A chaque moment un vide se creuse sous nos pas, brisant notre durée, d'où la possibilité de jaillissements nouveaux, ou plutôt de mise à nu de l'immuable Réalité. La réalité ultime est d'une manière indescriptible nonchalance pleine d'ardeur, ténèbres intenses identiques à la lumière, vacuité faite de plénitude. Lorsqu'on adopte le sans-demeure, on atteint précisément cet inexprimable dans lequel tout est contenu : la Conscience universelle infinie se trouvant dans un état infime (comme une particule élémentaire) et celui-ci en elle.

Alors, en ce grand firmament (du Cœur) où soleil et lune (toute la dualité, connaissance et connu) se sont couchés, l'ignorant est dans un état semblable au sommeil sans rêve tandis que celui qui s'éveille complètement a perdu ses voiles. En effet l'homme dépourvu de vigilance tombe dans un état mystique d'inconscience semblable au vide, mais dans ce même vide, un yogi vigilant s'abîme en toute conscience et pour lui s'épanouissent alors efficience et félicité au moment où fulgure l'illumination.

la Réalité peut être envisagée dans une double perspective selon un jeu de kaléidoscope, une secousse instantanée déploie un paysage entièrement nouveau : si la conscience se tourne vers l'intérieur, elle expérimente l'indifférenciation indicible; si elle se tourne vers l'extérieur, l'univers différencié surgit. Ainsi donc, pour que l'univers se montre, il faut que la Conscience indifférenciée lui cède la place et, corrélativement lorsque celle-ci se révèle, l'univers disparaît. L'être libéré a le choix entre deux modes incompatibles dans l'instant : la jouissance d'un monde surabondant d'énergie divine ou celle du corps absolu (Conscience Cit) en qui l'énergie réside à l'état de germe.

L'univers se révèle donc dans la base (Conscience absolue, shi, Siva, Corps absolu, etc) comme les rêves chez le rêveur sans l'intermédiaire d'une cause matérielle. Saisi en sa substance comme la Conscience absolue, l'univers n'est autre que la plénitude indifférenciée; d'où le qualificatif d'ineffable.