Au-delà de l'Esprit.
Là où il n'y a ni douleur, ni plaisir, ni chose perceptible, ni agent percevant, ni insensibilité (mudha) non plus, là réside ce qui existe au sens suprême.
|
DES TROIS CONDITIONS REQUISES POUR LA CONTEMPLATION DE DIEU DANS LA LUMIÈRE DIVINE ....
En troisième lieu, il faut s'être perdu soi-même en une absence de modes et en une ténèbre, où tous les esprits contemplatifs sont engloutis fruitivement, incapables de jamais se retrouver eux-mêmes selon le mode de créature. C'est dans l'abîme de cette ténèbre où l'esprit aimant est mort à lui-même, que commencent la révélation de Dieu et la vie éternelle. Car c'est là que brille et qu'est engendrée une lumière incompréhensible, le Fils de Dieu même, en qui l'on contemple la vie sans fin. En cette lumière l'on devient voyant; et cette lumière est donnée à l'esprit en son existence simple, là où il reçoit la clarté qui est Dieu même, au-dessus de tous les dons et de toute œuvre de créature, en ce vide tout affranchi de l'esprit, où par le moyen de l'amour de fruition, il s'est perdu lui-même et reçoit sans intermédiaire la clarté divine, tout transformé aussitôt en cette clarté même qu'il reçoit. Voyez, cette clarté mystérieuse à laquelle on contemple tout ce que l'on désire, en rapport avec le vide de l'esprit, cette clarté est si grande que le contemplateur aimant n'aperçoit et n'éprouve en son propre fond, où il se repose, rien qu'une lumière incompréhensible; et selon la nudité simple qui enveloppe toutes choses, il se trouve et se sent transformé en la lumière même qui le fait voir et rien autre chose.
C'est ainsi que l'on devient voyant dans la lumière divine. Bienheureux les yeux qui voient ainsi, car ils possèdent la vie éternelle.
Ruysbroeck
|
Les concepts dualistes.
Où que ce soit, quelles qu'elles soient,
Les choses ne sont jamais produites
A partir d'elles-mêmes, d'autres,
Des deux ou sans cause.
Dans aucun lieu, en aucun temps, selon aucune philosophie toutes les choses extérieures et intérieures ne sont produites à partir d'elles-mêmes car il s'ensuivrait qu'elles devraient s'engendrer de nouveau , ce qui est absurde, et que leur production aurait lieu à l'infini. Ainsi la pousse s'engendrerait de nouveau au second moment de sa propre cause, alors qu'elle a déjà atteint son entité au premier moment de sa cause, et se reproduirait indéfiniment tout en ayant accompli son entité.
Dans aucun lieu, en aucun temps, selon aucune philosophie les choses ne sont produites à partir d'autres car, alors, tout serait produit à partir de tout. Ainsi la graine serait autre que la pousse et sans relation à elle, et on aurait l'absurdité que, comme la pousse qui est engendrée à partir de la graine, tous les autres phénomènes sans lien avec elle naîtraient d'elle.
Et encore, dans aucun lieu, en aucun temps, selon aucune philosophie les choses ne sont produites à partir d'elles-mêmes et d'autres puisque les conséquences des deux premières positions s'ensuivraient.
Enfin, dans aucun lieu, en aucun temps, selon aucune philosophie les choses ne sont produites sans cause parce que lieux et temps ne pourraient être déterminés, et l'accomplissement de cause serait inutile. Ainsi la pousse ne vient pas à l'existence sans cause car l'on voit que la production s'inscrit dans les lieux et la durée et que des causes sont réunies en vue d'effets, un processus qui porte sens.
NAGARJUNA Traité du Milieu
|
l'ouverture de la réalité absolue créatrice de toute choses, est le champ du déploiement spontané du coeur
de toutes choses, car son essence est lumineuse et sa compassion incessante. De ce fait, elle est toujours
spontanément accomplie. La réalité absolue est la dimension unique où l'on ne peut imaginer le moindre atome
d'un phénomène étranger à sa nature spatiale. Les phénomènes composés, vides bien qu'apparents, s'élèvent
en tant que prodige magique de la réalité absolue, comme le jeu de la nature spontanément présente.
Ainsi, l'univers et les êtres, l'existence phénoménales et mêmes les bouddhas des trois temps ne peuvent être
imaginés d'une autre nature. Depuis toujours incréé, leur nature est absolument pure. Soudainement déliée,
la reconnaissance de l'essence se libère. Nul besoin d'effort car elle transcende causes et conditions.
Cette nature n'est ni identifiable à l'autre ni au tout, quelles que soient ces étiquettes, qu'un seul instant
vous les examiniez : il n'en demeurera rien car elles sont vides par essence. Être et non-être sont l'intellect,
or le Corps absolu en est libéré !.....Bien que ne se départant pas de l'unique réalité absolue immuable,
les choses apparaissent comme des formes variés, incessantes et individualisées....
...Ainsi, tous les phénomènes de l'existence apparente, du samsâra comme du nirvâna,
Sont originellement non nés et primordialement égaux.
Sans véritable existence ni cessation, ni éternels ni néants, sans allées ni venues ;
Bien qu'en l'espace de la réalité absolue sans limites ni dualité
Ils apparaissent distinctement dans leurs compositions variées,
A l'instant même de leur apparition, leur nature est sans complications.
L'extérieur n'a pas de réalité, n'étant qu'un mode de perception de l'esprit,
L'esprit n'étant point, les phénomènes qui en surgissent n'existent pas davantage.
Perçus sous l'aspect des cinqs objets des sens, ils sont comme l'impression de voir des
cheveux coupés devant les yeux.
Sans exister, ils se manifestent, mais les tenir pour duels est tromperie !
Lorsqu'en rêve vous vous voyez encerclé
Par une bande d'éléphants illusoires,
Vous êtes terrorisé, prenant pour autre ce qui vient de vous.
Cependant, existent-ils ailleurs qu'en votre esprit ?
A cet instant, puisqu'il n'existe rien, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur,
Ceux qui reconnaissent la nature des phénomènes lâchent leur peur qui se libère sur place ;
Par contre, tenant pour duel ce qui ne l'est pas
Les ignorants s'accrochent à leur "vérité" et s'égarent dans l'existence.
Les sages, quant à eux, reconnaissent l'indivisibilité des perceptions duelles
Et se libèrent de la nature du samsâra en dépassant la souffrance.
Kyé ho! Ces apparences sont primordialement non nées,
Bien que multiples, elles restent indifférenciées comme les reflets dans un miroir.
Leur expression vide n'est pas distincte de leur apparence,
Et comme l'eau et l'humidité, elles ne font qu'un.
Illusions sans limites, pareilles à une cité magique,
Qui même nées, ne sont jamais venues à l'être,
Elles paraissent stables mais sont le Corps absolu qui ne repose sur rien.
Leur cessation n'empêche pas qu'elles soient incessantes, sans pour autant croître ni
décroîte.
Ainsi donc, de quelque manière qu'elles apparaissent, elles n'ont pas d'existence réelle.
Toute analyse de l'apparence conclut de son absence d'essence,
Qui est l'état de Samantabhadra, unité libre depuis toujours.
Ces phénomènes sans fondement, sans origine ni substance,
Vous ne pouvez croire qu'ils sont "ceci" car ils ne sont pas identifiables (étiquetables).
A l'instar du ciel, ils sont vides, car il est inconcevable qu'ils aient un créateur.
Finies les préoccupations du style "qu'est-ce donc ?", "c'est le tout", "c'est ceci !"
Bien que vous puissiez adhérer à des philosophies partiales
Et que nombreuses soient les vues, les méditations et les modes d'action,
Il est difficile de percevoir le contenu naturel de l'esprit !
Longchenpa :"LA LIBERTE NATURELLE DE L'ESPRIT"
|
Je m'incline devant la non-dualité absolue, totale identité de Paramasiva et de l'énergie qui d'abord révèle, hors de la plénitude sans désir, le Je qui s'exprime à soi-même, puis a le désir de scinder son propre pouvoir en deux branches : Je et cela. Alors à partir de l'Essence ultime, il s'adonne au jeu de unmesa-nimesa : s'il déploie l'univers, il cache son essence et s'il révèle son essence, l'univers disparaît.
Abhinavagupta : stance d'introduction à sa Pratyabhijnavimarsini
|
|