L'Asthâvakra-gîta

Source : L'Asthâvakra-gîta (Asthâvakra était un sage vivant avant le VIIe siècle) traduction Jacques Vigne


Chapitre 2 - La joie de la réalisation du Soi

janaka dit :

1 - Oh ! Je n'ai rien fait d'autre, depuis si longtemps, que d'être berné par l'illusion ! En fait, je suis immaculé, paisible, je suis la Conscience qui est au-delà de la nature.

2 - De même que je ne perçois ce corps qu'à travers le filtre de ma Conscience, de même je perçois le monde. Ce monde est donc moi ou au contraire, rien n'est à moi.

3 - Quelle merveille ! Au moment même où j'abandonne l'univers ainsi que le corps, en m'appuyant sur certains moyens habiles, je parviens à la vision du Soi suprême !

4 - De même que les vagues, l'écume et les bulles ne sont pas différentes de l'eau, de même l'univers qui émane du Soi n'est pas différent de Lui.

5 - Le tissu, quand il est analysé, se résume à des fils, de même cet univers est constitué en dernière analyse seulement du Soi.

6 - De même que le sucre du jus de canne est pénétré par ce jus, de même l'univers, produit de ma conception mentale, est pénétré par le moi.

7 - Quand on ignore le Soi, le monde apparaît, quand on le connaît, il disparaît. Quand on ne reconnaît pas la corde, le serpent apparaît, quand on la reconnaît, il disparaît.

8 - La lumière est mon expression propre, je n'en suis pas séparé. Quand l'univers voit le jour, c'est moi-même qui resplendis.

9 - Hélas ! L'univers est imaginaire, il est dû à mon ignorance, il apparaît en moi comme l'argent sur la nacre, le serpent à la place de la corde ou comme l'eau dans un rayon de soleil (par effet de mirage).

10 - De même qu'un pot finit par redevenir de l'argile, une vague de l'eau, un bracelet de l'or, de même l'univers qui a émané de moi se dissoudra certainement de nouveau en moi.

11 - Quelle merveille je suis ! Salutations à moi, pour qui il n'y a pas de destruction ! Je reste tel que je suis, même au moment de la destruction du monde entier (de Brahma jusqu'à une motte de terre).

12 - Quelle merveille je suis ! Salutations à moi, bien qu'ayant un corps, je suis seul, je ne vais ni ne viens nulle part, j'existe et ma présence pénètre tout l'univers.

13 - Quelle merveille je suis ! Salutations à moi, il n'y a personne d'aussi habile que moi : j'ai engendré cet univers de toute éternité sans même entrer en contact avec lui par le corps !

14 - Quelle merveille je suis ! Salutations à moi, qui n'a rien ou qui a tout ce qu'on peut évoquer par la pensée ou la parole.

15 - La connaissance, l'objet connu ainsi que celui qui connaît, cette triade n'existe pas en réalité. Je suis Cela, immaculé, sur lequel se projette par ignorance cette triade.

16 - Hélas ! Toute cette misère est fondée sur la dualité. Il n'y a pas d'autre remède à ce mal que ce que j'ai déjà mentionné. Tout cela, tout ce qu'on voit, est irréel. Je suis pur, je suis l'Un, constitué de l'essence de la Conscience.

17 - Je suis seulement Conscience ; mais à cause de l'ignorance, j'ai été couvert de voiles (upadhi) imaginaires ; en ramenant constamment mon attention à cela, je parviens à un état qui ne connaît pas la différenciation.

18 - Je n'ai ni servitude ni libération. L'illusion, n'ayant plus de base, s'est apaisée. Quelle merveille ! L'univers semble situé en moi, mais en réalité, ce n'est pas le cas.

19 - Nous en sommes arrivés à la conclusion que cet univers, ainsi que le corps, n'est rien. Le Soi est Conscience. Sur quelle base alors peut-on imaginer que cet univers existe ?

20 - Le corps, le ciel et l'enfer, la servitude et la liberté de même que la peur, tout cela n'est que pure imagination. Pour moi qui suis de la nature de la Conscience, que reste-t-il à faire ?

21 - Quelle merveille ! Je ne vois aucune dualité : même au milieu de la foule, tout est devenu comme une forêt solitaire. Où seront pour moi les occasions d'attachement ?

22 - Je ne suis pas le corps, le corps ne m'appartient pas, je ne suis pas l'âme individuelle finie, je suis Conscience uniquement ; ce qui me liait, c'était en réalité cet attachement à vouloir poursuivre mon existence.

23 - Oh ! En moi qui suis l'océan sans limites, lorsque le vent de l'esprit s'est levé, les vagues de mondes sont immédiatement apparues.

24 - Oh ! En moi qui suis l'océan sans limites, quand le vent du mental a cessé de souffler, le navire qui appartenait à ce marchand appelé « âme individuelle » a été malheureusement détruit.

25 - Que c'est merveilleux ! En moi qui suis l'océan sans limites, les vagues des sois individuels s'élèvent spontanément, se heurtent les unes aux autres, et se dissolvent de nouveau dans la masse.


Chapitre 6 - La connaissance supérieure

Janaka dit :

1 - Il n'est pas question de détachement, de saisie ni de dissolution pour celui qui sait qu'il est infini comme le ciel, et que ce monde est le résultat d'une fabrication tout comme un pot de terre.

2 - Il n'est pas question de détachement, de saisie ni de dissolution pour celui qui sait qu'il est le grand océan dont l'univers phénoménal n'est qu'une vague.

3 - Il n'est pas question de détachement, de saisie ni de dissolution pour celui qui sait qu'il est comme le lac et que le monde est imaginaire comme le reflet argenté qu'on distingue à la surface de la nacre.

4 - Et il n'est pas question non plus de détachement, de saisie ni de dissolution pour celui qui sait qu'il est dans tous les êtres et que tous les êtres sont en lui.