilité et perception, harmonie et intelligence, objet d'amour et amour, est en perpétuelle affirmation de soi.
Q : Les trois gunas: sattva, rajas et tamas sont-ils dans la matière seulement, ou aussi dans le mental ?
M : Dans les deux, bien sûr, puisque les deux ne sont pas séparés. Il n'y a que l'absolu qui soit au-delà des gunas. En fait tout ceci n'est qu'opinion, manière de voir. Cela n'existe que dans le mental. Au-delà toutes les distinctions cessent.
Q : L'univers est-il un produit des sens ?
M : L'univers se déploie de la même façon que vous recréez le monde à votre réveil. Le mental, avec ses cinq organes de perception, ses cinq organes d'action, ses cinq véhicules de la conscience, nous apparaît comme mémoire, pensée, raison et identité.
Q : Les sciences ont fait beaucoup de progrès. Nous connaissons le corps et le mental bien mieux que nos ancêtres. Vos méthodes traditionnelles de description et d'analyse de l'esprit et de la matière ne sont plus valables.
M : Mais où sont vos savants et leur science ? Ne sont-ils pas, eux aussi, des images dans votre mental ?
Q : C'est là que se trouve la différence fondamentale. A mes yeux, ils ne sont pas projetés par moi. Ils existaient avant que je naisse, ils seront là quand je serai mort.
M : Il est sûr que dès l'instant où vous acceptez le temps et l'espace comme réels, vous vous considérez comme minuscule et éphémère. Mais sont-ils réels ? Dépendent-ils de vous, ou vous d'eux ? En tant que corps, vous vous situez dans l'espace, en temps que mental vous êtes dans le temps. Mais n'êtes-vous qu'un mental dans un corps ? N'avez-vous jamais poussé plus loin votre investigation ?