La destination est la transcendance
de connaissance et non-connaissance
par Sri Nisargadatta Maharaj

Source : À la source de la conscience - Les deux océans - PARIS



En vérité, votre état est la Félicité Absolue, pas cet état du monde du phénomène. Dans l'état du non-phénomène vous êtes félicité totale, mais vous n'en pouvez faire l'expérience. Dans cet état il n'y a ni misère ni malheur, seulement une pure félicité.
Shri Nisargadatta Maharaj
Au niveau ultime la Présence est dissoute. vous ne serez pas conscient quand la Présence devient Omniprésence.
Tout est Un. Il n'y a pas d'individualité.
Shri Ramakant Maharaj


Le Soi suprême est votre état naturel, il est au-delà du divin car il est la réalité finale, Il est la vérité éternelle présente dans les quatre états de veille, de rêve, de sommeil profond et de la conscience pure (turya). Si vous essayez de le connaître, il vous apparaîtra comme le néant car il ne peut pas être perçu. Il est là quand tous les concepts prennent fin mais il est quand même présent quand les concepts sont là ! Le mouvement subtil qui est ressenti dans le Soi immuable est appelé « conscience » ou « je suis ». Ce mouvement dans le Soi caractérise l'illusion. Le Soi est affublé de noms tantôt masculins, tantôt féminins et tantôt neutres, mais tous ces noms ne sont que des indications car il ne peut pas être perçu.
L'expérience « je suis » est existence, conscience et félicité (sat-chit-ananda). On lui donne aussi d'autres noms comme connaissance, Dieu ou Soi, etc. Mais ce qui existe éternellement, sans expression ou manifestation, est le Soi suprême (Para-brahman). Om, le son primordial, est aussi le « je suis », il est à la source des mantras. Ainsi le « je suis » est l'illusion primordiale.

Shri Siddharameshwar Maharaj


10 mars 1981

VISITEUR : Pourquoi l'identification change-t-elle continuellement ?

MAHARAJ : Au sein de la conscience, l'identification à un individu ne cesse de changer, mais cette identification une fois dépouillée il est possible de demeurer dans la manifestation.

V : Je peux donc atteindre l'Absolu tout en conservant ma conscience ?

M : Au sein de cet état il ne demeure rien susceptible d'être conscient, il n'est donc pas question, tant que la conscience est présente, d'atteindre cet état.

V : Mais il me semble que Maharaj vient de dire ...

M : Cet état est le moment où la connaissance est absorbée par la connaissance, et la connaissance n'est pas consciente d'elle-même. L'instrument se doit d'être là et cet instrument est la conscience. Au sein de l'état conscient, la conscience est consciente d'elle-même, mais dans l'état précédent l'apparition de la conscience qui peut se trouver là ? A l'aide de quel élément pourrait-il être conscient ?

L'état précédent la conscience est toujours là.
Il est le substrat de toutes choses.

Au sein de cet état, que rien n'a jamais souillé, il n'y a aucun conditionnement. Prenez l'exemple de l'espace. Dans l'espace il y a lumière et obscurité, mais l'espace est là qu'il y ait ou non lumière ou obscurité. De la même façon l'état précédent la conscience est toujours là. Il est là en cet instant, il est le substrat de toutes choses. Un Jnani est celui qui demeure au niveau de cet espace en dépit du corps et de l'intellect.

V : Y-a-t-il une pratique à suivre ou la méditation est-elle suffisante ?

M : Ne vous appuyez pas uniquement sur la méditation, vous devez posséder la confirmation d'être sans forme, sans dessin. Vous devez sans cesse insister : « Je suis sans forme, sans limite. Je suis libre, je suis non-conditionné ». Vous devez constamment marteler cette conviction, c'est cela la pratique.

V : Je suis de plus en plus fréquemment dissocié du corps-intellect. Le corps agit, moi je demeure en dehors. Je ne comprends pas ce qui m'arrive !

M : Il n'y a là rien de préoccupant. Vous devez posséder une solide conviction et cette conviction vous devez la mettre en pratique. Elle ne signifie pas seulement « Je suis », elle signifie aussi « Je suis libéré de Je suis ». Vous savez, sans mot, que vous êtes, soyez uniquement cela. Vous n'avez pas à penser ou imaginer quoi que ce soit. Avant de percevoir quelque chose vous devez d'abord être. Avant de méditer il vous faut d'abord être présent. Au premier instant du réveil, le matin, vous savez seulement que vous êtes, émergeant des profondeurs du sommeil profond pour atteindre l'état de veille et ensuite éprouver « Je suis ceci, je suis cela ». Restez avec l'être et laissez venir ce qui veut venir.

V : Pendant la méditation j'entends des sons, j'ai des visions !

M : Pour pouvoir entendre quelque chose il vous faut avant tout être présent. Cet état est un état de contact avec le divin mais il est beaucoup plus important d'être Vous-Même.

V : La peur est toujours là.

M : La peur est due à l'ignorance. Les sons ne sont pas extérieurs, ils sont une manifestation de la conscience. L'illumination divine est là à la condition que le Soi rayonne de sa propre évidence. Pour voir Dieu, il vous faut d'abord être là. Parvenir à connaître le connaisseur est difficile, c'est comme connaître une ville, ce n'est pas personnalisé, c'est seulement la manifestation.

C'est un état de non-savoir, un état complet, total, parfait.

Lorsque vous êtes ce simple état de conscience manifestée, c'est quelque chose comme un état d'un bleu profond. Vous êtes plongé dans cet état homogène d'un bleu foncé, profond. C'est le premier pas effectué dans l'être. Votre véritable identité est atteinte lorsque, de cet état du Soi homogène, bleu profond, brillant de sa propre évidence, vous passez dans l'état de non-connaissance. C'est un état de non-savoir, un état complet, total, parfait. Dans l'état « connaître », tout est incomplet, imparfait ; voilà pourquoi vous cherchez toujours à obtenir davantage. Mais même dans l'abondance, l'état de connaissance demeure incomplet.

V : Qu 'arrive-t-il au moment de la mort ?

M : Ce qui arrive, arrive à ceux qui savent que la personne est finie, morte. Il n'arrive rien à celui qui est fini et mort. Le corps est constitué de nourriture, le véritable Vous n'est pas dans ce corps. On peut dire beaucoup de choses, mais vous ne serez pas à même de recevoir ce que je pourrais dire. Supposons que je vous dise que si vous n'êtes pas, le Brahman n'est pas ... comprendrez-vous ? C'est à la suite de votre identification au corps que vous êtes tous obsédés par la mort. Comme vous pensez sans cesse à la mort, votre mort est certaine ! Mais si vous êtes le Soi il est hors de question que vous puissiez la rencontrer.



Premier juillet 1981

VISITEUR : Le sommeil profond est non-connaissance, l'Absolu est au-delà de la connaissance et de la non-connaissance, je ne comprends pas !

MAHARAJ : Pour commencer un enfant naît. Le bébé ne se connaît pas lui-même, les réactions de faim, de soif, etc, se produisent toutes seules, ce sont des éléments physiques. La vie est présente, mais à l'intérieur l'état de connaissance n'est pas encore développé, il n'est pas mûr. Après un an ou deux le petit enfant se connaît, connaît sa mère, etc. Quand l'enfant se connaît, sa fonction « connaissance » a donc débuté. Avant cela il y a ignorance : bien que ce soit de la non-connaissance, il s'agit d'ignorance. Puis la connaissance « Je suis » est atteinte. Elle ne sait pas qui est, elle sait simplement que ce qui est, est quelque chose. Plus tard l'enfant commence à entasser les concepts et les idées dont les autres le nourrissent et développe certains concepts, certaines images concernant le monde et lui-même. L'esprit se développe. Le sommeil profond et l'état de veille se succèdent, il y a ce cycle quotidien. Quel que soit votre état d'esprit au sein de l'état de veille vous percevez le monde ainsi que vos concepts, puis vous sombrez dans le sommeil. Techniquement, vous pouvez appeler ce sommeil profond non-connaissance, mais ce n'est pas la non-connaissance derrière laquelle repose l'Absolu.

Connaissance et non-connaissance sont deux aspects du corps.

Revenons à l'enfant : ignorance puis connaissance, accumulation de concepts, rencontre du Guru. Le Guru lui dit « Débarrassez-vous des concepts, soyez vous-même ! » Donc il dit que lorsque vous êtes, c'est seulement Vous qui êtes. C'est la découverte initiale : il faut simplement demeurer dans la conscience d'être, sans mot. C'est une compréhension, une connaissance. Quand l'enfant a commencé à se connaître c'était également une compréhension, mais une compréhension d'ordre général, commune à tous. A présent cela devient de la spiritualité. Le chercheur, ayant compris ce que le Guru a dit, se débarrasse de ses concepts et à présent - première étape - il s'attache à « Je suis », uniquement à l'être.

L'Absolu transcende connaissance et non-connaissance.

La première des choses est la connaissance « Je suis », sans mot. Avec cette connaissance le monde est. Ensuite, quand le chercheur entre en méditation, la connaissance devient non-connaissance. C'est le plus haut état qui puisse être atteint en possession d'un corps parce que connaissance et non-connaissance sont deux aspects du corps. Le corps signifie conscience et dans la conscience coexistent connaissance et non-connaissance.

L'Absolu transcende connaissance et non-connaissance. La non-connaissance est donc ce qu'il y a de plus élevé dans la hiérarchie de la spiritualité, la destination étant la transcendance de connaissance et non-connaissance.

V : Je croyais que la non-connaissance signifiait l'Absolu !

M :
Connaissance et non-connaissance sont les expressions de la conscience corporelle.
Lorsque l'instrument corps-de-nourriture conjoint à la conscience est totalement transcendé c'est l'Absolu.

La lumière est là, l'obscurité est là, mais quelle est la toile de fond, l'arrière-plan ? L'espace ! L'espace est là, il n'est ni la lumière, ni l'obscurité mais cet espace est. Il vous faut transcender lumière et obscurité pour résider dans l'espace. De la même façon il faut transcender connaissance et non-connaissance, les deux aspects de la conscience corporelle. Si vous avez atteint cet état vous observez, à la fois, conscience et non-conscience. Cet état est appelé samadhi naturel ou sahaja samadhi. C'est spontanément que vous atteignez cet état, mais l'instrument psychosomatique corps-conscience est toujours disponible. A l'instant où quelqu'un vient, l'instrument se met à fonctionner. Sitôt après vous retrouvez l'état Absolu. On peut dire que c'est quelque chose comme ça : dans un hall immense il y a une porte et dans la porte un petit judas pour regarder à l'extérieur. Ce judas est la conscience ; vous l'utilisez, mais vous demeurez à l'intérieur !

Supposez que vous soyez dans un de ces satellites qui quittent la terre. Une fois dans l'espace vous aurez l'impression d'avoir échappé à la terre, mais ce n'est pas le cas, vous demeurez sous l'influence de son attraction. Il vous faut monter beaucoup plus haut dans l'espace, là où il n'y a plus aucune atmosphère ! Mais à quoi servirait d'aller là-haut ? cela ne se passe pas comme cela. Vous êtes véritablement l'Absolu et vous ne possédez que ces protections, ces couvertures inutiles.

La destination est la transcendance
de connaissance et non-connaissance.

Vous savez que vous êtes, puis vous oubliez que vous êtes.
Cet oubli est non-connaissance, non-savoir, c'est l'état le plus haut.

Vous ne pourrez jamais le décrire en mots, cet état n'est jamais capturé par les mots.

La compréhension est indispensable et il ne faut pas se tromper. Supposons que vous viviez dans l'état de non-connaissance. Vous ne devez pas vous prendre pour un Jnani simplement parce que cet état dispose de multiples pouvoirs. Vous pouvez vous croire un Jnani, mais ce ne sera pas vrai, c'est un simple pas franchi. Ce stade est rempli de tentations. Quand vous êtes pure êtreté, qu'il n'y a plus de mots, alors vous êtes puissant. Mais il faut abandonner ces pouvoirs. Refusez de les posséder !





TAD NISKALA (Ce que je ne suis pas) par Shankaracharya




Om, je ne suis pas le témoin, l’intelligence, l’ego ni le mental, ni les oreilles ni la langue, ni les sens de l’odorat et de la vue, ni l’éther ni l’air.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne suis ni le prana ni les cinq souffles essentiels, ni les sept éléments du corps, ni ses cinq gaines, ni les mains, ni les pieds, ni la langue, ni l’action d’aucun membre.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Pas de peur, d'avarice ou d'ignorance, pas de préférence, aucune fierté ni ego, ni dharma ou Libération, je ne suis ni le désir ni l’objet du désir.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne connais ni plaisir ni haine, ni vertu ni vice, ni mantra ni espace sacré, pas de Védas ni de sacrifice. Je ne suis ni le mangeur ni la nourriture ni l’acte de manger.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je ne connais ni la peur, ni la mort, ni différence de caste, ni père, ni mère, pas de naissance, ni ami, ni camarade, ni disciple, ni gourou.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !


Je n’ai ni forme ni besoin, omniprésent j’existe partout, pourtant je suis au-delà des sens, je ne suis ni le salut ni quelque chose de connaissable.
Je suis éternelle extase et conscience sans limite. Je suis Shiva !
Je suis Shiva !