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BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja









Toujours ardent à discerner la Réalité vibrante

le Spandakarika - stances sur la vibration de Vasugupta
Spandanirnaya de Ksemaraja (et spandakarikavrtti de Bhatta Kallata)

Traduction de Lilian Silburn ((Éditeur : Institut de civilisation indienne - Diffusion E. de Boccard
11, rue de Médicis Paris 6°).


L'auteur montre que l'état intermédiaire de la veille et du rêve n'est pas un obstacle pour le bien-éveillé :

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Les émanations des vibrations particulières, à commencer par les qualités, qui recouvrent leur essence grâce à la vibration générique qu'elles prennent pour support, cessent à jamais de détourner du chemin celui qui sait.


Guna désigne les trois qualités que sont sattva, rajas et tamas, issues du tattva prakrti, nature originelle située au niveau de l'illusion.

... Les émanations des actes particuliers qui s'étendent de l'activité parcellaire et autres cuirasses jusqu'à la terre correspondent au flot des corps, des organes, des mondes, des impressions objectives et subjectives et, en ce qui concerne le yogi, aux émanations de lumières et de sons surnaturels (bindu et nada).

Elles ne font jamais obstacle au sujet parfaitement éveillé (suprabuddha) ni ne masquent sa véritable nature à celui qui connaît et qui ne renaîtra plus car ces émanations ont pour support le spanda générique, lui doivent leur essence et lui sont identiques selon la stance : « A ce en quoi demeure tout ce créé ... » (I, 2). Comme l'a déclaré l'Isvarapratyabhinakarika : « Ce qui pour le Seigneur constitue connaissance, activité et illusion dans les modalités qui sont ses membres, c'est cela qui, pour l'être asservi, constitue les trois qualités de luminosité, de passion et d'inertie. » (III, 3, 4.)

L'énergie de la Conscience propre au suprême Seigneur qui, aux étapes de l'éternel Siva et d'Isvara, se manifeste en tant que triple énergie, connaissance, activité et illusion, en se limitant, assume en manière de jeu l'aspect des trois qualités.

En conséquence, le parfaitement éveillé demeure toujours conscient que tous ces états sont constamment gouvernés par ce spanda, l'univers n'étant autre que le déploiement de sa propre énergie consciente ; aussi pénètre-t-il dans la Réalité même de l'Acte sans s'opposer aux vibrations particulières des qualités et autres aspects.

Bhatta Kallata

Les courants que sont les émanations propres à la vibration particulière des qualités, rajas, sattva et tamas, s'écoulent en prenant pour support le spanda générique. A celui qui a reconnu tout ce qui est à connaître, ils ne peuvent jamais masquer sa propre nature ni le détourner du chemin.



L'auteur explique maintenant comment ces émanations enchaînent ceux qui ne sont pas vraiment éveillés :

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Mais ces émanations particulières, toujours empressées à dissimuler leur propre assise, précipitent ceux dont l'intelligence est mal éveillée dans l'effroyable tourbillon de la transmigration auquel il est si difficile d'échapper.


Ces émanations particulières du spanda, ardentes à masquer constamment leur propre fondement identique à la Réalité vibrante, font sombrer le cercle entier des mondains dans la voie terrifiante et douloureuse des cycles des renaissances dont nos guides les tirent difficilement ; les mondains, en effet, n'ont pas reconnu leur propre Réalité, identique à l'énergie du Seigneur, et prennent leur corps pour le Soi de même que les yogi aux pouvoirs limités prennent leur souffle, etc. pour le Soi.

Comme le dit le Malinivijaya (III, 31) : « Les énergies qui, tenant étroitement embrassés les êtres individuels attachés aux seuls objets des sens, les précipitent de plus en plus bas, sont connues comme effroyables (ghoratarasakti). » Et cette même énergie suprême, la Réalité vibrante, est nommée vamesvari parce qu'elle est la déesse qui vomit l'univers intérieur et extérieur tout entier et qu'elle marche à contre-courant du samsara. Elle engendre les quatre cercles des divinités, khecari, gocari, dikcari et bhucari, qui conduisent à l'étape suprême de parfait Éveil mais qui font déchoir de plus en plus bas le non-éveillé.

Les khecari, se mouvant dans l'éther de la conscience, sont pour le parfaitement éveillé à la source du déploiement, étant alors intemporelles, indifférenciées, douées d'omniscience et d'omnipotence, de plénitude et d'omnipénétration. Mais quand elles se meuvent dans l'éther du sujet conscient du vide (Sunyapramatr), sous forme de cuirasses, elles deviennent chez le non-éveillé source de limitation quant au temps, à la connaissance, à l'activité et au désir.

Les énergies gocari, qui se meuvent en go ou sphère de l'agent du moi et de l'intelligence que caractérise le discours selon le sens de parole donné ici à go, engendrent la résolution, l'estime de soi, la conviction de l'identité au Soi. Purement indéterminées chez le parfaitement éveillé, ces énergies ont pour seule essence la différenciation chez le non-éveillé.

Les énergies dikcari, qui se meuvent dans les dix directions spatiales ou dix zones des organes sensoriels extériorisés, mènent le bien-éveillé à la révélation de la non-dualité, tandis qu'elles conduisent les non-éveillés à la dualité.

Les énergies bhucari, qui circulent sur la terre, faites d'expérience, sont propres à l'existence objective, à la pentade des formes, des odeurs, des sons, du toucher, etc., à laquelle elles accèdent en se cristallisant. Ces énergies se manifestent au bien-éveillé en tant que corps indivis de la lumière consciente, mais pour les autres elles se déploient partout sous des formes particulières ou objectives propres à l'agent de connaissance, à l'organe interne, aux organes sensoriels et aux objets connaissables.

Ces quatre cercles se ramènent donc aux émanations du spanda spécifique qui précipitent dans le devenir, ce flux des tattva, les non-éveillés ainsi que les yogi qui se contentent de la manifestation de sons et de formes surnaturels.

Bhatta Kallata

Ces qualités précipitent tous ceux qui sont à peine éveillés, en voilant la conscience de leur propre assise, dans l'infranchissable, impraticable tourbillon du samsara parce qu'ils considèrent leur propre Soi éternel comme identique à ce flux et non comme une essence pure et éveillée.



Puisqu'il en est ainsi :

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En conséquence, celui qui est toujours ardent à discerner la Réalité vibrante accède sans délai à la nature innée, même s'il se trouve à l'état de veille.


Même à l'état de veille, c'est-à-dire conscient du monde environnant et y déployant son activité, s'il est perpétuellement ardent à prendre conscience du spanda et si, tels « ceux qui, unifiés, absorbant en moi leur esprit, m'adorent constamment », selon la Bbagavad Gita (XII, 2), il se recueille constamment et se laisse aller à l'intuition de son essence, il accède bientôt à sa propre nature, innée, identique au Seigneur. Alors, cette nature intime émerge d'elle-même et, grâce à son absorption perpétuellement présente, le bien-éveillé devient parfaitement éveillé ; en cette vie même, il est libéré.

Bhatta Kallata

Celui qui, à tout moment, s'adonne avec ardeur à dévoiler l'essence de la vibrante Réalité, atteint sans aucun délai, même à l'état de veille, sa propre nature innée qu'on nomme jouissance du Quatrième état.