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BLOG COUSIN PASCAL

Celui qui perçoit l'univers comme un amas d'écume en plein océan ambrosiaque de la Conscience,
c'est lui, en vérité, l'unique Siva.

Ksemaraja









L'essence de la plénitude

Source : Le Vijnana Bhairava – texte traduit et commenté par Lilian Silburn (Édit : Collège de France, Institut de indienne)


116 - Partout où va la pensée, vers l'extérieur ou encore vers l'intérieur, O Bien-aimée ! là se trouve l'état sivaïte ; celui-ci étant omnipénétrant, où donc la pensée pourrait-elle aller pour lui échapper.


La pensée s'égare et se disperse dans le dédale des impressions sensorielles, émotives ou des concepts, mais la Conscience absolue c'est-à-dire Siva, étant le Tout, il n'existe aucun lieu où elle ne le rencontre. Elle ne peut donc se perdre à sa recherche. En conséquence, ni l'objet sur lequel on médite, ni l'introversion ou l'extraversion de la pensée n'importent et la concentration elle-même perd son sens. Dès qu'on s'abîme dans le centre apaisé, on ne perçoit plus en toutes choses que le Soi.

Et la Spandakarika : « L'individu est identique au Tout parce qu'il réside à la source de toute chose et qu'il assume cette identité tant il est pénétré de la conscience de ce Tout. C'est pourquoi il n'y a pas d'état dans les réflexions sur les mots et leur sens qui ne soit Siva. »

Ni les vikalpa, ni les liens eux-mêmes ne diffèrent de Siva. La libération consiste donc à s'identifier à l'univers et à en prendre conscience.

Ainsi un yogi qui a su équilibrer l'extase-les-yeux-clos et l'extase-les-yeux-ouverts par l'attitude bhairavimudra ne voit plus ni intérieur ni extérieur et il repose dans l'harmonie la plus parfaite (samata) ; rien à ses yeux n'est plus séparé de Bhairava, la Lumière unique de la Conscience.



117 - Chaque fois que par l'intermédiaire des organes sensoriels, la Conscience de l'omniprésent se révèle, puisqu'elle a pour nature fondamentale de n'être que cela, pure conscience ; grâce à l'absorption dans la Conscience absolue, on accède à l'essence de la plénitude.


La Conscience étant éternelle et partout présente, on baigne dans la plénitude chaque fois qu'on perçoit quelque objet. Si l'on se concentre sur cet objet comme s'il n'était qu'une modalité de la pure conscience, on le dépouille de ses caractères particuliers en sorte que seul demeure son substrat, dharmitva, la pure conscience ; ainsi saisi dans son être intime, il perd ses bornes et s'engloutit dans la Lumière consciente (prakasa). Que la forme singulière disparaisse et la plénitude règnera seule.

Doit-on comprendre l'expression cit-laya comme une absorption de la conscience dans l'objet réduit à l'état de pure conscience ou comme une simple absorption du yogi dans la Conscience même ? De toute façon, il n'est rien qui ne soit conscience, celle-ci étant répandue en tous lieux, donc en quelque point qu'on s'absorbe, le Soi plénier se révélera. Cette interprétation concerne un homme engagé dans la voie de l'énergie.

Mais d'après Ksemaraja qui cite ce verset, nous serions dans la voie de Siva car il s'agit d'un yogi parvenu à l'étape sivavyapti dans laquelle il perçoit Bhairava partout répandu dans l'univers. Désormais, en tous lieux et simultanément, le yogi remplit de conscience le monde entier et il s'identifie à lui. Ceci correspondrait à la glose de Sivopadhyaya : « partout, dans les sensations de couleur, de plaisir, etc. », la conscience du Soi ou de Bhairava se manifeste clairement par la voie des organes des sens, parce que ces impressions ne sont que pure conscience et n'existent pas indépendamment d'elle. Ainsi celui qui s'immerge dans la conscience, ce fond immuable sur lequel se détache l'univers, s'identifie à celui-ci et, jouissant de l'essence de Bhairava, se perd dans la Conscience indifférenciée.