SAKTI-SUTRA
Source : Sakti-sutra – Les aphorismes sur l'énergie d'Agastya (traduit par Jean Papin – Almora)
Voici les stances sur l'Énergie, la Sakti, composées par le Rsi Agastya
1. Voici donc ces aphorismes concernant l'Énergie primordiale.
2-6. On doit savoir qu'elle est le dynamisme et que ce mouvement est a-causal, le non-né. Ce qui signifie sans contenu, hors du temps et de l'espace. C'est le présent immédiat. Conforme à cet état de fait, elle le dépasse cependant.
7-8. En effet, cette Énergie unificatrice est le fondement invisible de l'harmonie universelle (dharma), mais aussi de tout ce qui apparaît.
9-10. Elle constitue le lien ; et quand elle devient objet de pensée, elle est vouée à l'occultation.
11. Le son est son siège et le signe qui la caractérise.
12-13. En s'infléchissant vers la pluralité, c'est elle encore qui assure le devenir.
14-16. Insécable dans les apparences (l'univers manifesté), elle imprègne les êtres et les choses et même les contrôle, de sorte qu'elle est, à la fois, transcendante et immanente.
17-20. De même nature que Visnu, l'Immanent, et par conséquent pénétrant tout ce qui se meut dans l'univers, jusqu'aux formes les plus insignifiantes, du multiple et de l'Un qui est son contraire elle fait une totalité indivise, grâce à son libre mouvement.
21-23. Ainsi, le visible et l'invisible, tout ce que l'on désigne comme pouvant être, possède cette même nature fondamentale.
24-26. Dans la dualité, caractérisée par la détermination, le mode de fonctionnement de l'Énergie devient alors la négation qui est l'apanage de l'activité.
27-31. Sa forme propre se définit comme pure volonté, connaissance totale et activité créatrice, jamais comme non-être statique. Son siège est l'Être. Elle est une houle incessante, l'Être lui-même.
32. Maintenant, faisons un examen de la condition contingente de l'être vivant :
33-41. L'Énergie (et l'Être même) se dissimule dans le conditionnement qui est son « expression », si bien que les êtres déficients, privés de cette connaissance désormais estompée, se satisfont de la naissance et de la mort toujours recommencées. Telle est la ronde du devenir, le samsara, semblable à la toile de l'araignée, il se développe similairement à l'infini et cet accomplissement est un achèvement ; c'est le caractère même de la Réalité.
42-44. Ainsi, la connaissance objective intériorisée constitue l'épanouissement de la Toute-conscience qui peut alors être discernée perpétuellement, de disparitions en disparitions (des mondes).
45-46. Ce qui vient à l'existence se compose d'éléments grossiers et il faut savoir que tout cela est soumis au changement.
47-49. Ainsi, pour qui connaît la vraie nature des choses, les pétales de lotus bleu ne contiennent pas de substance adhérente. Et il en est de même pour les fleurs qui ont un parfum.
50-54. Celui qui se trouve délivré des contraintes du conditionnement, comme celui qui subit la servitude du monde manifesté, tout cela n'est que le jeu frémissant de l'Énergie. Finalement, il s'agit d'une émanation spontanée. Elle se déploie vers l'extériorité, mais il n'est nullement question d'une dégradation.
55-57. Cet enseignement nous est transmis de longue date. L'être vivant, confus et agité, se voit privé du Ciel-de-Lumière.
58-59. Grâce à son intensité incessante, l'énergie d'activité est, en soi, inaltérable.
60-63. La délivrance des entraves procure un grand soulagement. Et il faut toujours avoir à l'esprit qu'il est possible de réaliser la nature trompeuse des phénomènes, et que l'individu imprégné du poison de la dualité ne possède qu'une perception amoindrie.
64. Pour ceux qui ont l'aptitude, la voie de l'unification s'impose ; c'est celle du yoga.
65. A ceux qui optent pour la jouissance du monde, cette jouissance leur adviendra.
66-69. Nous avons la capacité de nous libérer de la servitude du déterminisme qui nous échoit et de l'agitation du devenir, car, en vérité, c'est une non-existence ; celle-ci doit suivre néanmoins sa courbe naturelle.
70-73. Mais si l'on inverse la situation, on atteint le but suprême. Réalité recouverte d'artifices et réalité dévoilée, à la fois causale et a-causale, sous sa double marque caractéristique, telle se présente l'Unique Réalité : une énergie fabuleuse !
74-75. Si elle subjugue et rend captif à l'instar d'une maîtresse plongée dans l'égarement, elle peut aussi devenir l'instrument qui permet de surmonter ce conditionnement.
76-78. Telle magicien qui fait germer la semence (à l'image d'Indra, créateur d'illusion), elle n'a pas d'origine. Par nature, elle est sans attribut.
…
107-109. Celui qui possède la Connaissance des Veda et celle de la Nature essentielle des choses, celui-là atteint le but, il obtient l'absorption dans l'Absolu (Brahman) et s'identifie à cet Absolu.