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BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja









HUM

Source : Le Vijnana Bhairava traduit et commenté par Lilian Silburn


42 - Mais aussi, à l'aide de la succession ordonnée de phonèmes grossiers d'une formule quelconque d'un seul bloc, sous la poussée du Vide propre aux phases subtiles d'ardhendu, bindu et nadanta, on deviendra Siva.

La formule dense et lapidaire, pindamantra, qui ne diffère pas du navatmamantra ne contient qu'une seule syllabe faite de consonnes et ne peut être énoncée : H.R.KS. M.L.V.Y.N.UM.

La série des lettres ordinaires s'étend de H jusqu'à la sixième voyelle U, puis le souffle intérieur protracté devient de plus en plus subtil en revêtant l'aspect d'ardhendu lequel se dissout en bindu et celui-ci à son tour en nada, etc., jusqu'à ce que le son confine à la vacuité de l'énergie unmana, laquelle, ne rencontrant plus d'obstacle, mène directement à Paramasiva.

Uccara ne signifie pas exactement dans le contexte émission de son ou récitation puisque ni le pindamantra ni les autres phases subtiles du son comme bindu et nada ne peuvent être émis. D'après Sivopadhyaya, uccara est la prise de conscience (vimarsa) du vide, vide où s'achève le son qui permet de s'emparer de l'inaudible. Uccara s'allie à un processus de yoga par lequel les souffles se trouvant en parfait équilibre, la kundalini fonctionne sous son aspect phonématique en tant qu'énergie vibrante (spandasakti). Le courant vital est canalisé tout au long de la susumna grâce à une poussée vacuitante où souffles, phonèmes, énergies s'affinent progressivement durant les phases d'ardhendu, de bindu, de nadanta, etc.

Bien que le fonctionnement du souffle central confère des pouvoirs supranaturels lorsque le souffle a cessé de se mouvoir dans l'espace ordinaire pour s'apaiser dans l'akasa intérieur, néanmoins cet uccara a pour fin dernière de révéler le Soi.


Ascension de la kundalini et fonctionnement du souffle
(uccara par la récitation de AUM)


Examinons maintenant comment l'énergie du souffle redevient pure conscience (samvid) tandis que la conscience empirique (citta) retourne à son essence de conscience absolue citi.

L'ascension de la kundalini qui relève de la voie de l'énergie synthétise les procédés divers décrits séparément dans les versets de notre Agama, l'un s'attachant au souffle, un autre à l'articulation des sons, un troisième à un retour vers l'énergie, etc. ; car c'est une seule et même énergie qui s'élève dans la voie médiane entraînant elle un affinement et une intériorisation progressive des souffles (prana), des sons et vibrations subtiles, des pures énergies (kala), des catégories de la réalité (tattva) et des pensées.

Ainsi le véritable uccara, dont on trouve un exemple typique dans une concentration en douze étapes sur le pranava AUM, la montée du souffle introverti et apaisé sous forme d'énergie médiane (madhyasakti) nommée aussi hamsa ou kundalini et qui se déploie en onze mouvements successifs de façon spontanée (niskala) sans impliquer le moindre effort de volonté.

Ces mouvements dont les premiers peuvent être localisés en un endroit déterminé du corps, s'étendent de A, premier phonème de la syllabe sacrée AUM, jusqu'à l'énergie très subtile (samana). Par delà on accède à l'énergie unmana, très haut aspect de la Parole.

1 à 3 : Les trois premiers mouvements consistent en la récitation (uccara) des trois phonèmes A, U, M.

4 : Au moment où ces derniers s'identifient les uns aux autres, apparaît le bindu ou anusvara, résonance nasale transcrite avec un point sur AU M et qui symbolise l'énergie condensée de la parole. En lui les phonèmes reposent sous une forme indivise. Foyer intense de lumière, ce bindu devient à ce stade une activité agit par elle-même.

5 : La montée du souffle dans la voie du milieu (susumna) part du cœur (phonème A), accède à la gorge (U), puis au palais (M); elle perce ensuite le centre des sourcils (bhrumadhya) = (bindu). Ce bindu atteignant le milieu du front (lalata) prend fin et la cinquième étape dénommée demi-lune (ardhacandra) lui succède.

6 : Dès que le yogin fait de la susumna sa demeure permanente. il jouit de nirodhika, l'énergie qui obstrue, ainsi appelée parce que, nous dit-on, les dieux et les yogin ordinaires sont incapables de dépasser cette limite. Mais si, à l'aide d'une initiation spéciale, on réussit à surmonter cette étape difficile, on obtient nada.

7 : Nada, résonance intérieure purement mystique, s'étend du front au sommet de la tête et se répand par le conduit central. Elle correspond au son spontané anahata, non issu de percussion que le commentateur du Tantraloka définit de la manière suivante : produite par le mouvement du souffle, la résonance anahata est inarticulée, car aucun agent n'est requis pour l'émettre. Rien ne peut donc faire échec à sa production. On la nomme nada et elle pénètre tous les autres sons. Jamais elle ne se couche ; c'est pourquoi on la désigne par le terme anahata.

8 : Au-delà du nada se trouve nadanta, textuellement fin de la résonance, d'une extrême subtilité (susùksmadhvani) et qui réside en brahmarandhra. Dans sa glose au Vijnanabhairava, Ksemaraja l'explique par sabdavyapti, omniprésence du Son.

9 : Sakti, énergie en soi. A la phase suivante de l'énergie, kundalini parvient grâce à l'illumination (vijnana) jusqu'au brahmarandhra et on la nomme ûrdhvakundalini. Cette phase révèle selon Ksemaraja l'omnipénétration propre à la sensation (sparsavyapti) qui se traduit par une jouissance dans l'apaisement.

10 : Ayant quitté cette étape, on accède à l'énergie omnipénétrante (vyapini) qui remplit le cosmos et qui correspond au grand vide. Ksemaraja précise que les limites corporelles tombent et que le yogin jouit de vyomavyapti.

11 : Puis les bornes spatiales et temporelles une fois franchies et l'objectivité disparue, on s'élève jusqu'à l'énergie d'illumination, samana qui réalise la parfaite fusion de toutes les phases précédentes. Le yogin y baigne dans l'égal (sama) et possède désormais un habitus impassible. Telle est la poussée intérieure du cygne (hamsoccara), autre forme du souffle du milieu ou de la kundalini.

12 : Cette montée qui relève de la suprême modalité (parabhava) s'achève en une énergie ultime, paramasakti, l'unmana au-delà de toute cogitation mentale qui transcende les onze mouvements précédents et que rien ne dépasse.

Si, parvenu à la phase de l'énergie impassible et égale (samana), le yogin dirige à nouveau son regard vers l'univers, il dispose souverainement de pouvoirs surnaturels variés : s'identifiant au vide propre à l'énergie omnipénétrante (vyapinî), il devient par son intermédiaire omniprésent comme elle. Ou encore, s'il se concentre sur le vide relatif à samana, il participe à l'omniscience de celle-ci. S'il médite sur le toucher (samsparsa), à savoir la félicité au stade de l'énergie, il devient cause de l'univers.

Mais si le yogin, dans sa volonté inlassée de transcender tout pour atteindre Paramasiva, se désintéresse de ces facultés supérieures et repousse le monde objectif, alors, à l'aide de l'énergie homogène (samana), il s'élance au-delà des six cheminements du devenir (adhvan), au-delà même des onze phases précédentes et, secouant les derniers liens et imperfections, libéré des conditions mentales, il s'engloutit dans l'énergie unmana et s'abîme dans le vide absolu (sûnyatisûnya) où il recouvre la pure existence sans manière d'être (sattamatra).

Unmana qui est rejet définitif et complet de toute agitation mentale se confond avec la libre énergie (svatantryasakti). Étape ultime dans la voie du retour vers Siva, elle forme la prise de conscience de soi (svatmavimarsa) qui, infinie et parfaitement harmonieuse, hausse le yogin à la divinité en lui permettant de s'identifier à l'inconcevable Paramasiva.