ALLEZ À LA SOURCE
D'OÙ TOUT COMMENCE
par Ranjit Maharaj

Source : « Je ne parle que de vous. » par Ranjit Maharaj – Les Deux Océans (Paris)

Tout d'abord retrouvez le « je suis », le dénominateur commun aux êtres et à toute la création, en exerçant votre discernement avec persévérance, puis comprenez l'origine de ce facteur commun, vous trouverez alors qu'il vient du zéro et que vous ne pouvez pas être cela. La réalité que vous êtes est au-delà de ce point zéro.

Visiteur : Mon mental est toujours agité, que faire ?

Maharaj : le mental est toujours agité car il veut penser constamment. Il est comme l'eau toujours en mouvement. Les pensées apparaissent et disparaissent mais vous n'êtes pas le mental. Quand vous dormez, le mental dort mais dès qu'il se réveille, les pensées surgissent automatiquement. Vous devez savoir ce qu'est le mental car si vous comprenez vos pensées, c'est-à-dire votre mental, alors vous pourrez comprendre ce que vous êtes, sinon c'est impossible. Quel genre de pensées vous vient à l'esprit ?

Visiteur : Je pense à mon travail ou à tout ce que j'ai à faire, à tout ce qui va se passer. .. J'ai l'impression de vivre dans le futur.

Maharaj : Tout le monde vit dans le futur, vous devez apprendre à votre mental à ne pas trop penser. Pourquoi le mental pense-t-il autant ? Parce que vous considérez tout comme vrai : le monde est réel et moi-même suis réel, vous en êtes tellement persuadé. Quel est votre nom ?

Visiteur : « Mary ».

Maharaj : Mary est-elle réelle ? Y a-t-il un endroit quelconque de votre corps où l'on peut situer Mary ? Vous pensez beaucoup plus à ce que vous n'êtes pas qu'à ce que vous êtes réellement. C'est ça le mental, il pense toujours à ce qui n'existe pas. A votre naissance, vous ne saviez rien. Avant de naître, vous n'aviez pas de nom. Vous êtes née simplement, sans même savoir que vous étiez une enfant. Vous aviez seulement le sentiment d'exister : « je suis là ». Ce « je » est ego, rien d'autre. Vous devez savoir qui « je suis ». Comme il est dit dans la Bible : « Connaissez-vous vous-même et vous connaîtrez le monde ». Le monde est vaste, comment connaître tout et tous ? Cherchez d'abord en vous-même, allez à la source d'où tout commence. Où est l'origine du monde ? Le monde commence quand vous vous réveillez, quand vous dormez, il n'y a ni monde ni Mary, vous oubliez tout mais au réveil vous dites instantanément : « oh! Je suis Mary ».

Dans votre petite enfance, vous n'étiez attachée à rien, vous étiez incapable de dire votre nom, mais vos parents vous l'ont fait répéter jusqu'à ce qu'il s'imprime en vous. L'enfant qui voit la mer s'exclame : « c'est de l'eau ! » mais on lui répond que ce n'est pas de l'eau, que c'est l'océan. Il l'accepte et cela s'imprime définitivement dans son mental. C'est pourtant de l'eau mais il faut toujours que vous nommiez les choses. Est-ce que cette table vous a déjà dit : « je suis une table » ? C'est vous qui le dites, mais en fait ce n'est rien d'autre que le pouvoir. Si vous y mettez le feu, elle disparaît en une seconde. Elle vient du zéro et retourne au zéro. Allez à l'origine, à son commencement. Si vous allez à la source, la chose elle-même disparaît. Vous considérez comme vrai ce qui ne l'est pas, donc le mental ne pense évidemment qu'à ce qui est faux. Dans le sommeil, votre corps et votre mental dorment, vous allez au point zéro. Là il n'y a rien, dites-vous, mais il y a bien quelque chose qui vous dit qu'il n'y a rien : c'est le pouvoir.

Discernez donc ce que vous êtes de ce que vous n'êtes pas. Vous n'êtes ni le corps ni le nom qui lui a été donné. Si on vous avait appelée Élisabeth, vous seriez devenue Élisabeth. Il n'y a rien dans un nom. Changer de nom ne vous change pas, vous êtes ce que vous êtes. Trouvez d'abord qui « je suis ». Le mental est un concept, rien de plus ; il n'est que ce que vous dites. Si vous affirmez : « je suis Mary », alors vous êtes Mary. Le nom ne peut pas être la réalité, il vous faut donc aller à la source. Si vous allez à la source de la rivière, la rivière existe-t-elle encore ? Quand vous allez à la source de vous-même, vous disparaissez aussi. Cette source c'est le pouvoir. Par exemple, l'électricité est le pouvoir, et lorsqu'elle est connectée à l'ampoule, la lumière apparaît. Le pouvoir électrique ne sait pas qu'il produit la lumière. De même, dès que le pouvoir pénètre le corps, la connaissance apparaît. Si vous touchez l'électricité, vous mourez, mais si vous touchez la connaissance, c'est la connaissance elle-même qui disparaît. Vous êtes au-delà de la connaissance, car la réalité est au-delà de la connaissance et de l'ignorance. Si vous comprenez ce qu'est la connaissance, elle disparaît et vous seul demeurez.

La connaissance n'a aucune valeur, elle n'est rien d'autre que votre ego. « Je sais, c'est moi qui fais tout, etc. », mais tout cela se passe dans un rêve. Qui est l'agissant ? Personne. Dès que vous branchez un ordinateur, un ventilateur ou tout autre appareil électrique, ils se mettent en marche automatiquement mais est-ce que l'électricité dit : « c'est moi qui produis cela » ? Elle est le pouvoir tout simplement. De même, dès que le pouvoir est connecté au corps, la connaissance survient et l'ego s'immisce. « Je sais, je comprends », le « je » est là quand vous dites : « je sais ». L'essentiel est donc de comprendre qui « je suis ». Dites comme Socrate : « je sais que je ne sais rien ». Ce que vous connaissez n'est rien et vous ne pouvez pas connaître la réalité pour la bonne raison que vous êtes la réalité.

Visiteur : Pourquoi toutes les religions parlent-elles de destin ?

Maharaj : Parce qu'elles ne savent pas, elles ignorent le sens profond de leur propre enseignement. Ce qu'elles enseignent est faux, je vous le dis ! Il faut d'abord être la réalité avant d'enseigner.

Visiteur : Tous les gens qui sont ici ont une certaine éducation et peuvent comprendre la philosophie, mais quant à en faire l'expérience, c'est tout à fait autre chose.

Maharaj : Si vous expérimentez que tout est faux, que tout est illusion alors vous pourrez comprendre « qui je suis ». Quand tout est illusion, comment pourrait-il y avoir une destinée ? Le créateur du monde est lui-même illusion. Vous semblez agir dans votre rêve alors que vous ne faites rien. Qui est le créateur du rêve, pouvez-vous le trouver ? Il n'y a personne, rien d'autre que votre concept, pourtant une multitude de choses se déroulent dans le rêve. Maintenant, on peut se demander qui est à l'origine du concept ; le concept vient de l'ignorance.

Visiteur : Comment est-ce possible ? Au contraire, plus vous êtes instruit, plus vous avez de concepts et de pensées.

Maharaj : L'ignorant a beaucoup de concepts, c'est bien le problème. Tout ce que vous croyez avoir compris jusqu'à présent est faux. Le mental doit être transformé et c'est ce que fait le maître. Vous êtes et avez toujours été libre, mais vous vous croyez enchaîné, alors, que faire ? Je dis toutes ces choses parce que vous vous êtes oublié, mais en fait, qui suis-je pour vous donner la libération ? Un enfant va à l'école s'il est ignorant ; s'il ne l'est pas, il n'a nul besoin d'y aller. En marathi, on raconte l'histoire d'un sage qui avait un fils de quatorze ans qui n'allait pas encore à l'école. Sa femme insistait beaucoup pour qu'il y aille afin d'acquérir les connaissances du monde et le sage finit par céder. Dès le premier jour d'école, l'enfant composa 1500 vers à partir du premier vers qu'on lui avait appris ; Om Nama Siddha (devant la vérité, je m'incline). Le sage demanda alors à sa femme : « peut-on lui apprendre encore quelque chose ? » Si votre mental est nourri de ce qui est faux, il est difficile de le changer. En un sens, il devrait être comme une page blanche, ouvert, pour pouvoir accepter facilement.

Visiteur : Les expériences provenant de la méditation sont-elles aussi une illusion ?

Maharaj : Oui, oui, tout est illusion. La connaissance que vous avez, joue avec elle-même. Ce que vous percevez n'est rien d'autre en définitive que la connaissance. Quand vous vous souvenez de vous-même en tant qu'individu, vous oubliez la réalité et le « je » apparaît. Il faut oublier le « je » pour que la réalité soit. Vous voulez percevoir la réalité mais c'est impossible car dès que vous voulez la comprendre, le mental s'immisce. Puisque vous êtes Elle, qu'y a-t-il à accomplir ou à ne pas accomplir ? Tant de choses sont imprimées dans votre mental, comment pouvez-vous les abandonner ? Quand le maître vous dit que vous êtes la réalité, le croyez-vous ? Les musulmans disent une chose et les hindous une autre, chacun à ses idées. Qui a raison ? Personne, parce que tout cela n'est rien. Si l'être réalisé est témoin d'un meurtre et qu'on lui demande ce qui s'est passé, il dira : « je ne sais rien », car il comprend que celui qui est tué et le tueur sont tous deux la réalité. Alors, que faire et que dire ? Il ne s'est rien passé, tout est faux. Mais vous persistez à dire que tout est réel. Les yeux ne voient toujours que le faux, c'est ainsi ! Quand vous voyez un rêve se dérouler, vous avez les yeux fermés, une pensée surgit et le rêve se déploie. Avec quels yeux avez-vous vu le rêve ? Quand vous comprenez, le mental est satisfait et il est libre de tout concept. Le mental s'occupe toujours des autres au lieu de s'occuper de lui-même. S'il se tournait vers la réalité, il n'existerait plus. Vous parliez tout à l'heure de votre mental agité : le mental n'existe pas, mais pourtant il fait du bruit, il est toujours agité car vous pensez toujours à ce qui est faux. Un mensonge en entraîne des centaines. Celui qui comprend dit : « je n'ai rien vu, je ne sais rien ». Quand bien même vous le lui demanderiez cent fois, il répéterait : « je n'ai rien vu ». Ce dont vous êtes témoin est toujours faux, tout ce que vous voyez et percevez est faux. Les yeux ne voient pas dans l'obscurité mais le pouvoir qui est en vous peut voir dans la lumière comme dans l'obscurité. C'est par le pouvoir que vous voyez et non par les yeux. Comprenez le pouvoir qui est en vous, comprenez avant tout « qui je suis », alors le paradis vous sera donné, mais vous devez tout d'abord mourir. Ce « vous » ne signifie pas le corps car le corps ne peut atteindre le paradis. Le corps vient du néant et retournera au néant. Le paradis n'est pas dans les cieux, il est en vous car tout a son origine en vous.

Le mental pense constamment mais si la compréhension le pénètre, il devient silencieux. L'enfant qui n'arrête pas de pleurer se calme quand on lui donne des chocolats, il est satisfait et il oublie alors ses pleurs. S'il est nourri de pensées justes, le mental s'arrête naturellement. Mais il se trouve qu'il est toujours attiré par les pensées illusoires. Si vous comprenez votre mental, il pourra vous conduire vers la réalité. C'est par le biais du mental que les êtres réalisés ont compris : « je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela ». L'aliénation et la libération sont également l'œuvre du mental. Pourquoi désirez-vous la libération ? C'est inutile, car vous n'avez jamais été enchaîné et vous ne le serez jamais. C'est par la grâce du maître que vous pouvez comprendre cela. Mon maître, Siddharameshvar Maharaj, m'a donné cette compréhension mais vous devez avoir le profond désir de comprendre. Toutes les religions soulignent la nécessité de se connaître soi-même. Kabir dit : « A quoi bon visiter les lieux saints si vous ne vous connaissez pas vous-même. » Lorsque vous comprenez, tout lieu devient sacré car la réalité est en tout et partout, elle est en tous. Chaque bulle à la surface de l'océan n'est rien d'autre que l'océan. Il n'y a rien à faire, il suffit de comprendre. Brisez donc la gangue de l'ego et vous êtes la réalité, sortez de la spirale de l'ignorance. Vous naissez dans l'ignorance et mourez dans l'ignorance. Ignorance signifie : néant, zéro. L'espace est néant, et tout naît dans l'espace, rien ne pourrait exister s'il n'y avait pas d'espace mais le Soi est au-delà de l'espace, au-delà de tout concept. Si vous vous comprenez vous-même, le mental est alors libre de tout concept. Vous affirmez que le monde est réel, mais les sages disent : « Le monde n'est pas vrai » ; là est la différence. Le monde peut-être bruyant et agité, mais celui qui comprend n'est pas affecté par quoi que ce soit, il demeure en paix.

Visiteur : Y a-t-il un monde de l'esprit quand le corps disparaît ?

Maharaj : Le pouvoir est là, mais il n'est pas la réalité. Le pouvoir fait apparaître des dieux et des démons et même s'ils semblent exister, ils ne sont pas réels. Le Dieu créateur est ce pouvoir, c'est-à-dire la connaissance mais seule la réalité est et sur elle se surimpose tout ce que vous voyez et percevez. Il n'y a pas d'immeuble sans fondations ...

Visiteur : Les religions parlent de la vie après la mort : s'agit-il simplement d'un concept ?

Maharaj : Oui, ce n'est que votre désir. Certains maîtres vous disent : « faites ceci, faites cela », mais cela n'est pas juste car il faut tout d'abord se connaître soi-même. Tout est faux mais vous, vous êtes vrai. Vous, sans le « vous », êtes la réalité. Combien de temps faut-il pour se connaître ? Je ne suis pas d'accord avec les maîtres qui disent : « Faites ceci, faites cela et la compréhension vous viendra un jour » car vous êtes toujours vous-même. Par exemple, son nom est Bob. Supposons qu'il soit sous l'emprise de l'alcool, il délire et fait n'importe quoi. Quelqu'un qui passe par là, lui donne une bonne gifle pour lui faire reprendre ses esprits et il revient immédiatement à lui. Ce que le maître dit est comme cette gifle : vous pouvez comprendre sur le champ. Connaissez-vous cette histoire ? Dix hommes traversaient une rivière à la nage, et lorsqu'ils atteignirent l'autre rive, l'un d'eux se mit à compter pour vérifier si tout le monde était présent. Il ne trouva que neuf personnes. Puis, les autres se mirent tous à compter et recompter, et arrivèrent aussi à la même conclusion : quelqu'un s'était perdu, noyé dans la rivière. Un sage qui passait par là entendit les lamentations de ces hommes. Ils lui racontèrent ce qui s'était passé. Le sage leur fit alors remarquer qu'ils étaient bien dix, et pour preuve, il ordonna à l'un d'entre eux de recompter. Ce dernier annonça le même résultat : neuf. Mais le sage lui donna une bonne gifle qui lui fit comprendre instantanément qu'ils n'étaient pas neuf mais dix. L'homme se reprit alors et s'exclama : « Oh, j'ai trouvé le dixième ! » C'est quand vous vous oubliez vous-même que tous les problèmes surgissent. Quand vous êtes inconscient, le docteur vous fait une piqûre et vous revenez à vous, n'est-ce pas ? Revenir à vous-même peut être très facile si vous vous débarrassez des pensées erronées accumulées dans votre mental. Je ne partage pas l'avis de ceux qui affirment que cela prend du temps, voire de nombreuses renaissances. En fait, vous ne vous oubliez jamais où que vous alliez dans le monde et je vais même jusqu'à dire que si votre corps est emporté au cimetière, vous êtes toujours, vous ne mourez pas.

Tous les êtres sont les mêmes, même si la couleur de peau est différente : tout le monde mange, respire le même air et boit de l'eau ... Les cinq éléments sont la base nécessaire. Sans le souffle, personne ne peut exister. Quand la compréhension survient, l'unité pénètre le mental ; il n'y a plus alors de dualité. Les différences et les séparations sont l'œuvre du mental alors que tous sont la seule et unique réalité.

Bombay - 22 décembre 1997