entrée
BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja









PURE LUMIÈRE


Source : Hymnes aux Kali, la roue des énergies divines de Lilian Silburn – commentaires


... si l'on imagine le Soi comme un phare qui donnerait un éclairage de plus en plus intense, s'étendant toujours davantage, jusqu'à ce que la lumière infinie embrasse tout. Au début l'éclairage varie en intensité, obéissant ainsi apparemment à la succession temporelle : d'abord simple faisceau lumineux qui fuse comme l'éclair, il se stabilise, puis devient si éblouissant qu'au stade de la résorption il rend invisible ce qu'il éclairait précédemment. Et cette illumination se reproduit sur trois plans : connu, connaissance et connaisseur. L'avant-dernière kali a surmonté le temps mais comme elle jouit en liberté de la lumière, elle illumine à son gré intérieur ou extérieur. A la fin la Splendeur unifiée ne variera plus.

Les quatre premières kali formant la ronde du connu (prameya) sont les artisanes d'une perception mystique nouvelle : si le phare jette d'abord un très bref éclat, les choses surgissent en tant qu'énergies avec, pour arrière-fond, le Sujet conscient. Vision globale, instantanée, sensation exempte de constructions mentales, d'où le plaisir aussi vif qu'intense qu'éprouve le yogi : joie de voir naître les choses toutes imprégnées de la Conscience de Soi, mais joie non moins grande de leur retour immédiat au Soi. Puis si le yogi s'exerce, les yeux ouverts, à regarder ce qui l'entoure dans le miroir de la Conscience, il y verra avec clarté et de façon durable les choses comme distinctes, variées, mais toujours intégrées au Soi. Il les savoure alors avec ivresse et émerveillement, car elles ont saveur (rasa) de la Conscience. Les choses ainsi perçues se résorbent dans sa pure conscience, le phare projetant une telle lumière qu'elle seule demeure visible (samhara). Ensuite l'éclairage va porter sur quelque sombre recoin où subsistent des traces d'objectivité aptes à faire surgir la dualité moi non-moi dans la zone subtile et fluctuante de la vacuité, à l'intersection des domaines du connu et de la connaissance. Ces traces se coagulent dans le vide puis se dissolvent dans l'indicible quand le yogi déploie et reploie ses énergies à travers les phases précédentes jusqu'à la complète dissolution des tendances résiduelles. Son intérêt à l'égard du monde objectif étant évanoui, il s'apaise (anakhya).

Le yogi aborde alors le domaine de la connaissance instrumentale (pramana), tout lui apparaissant désormais comme l'œuvre de son énergie cognitive. Il se tourne donc vers le moi et ses organes en vue de les purifier et, leur limitation détruite, de les diviniser. Le phare de la Conscience irradie sa clarté maintenant sur le cercle de la connaissance qui va se résorber dans le pur Sujet.

D'abord émerge, l'espace d'un instant, la véritable connaissance qui vient d'assimiler l'objet ; celui-ci n'apparaît plus ni extérieur à elle ni projeté par elle, mais comme absorbé en elle. Le yogi commence à saisir en leur unité les instruments naturellement instables du connaître et du jouir. Puis la connaissance s'établit de façon durable ; la jouissance différenciée qui appartenait à la seconde des kali fait place à une jouissance égale en toute chose. Le pur Sujet se consacre à faire disparaître le moi limité (ahamkara), ce démiurge orgueilleux posé comme une chose objective que l'on appréhende encore. Parallèlement l'idée du temps s'abolit. Si le moi possesseur d'organes est dissous, les impressions laissées par ces organes, à savoir une certaine connaissance relative au moi, ne le sont pas. Ayant ratissé le champ du pramana, la connaissance illuminatrice coagule et fait fondre le doute fondamental, cette peur de retomber dans la dualité qui entraîne encore un certain flottement, obstacle à la certitude absolue (samhara). Le sujet limité résorbe les douze organes de perception et d'action, la pensée, l'intelligence discriminatrice ; désormais, ses doutes évaporés, il demeure seul et son indéfinissable énergie cognitive n'est plus que certitude mystique due à l'illumination (anakhya).

Le phare éclaire alors avec éclat le cercle du sujet connaissant (pramatr) : le Je commence par prendre brièvement plaisir à ses douze organes cognitifs ; puis cette connaissance fait place à l'intuition du Sujet dégagé de ses appartenances qu'étaient les connaissances limitées et leurs instruments. L'intuition du Sujet purifié, bien que limité encore, lui permet de reconnaître son essence de façon permanente et de jouir de sa nature divine. Le Sujet universel règne seul quand s'abolissent ses limites individuelles (samhara). Devenu stable, le suprême Sujet s'identifie enfin à l'Énergie totale, l'indicible kali, d'où une parfaite indifférenciation. Il n'y a plus dès lors qu'une kali unique, adonnée au jeu de faire surgir puis de résorber ce qu'elle a engendré. Telle est kalasamkarsini, l'Indifférenciée qui a pressuré le temps en effaçant toute gradation. Elle flue spontanément sans rencontrer d'obstacle à travers les domaines bien unifiés du connu, de la connaissance et du sujet connaissant, car elle contient les diverses kali et les manifeste à son gré (anakhya).