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BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja









L'essence


Du point de vue de l'existence réelle, quelle différence y a-t-il entre la fleur du ciel et la fleur véritable, puisque le monde n'existe qu'en tant que conscience et que cette conscience est la même en tout.

Citation de Mahesvarananda

Le sivaïsme cachemirien n'admet pas de matière différant de la Conscience, unique existence qui apparaît comme non moins réelle dans une fleur imaginaire que dans une fleur qu'on peut toucher et sentir : il suffit d'évoquer une chose matériellement inexistante, la corne de lièvre par exemple, pour qu'elle existe aussitôt réellement dans la conscience. Ainsi le monde actuel rempli de vidéos de choses imaginées (films, jeux, etc.) et aussi ses écrits sur tout support (livres, internet) montre une expansion extraordinaire du domaine noétique (du niveau du rêve) de la Conscience.
Telle se présente la théorie Trika nommée mahavyapti, intégration universelle ; du fait que rien n'échappe à son domaine, la conscience intègre tout à elle-même. Seul existe donc ce qui est connu, n'existe pas ce qui n'est pas objet de connaissance. Utpaladeva appelle l'existence ainsi conçue « existence transcendante » (mahasatta), il y voit une manifestation vibrante et vivante.

Le terme sphurana qu'on peut traduire simplement comme conscience, exprime à la fois manifestation, lumière consciente et existence réelle puisque, sans la conscience, il n'y aurait pas d'existence. Cette existence est grande, commente Abhinavagupta, parce qu'elle s'étend à tout, pénètre tout, y compris la fleur du ciel (exemple traditionnel dans les textes du sivaïsme non dualiste). Ni le temps ni l'espace qu'elle engendre ne la limitent. Selon un verset de maître inconnu : « L'existence transcendante est dite grande Déesse et vie de l'univers ».

Utpaladeva compare la manifestation de l'univers à une création magique : « Dieu, Conscience par essence, fait, tel un yogi, apparaître à l'extérieur sans se servir d'aucune cause, et par le pouvoir de sa seule volonté, l'ensemble des choses qui résident en lui. » Abhinavagupta glose ainsi : toutes sortes de manifestations apparaissent sans cause extérieure dans le rêve, l'imagination, le souvenir, mais étant impermanentes, particulières à chaque individu et engendrées par les résidus d'expériences antérieures, on les considère comme irréelles. Par contre, lorsqu'un yogi suscite, sans l'aide de causes connues telles l'argile, le bois … et par sa volonté des villes et des armées, celles-ci sont appréhendées en commun par tous les spectateurs bien qu'elles soient uniquement produites par son pouvoir spirituel. « Dira-t-on que les plantes engendrées par un yogi diffèrent des plantes issues d'une graine ? À cela je répondrai que s'il n'y a pas de différence dans la connaissance que nous en avons, elles ne présentent aucune différence : toutes deux sont aptes à servir un même but et durent jusqu'à ce que leur tâche soit achevée ; le yogi transgresse donc les lois de cause et d'effet s'il le veut, en suivant la voie surnaturelle bien connue de la plupart des yogis. » De même en vertu de sa liberté foncière, la Conscience universelle manifeste comme une réalité objective l'ensemble des choses qui repose en elle-même et lui est identique.

Le monde extérieur n'a donc pas d'existence indépendante, il n'est que la projection de la conscience divine comme la fleur qu'un rêveur voit se dessiner dans le ciel.