Annamalai Swâmî (disciple de Shrî Râmana Maharshi)
Source : « Comme une montagne de camphre » édition Nataraj
A.S. : La veille, le rêve et le sommeil profond sont comme un long rêve se déroulant dans la conscience. Si nous voyons un rêve et sommes impliqués dans ce rêve, tous les événements que nous voyons semblent réels pendant la durée du rêve. Mais quand nous nous réveillons, le rêve disparaît et nous réalisons que jamais rien ne s'est réellement passé en dehors de notre mental. Quand vous vous éveillez à la conscience réelle, tous le processus de veille, rêve et sommeil disparaît comme le rêve de la nuit précédente. Vous comprenez immédiatement que cela n'a jamais été réel. Maintenant, en cet instant même, parce que nous sommes ignorants du Soi, nous rêvons ce monde et imaginons qu'il est réel. Nous sommes si absorbés dans le rêve que nous croyons qu'il est l'unique réalité.
Cette vie de l'état de veille n'est qu'un long rêve qui empêche notre attention de se porter sur ce que nous sommes réellement. Si vous adoptez l'attitude de considérer que tous les événements du monde sont des événements de rêve, votre mental s'apaise. C'est seulement lorsque vous prenez ce monde de rêve pour une réalité que vous vous agitez.
Q : Je ressens fortement que la vie est un long rêve mais je n'arrive pas à voir à travers le rêve. C'est comme cela depuis des années.
A.S. : Si vous croyiez vraiment que toute la vie est un rêve, jamais rien au monde ne vous dérangerait. Si vous avez encore des problèmes et des soucis, comme de ne pas arriver à voir à travers le rêve, cela signifie que vous n'avez pas encore complètement cessé de vous identifier avec ce qui apparaît temporairement dans votre conscience. Vous devriez rechercher « Qui n'arrive pas à percer le rêve. »
Le vrai « Je » ne s'identifie pas au rêve. Si vous n'oubliez pas votre véritable Soi., la veille, le rêve et le sommeil ne vous affectent pas. Les choses autour de vous changent tout le temps, mais ce que nous sommes réellement demeure immuable. La pure existence, « Je suis » sans attribut ni adjonction, est commune à tous. Personne ne peut nier sa propre existence. Ce « Je suis » est sans limites, mais quand nous l'identifions à tort avec le corps et le mental, et que nous créons une identité limitée pour nous-mêmes, la souffrance commence. C'est seulement dans cette vie humaine que les trois états de veille, de rêve et de sommeil sont fournis avec le sens de quelque chose qui les dépasse, quelque chose que l'on peut expérimenter et vivre.
Nous voyons un rêve, et cependant, au moment du réveil, le rêve disparaît et nous existons dans l'état de veille. Au moment où nous allons dormir, le monde entier disparaît. En observant ces trois états, nous en venons à comprendre que c'est leur nature d'apparaître et de disparaître. Si nous poursuivons notre investigation en examinant minutieusement la nature de cette chose appelée mental, nous pouvons faire l'expérience directe que ce que nous sommes réellement est pure conscience. Quand nous cessons de nous identifier avec le corps et le mental, nous prenons conscience du fait que cette pure conscience est inaffectée par tous les changements et événements qui semblent avoir lieu en elle.
Le seul but de la vie est d'apprendre comment demeurer dans cette conscience. Nous devons apprendre à rester en turîya, le quatrième état, notre état originel qui est le témoin des trois autres états.
S'adonner à n'importe quelle forme de sâdhanâ sans d'abord comprendre que le soi individuel est inexistant, c'est de la complaisance envers soi-même. C'est une forme de divertissement spirituel dans lequel le « Je » illusoire se moque de lui-même. Le saint Tâyumânavar dit une fois : « Pourquoi tous ces mahâ yogas (grands yogas) ? Tous ces yogas sont mâyâ ! »
Si vous essayez de méditer sans comprendre que votre nature réelle est le Soi, uniquement le Soi ; votre pratique de la méditation ne fera que vous amener à plus d'asservissement mental.
Bhagavan dit une fois : « Pour maintenir le mental dans le Soi, tout ce que vous avez à faire, c'est rester tranquille. » Pour réaliser le Soi, vous n'avez effectivement rien d'autre à faire que de rester tranquille. Cessez simplement de vous identifier avec le mental et cramponnez-vous au Soi, cela suffit. Restez tranquille et cultivez la conscience : « Je suis le Soi ; le Soi est tout. » Quelles difficultés peuvent bien découler d'une simple pratique comme celle-ci ?
Q : Le mental ne veut pas qu'on l'ignore. Il aime tournoyer sans cesse. Je suis venu vous voir parce que je pensais que vous pourriez peut-être m'aider à acquérir un certain contrôle de mes pensées rebelles.
A.S. : « Qui est venu ici chercher de l'aide ? » Découvrez qui est cette personne. Ne tenez pas pour forcément établi qu'elle existe et qu'elle a besoin d'aide pour ses problèmes. Si vous pensez de cette façon, vos problèmes vont augmenter, et non diminuer.
S'identifier avec le corps et le mental entraîne l'ignorance du Soi. C'est la manière dont l'ego voit le jour. Se détacher du corps et du mental et s'en défaire entraîne la mort de l'ego. Un jour Bhagavan m'a dit : « Celui qui limite le Soi en se prenant pour le corps et le mental a tué son propre Soi. Pour avoir tué le Soi, il doit être puni. La punition est naissance et mort, et souffrance continuelle. »
Q : La fin de la souffrance est-elle déterminée par le prârabdha karma, ou bien peut-on avancer sa venue par l'effort personnel ?
A.S. : La souffrance ne prend fin qu'en réalisant le Soi. Rien d'autre ne saurait y mettre un terme.
Q : Cela peut-il arriver n'importe quand ?
A.S. : Ici et maintenant vous êtes déjà le Soi. Vous n'avez pas besoin de temps pour réaliser le Soi ; tout ce dont vous avez besoin, c'est la compréhension juste. Chaque fois que vous vous identifiez avec le corps et le mental, vous allez dans la direction de l'ego et de la souffrance. Au moment où vous renoncez à cette identification, vous êtes en marche vers votre Soi réel, vers le bonheur.
Q : Nous sommes habitués à faire des distinctions entre les choses. Vous dites : « Méditez que vous êtes le Soi. » Si j'essaye de cultiver ce sentiment « Je suis le Soi », ce ne sera pas la chose réelle. Ce ne sera qu'une autre idée dans le mental. Est-ce que le fait de penser à cette idée peut réellement m'aider ?
A.S. : Quand je dis : « Méditez sur le Soi », je vous demande d'être le Soi, pas d'y penser. Soyez conscient de ce qui demeure quand les pensées s'arrêtent. Soyez conscient de la conscience qui est l'origine de toutes vos pensées. Soyez cette conscience. Sentez que c'est ce que vous êtes réellement. Si vous faites cela, vous méditez sur le Soi. Mais si vous ne pouvez pas vous stabiliser dans cette conscience parce que vos vâsanas sont trop fortes et trop actives, il est bénéfique de se cramponner à la pensée « Je suis le Soi ; je suis tout. » Si vous méditez de cette façon, vous ne coopérerez pas avec les vâsanas qui obstruent votre conscience du Soi. Si vous ne coopérez pas avec vos vâsanas, tôt ou tard elles sont obligées de vous quitter.
Si cette méthode ne vous attire pas, alors, observez simplement le mental avec pleine attention. Chaque fois que le mental erre, prenez-en conscience. Regardez comment les pensées se lient les unes aux autres et observez comment ce fantôme appelé mental s'empare de toutes vos pensées et dit : « Ceci est ma pensée. » Observez les habitudes du mental sans vous identifier à elles d'une quelconque façon. Si vous accordez à votre mental une attention pleine et détachée, vous commencerez à comprendre la futilité de toutes les activités mentales. Observez le mental errer çà et là, chercher des choses ou des idées futiles et inutiles qui en fin de compte ne feront que lui créer de la souffrance.