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BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja









La Conscience et la Conscience de la Conscience


L'indissoluble union de prakasa et de vimarsa constitue la Réalité indifférenciée nommée Paramasiva, caitanya, Cœur ou Soi (atman), éternel et suprême Sujet conscient qui brille toujours de son propre éclat et que caractérise la libre prise de conscience. Paramasiva étant la plénitude, renferme tout en lui-même, prakasa et vimarsa y sont indistincts. Pour faire apparaître l'univers, il doit pour ainsi dire se retirer en lui-même et se vider de son énergie contenant l'univers en germe. Il fulgure alors sous forme de prakasa, lumière consciente qui voile l'énergie (vimarsa). Tel est l'état de Siva-sans-relation ou vacuité transcendante. Bien qu'il se détourne d'un univers possible, il reste en quelque sorte en rapport avec lui. Conscient de soi, Siva-sans-relation possède la totale intériorité (aham-vimarsa), mais il est dépourvu d'autonomie parce qu'il refuse d'exercer sa libre volonté.

Par contre Siva, en tant que première des catégories de la manifestation, se trouve indissolublement associé à l'énergie, vimarsa, il est donc conscient de soi et aussi de ses propres énergies qui, unies, constituent sa liberté. Ce libre pouvoir s'exprime par la possibilité de manifester les énergies hors de lui sous forme d'univers ou de les unifier dans la conscience de soi. Ainsi Siva renferme à la fois conscience et libre efficience, dont l'union est nommée conscience-en-acte (caitanya) et existence dynamique (mahasatta). Les énergies divines ne sont que divers aspects de la conscience de soi : que vimarsa repose en elle-même et Siva jouit d'une pleine félicité (ananda), qu'elle désire créer et elle devient énergie-activité (kriyasakti).

Sous l'aspect d'énergie-activité, quand sa volonté entre en vibration, Siva apparaît comme plénitude car il est comblé des modalités de l'univers clairement manifestées en lui. Il s'amuse à engendrer toutes choses à la manière d'un magicien qui exerce librement ses énergies, unissant et dissociant ses connaissances relatives aux manifestations objectives, en liaison avec un sujet conscient.

D'abord émanation très pure tant que Siva est maître de ses trois énergies : connaissance, activité et illusion, puis émanation impure quand ces mêmes énergies prennent l'aspect des trois guna, ces qualités qui l'asservissent en l'individualisant (anu). Toutes les lumières et les prises de conscience éparses dans l'univers sont identiques au Seigneur qui ne diffère pas de l'univers, prakasa formant sa connaissance et vimarsa son activité. De l'énergie créatrice d'illusion dépend la double prise de conscience je et cela, ces deux moments de l'émanation nommés éternel siva (sadasiva) et souverain (isvarasiva). Si l'objectivité y apparaît distincte, elle repose pourtant encore dans la conscience de soi parce que la prise de conscience (paramarsa) de la lumière et de son acte continue à porter sur la nature essentielle du Soi. Ce sont là les énergies innées du Seigneur.

Mais lorsque cette intuition parfaite de la nature du Soi fait défaut et que la connaissance appréhende les objets comme séparés du Soi, séparés entre eux et dépourvus de véritables prakasa et vimarsa, alors se manifestent les trois qualités : plaisir, douleur et inconscience (les trois poisons) qui ont pour fonctions la connaissance, l'activité et la limitation. Quand cette conscience de Soi perd sa pureté, elle se manifeste comme un sujet distinct à l'intérieur de la pensée ou du corps qu'elle prend pour le Sujet réel. Elle n'obéit plus qu'à l'alternative (vikalpa) dans laquelle soi et non-soi s'excluent mutuellement, car pour connaître, elle doit s'opposer à un autre que soi.

On rattache la séparation progressive des deux aspects de la conscience aux cheminements parallèles du signifié et du signifiant. Le signifié, prakasa (vacya), qui s'étend des parcelles dynamiques jusqu'aux univers, l'être dans sa spontanéité se déployant dans l'espace qu'il engendre pour finalement devenir matière inerte. Le signifiant, vimarsa, énergie en tant qu'acte vibrant de la conscience, correspond au son (vacaka) qui s'exprime dans le temps sous forme de phonèmes, de formules et de mots et, symétrique à la lumière consciente (prakasa), en diverge progressivement et finit par prendre l'aspect d'un sujet limité face à une nature inconsciente, à laquelle aboutit de son côté prakasa. Si Prakasa représente au sommet Siva-sans-relation, à l'autre extrémité il revêt l'apparence des choses inertes et donc inconscientes ; pourtant ces choses existent du fait qu'elles sont manifestes à un sujet, saisies par lui en une impression immédiate et sans dualité. Quant au sujet limité, il lui faut vibrer pour être conscient : la manifestation du sujet limité consiste en un ébranlement de la conscience ; sans lui, il serait plongé dans l'inconscience du sommeil.